Après le final traumatisant de l'épisode 1 et une attente exceptionnellement longue, le second chapitre de The Wolf Among Us est enfin arrivé. Un épisode au rythme plus posé, mais qui confirme le statut de polar fantastique de cette nouvelle adaptation signée Telltale.
Dans le premier épisode de son adaptation de Fables, Telltale avait d'une certaine façon offert un tour complet de ce que le jeu avait en stock : des moments calmes, des séquences d'action intenses, des dialogues puissants et des choix décisifs... le tout en plantant le sombre théâtre des événements et le personnage de Bigby, le grand méchant loup solitaire que tout le monde redoute même s'il fait de son mieux pour restreindre sa nature violente et laisser s'exprimer son bon fond. C'est cet aspect qui se retrouve au cœur de Smoke and Mirrors, un chapitre au rythme beaucoup plus posé qui délaisse les QTE au profit de dialogues toujours aussi impeccables et souvent lourds de conséquences.
Sous le calme, la fureur
Mais sous le calme apparent de Smoke and Mirrors, la rage intérieure de Bigby n'est jamais loin, cette tendance à la violence que le shérif doit sans cesse réprimer mais qu'on lui renvoie constamment à la figure quels que soient ses efforts. Si on a déjà pu flirter avec cet aspect du personnage dans Faith, on a ici l'occasion de réellement entrer dans la peau de Bigby et de subir nous-même ses pulsions. A chaque instant, Telltale soumet, subtilement, le joueur à la tentation, tentation de lancer une tirade cinglante, une menace ou même un énorme bourre-pif comme on a pu le faire dans l'épisode précédent. Une scène notamment confronte Bigby à un personnage particulièrement détestable à qui on casserait volontiers une jambe pour obtenir ce qu'on attend de lui... et cette scène, Telltale la fait durer, et durer, le bougre s'obstinant à ne pas coopérer alors qu'on ignore toutes les 20 secondes une occasion de se servir de la batte qu'on nous a mise dans les mains... parce que quelque part, on sait que ça n'amènera rien de bon de céder à la violence. Et malgré cela, quand il essaie de tendre la main vers Toad Junior, ce dernier recule en pleurant... pauvre grand méchant loup solitaire. Vos réactions auront d'ailleurs un impact très net sur les autres Fables. Chaque démonstration d'agressivité ou d'indifférence est sanctionné par des faciès réprobateurs ou des répliques du même ton. Malheureusement, les marques de bonne volonté ne seront pas toujours perçues à leur juste valeur. Pas facile de se traîner une réputation de mangeur de petit chaperon rouge.
Once upon a time in Cracktown...
Smoke and Mirrors n'est toutefois pas simplement un épisode visant à mieux nous faire entrer dans la peau de Bigby, il contribue également en deux heures à faire évoluer l'histoire et l'enquête sur les meurtres sordides qui frappent Fabletown... ainsi qu'à nous montrer à quel point la vie de ces personnages de contes est elle-même devenue sordide depuis leur exil dans notre monde, depuis leur déchéance. En allant fourrer son nez à droite et à gauche, le joueur / Bigby découvre les secrets honteux de ces exilés, la crasse, la drogue, les mœurs légères, la perversion, tout ce qui fait de The Wolf Among Us un véritable polar noir, très noir, à l'anti-héros constamment sur la brèche, prêt à exploser, auquel on adresse tous les reproches alors qu'il est sans doute l'un des personnages les moins pourris de ce microcosme new-yorkais, juste le plus mal-aimé. Alors malgré son rythme plus lent et dépourvu de grosses scènes d'action, cet épisode de transition, typique de la progression des jeux Telltale d'ailleurs, ne laisse certainement pas indifférent, pas avec une telle écriture (avec une mention pour quelques réparties cyniques de Bigby) et des dialogues aussi magistralement interprétés.
Points forts
- Ambiance et direction artistique maîtrisées
- Doublages et musiques impeccables
- Le lien avec Bigby de plus en plus fort
- L'écriture (dialogues et histoire) qui pousse intelligemment à l'identification
- La mise en scène ultra efficace
- De plus en plus sombre
Points faibles
- Les animations parfois peu naturelles
- Une VO intégrale qui en rebutera certains
- Le rythme plus posé
- Un peu court même pour un épisode (2 heures)
Beaucoup plus calme que le premier volet, Smoke and Mirrors n'en est pas moins tendu comme un arc. Car s'il laisse de côté, pour l'heure, les QTE dynamiques ou les temps décisifs suspendus, ses nombreux dialogues, sa mise en scène et les faits qu'il présente sont corrosifs et Bigby y apparaît régulièrement comme un buveur repenti à qui on agiterait une bouteille sous le nez en attendant qu'il craque... et mette un coup de croc à tout ce qui essaie de jouer au plus malin. Smoke and Mirrors est en effet plus posé et "tranquille" que Faith, mais seulement en surface.