Expérience audiovisuelle qui n'a pas pour autant oublié son gameplay au vestiaire, la création du studio français Limasse Five NaissanceE est une véritable pépite que tout amateur de belles choses doit inscrire à son agenda.
Des cubes, pas de couleurs, pas la moindre trace d'un autre être vivant et zéro scénario, bienvenue dans le monde épuré de NaissanceE qui en quelques minutes s'arrange pour vous plonger dans la solitude la plus totale, perdu dans un univers étranger qui s'affranchit des codes et se permet toutes les audaces. Même l'architecture non fonctionnelle du jeu, qui présente des lieux qui même lorsqu'ils prennent vaguement la forme d'une ville ne semblent jamais avoir été conçus pour être habités, renforcent cette profonde sensation d'être paumé dans un environnement dénué de sens... mais pas de logique.
Monochrome, pas monotone
Ainsi, l'esthétique seule de NaissanceE suffit à en faire un titre remarquable. Tout en noir, blanc et nuances de gris, il joue des lumières pour nous faire vaciller. Parfois dans le noir total puis ébloui par une lumière éclatante avant de retrouver des clairs-obscurs plus accueillants, le joueur y progresse en étant constamment contraint à la plus grande vigilance car les lumières changeantes sont traîtres, masquent la voie à suivre ou créent du mouvement là où il n'y en a pas. Limasse Five (bravo pour le nom de studio parfait pour bosser à l'internationale) a su employer avec pertinence les jeux d'ombre pour littéralement aspirer le joueur dans cet univers auquel on ne peut s’empêcher d'essayer de trouver un sens et une origine, lorsque l'on est perdu dans un dédale d'escaliers qui ne mènent à rien, au milieu de mécanismes abscons ou que l'on admire la vue d'ensemble d'une simili ville.
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Ici, on se sent seul parce que l'environnement étriqué est oppressant, là c'est une salle trop vaste et trop vide qui nous rend tout petit. Par ailleurs, NaissanceE accompagne son "orgie visuelle minimaliste" d'une bande-son magistrale qui passe de l'électro dingue à de l’instrumental. L’alliance parfaite entre visuel et musique provoquant souvent chez le joueur des émotions variées, le tout suivant à la seconde les grandes oscillations du gameplay. Car NaissanceE a le très bon goût de ne pas simplement se présenter comme une expérience audiovisuelle, il a aussi un gameplay et un level design en béton.
Surprenant de bout en bout
Epuré, le titre l'est jusque dans ses contrôles. On se déplace, on saute et... on respire pour courir. Pour sprinter, il est en effet nécessaire de cliquer au bon rythme sur sa souris, faute de quoi, le personnage s’essouffle. Mécanique habile mais malheureusement peu utilisée si ce n'est dans certaines séquences particulièrement speed au cours desquelles on devra traverser des phases de plates-formes timées en veillant à ne pas se casser la gueule tout en ne perdant pas le rythme de la course. NaissanceE mélange allègrement les phases de jeu : plates-formes speed, plates-formes contemplatives (avec une progression nécessitant une bonne dose d'observation) ou puzzles à résoudre en utilisant des sources lumineuses mouvantes. Trois styles de gameplay servis par des situations variées. On ne voit jamais deux lieux similaires, les puzzles changent de forme, on est régulièrement pris au dépourvu par une séquence inattendue, par une progression de plates-formes contemplatives suivie par un gros coup de speed, une énigme ou surtout de l'exploration, bref par un level design magistral.
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Immersif et déroutant, NaissanceE ne prend en outre jamais le joueur par la main même si parfois le titre d'un chapitre pourra aider à saisir la bonne direction. Loin d'être aisé avec des puzzles parfois tordus ou des sauts qui ne pardonnent pas, il parvient malgré tout à ne pas trop jouer avec les nerfs, du moins, pas après l'ajout de quelques checkpoints avisés via un patch récent. Etant un assez bon baromètre grâce à un manque de patience record, NaissanceE, après mise à jour en tout cas, ne m'a jamais poussé à tabasser mon clavier pendant les 7/8 heures qu'il m'a fallu pour le boucler. Il resterait toutefois quelques détails à régler, certains checkpoints obligent encore à retraverser des zones inutiles au lieu de nous replacer directement devant l’obstacle et on regrette que le feeling des sauts, le manque de body awareness ne facilite pas toujours l'avancée, surtout dans les zones obscures où il est déjà ardu de voir sa cible. Au-delà de ça, NaissanceE est un véritable aimant tant par ses qualités esthétiques que ludiques, qui force d'une alliance rare entre visuel et musique parvient à faire ressortir tout une palette d'émotions chez le joueur. Fortement recommandé.
Points forts
- Leçon de level design.
- Alternance des gameplays.
- Variété des situations.
- Direction artistique (visuelle et sonore) scotchante.
- L'immersion plus que réussie.
- Les checkpoints bien placés (après patch).
- (Bonus round : pas de succès à débloquer).
Points faibles
- Quelques problèmes de feeling du corps dans les sauts.
- Très typé, donc très sujet à désaccord.
Limasse Five réussit un pari que beaucoup tentent sans toujours le mener à bien : conjuguer l'audace et l'expérimentation visuelle à un gameplay efficace. Merveille de design, varié dans son gameplay, NaissanceE captive, intrigue et surprend de bout en bout. Une petite perle que les amateurs d'étrangetés ou de puzzle-games en vue subjective n'ont pas le droit de rater.