Rekoil, le « shooter le plus pur de cette année » selon ses développeurs, a investi Steam depuis une petite semaine... L'occasion pour nous de voir si « celui qui fera revenir le FPS à ses racines » mérite ses divers statuts autoproclamés. A 14 € le retour aux sources, et vu la concurrence payante comme gratuite, la qualité a intérêt à être au rendez-vous !
Développé modestement sur Unreal Engine 3 par une petite équipe pleine de courage, mais tout de même épaulée par 505 Games, Rekoil se veut avant tout comme un FPS multi à la fois moderne et hardcore. Il a pour but, à terme, de fédérer une communauté de moddeurs et de joueurs eSport autour de lui, et ça tombe bien puisque tous les outils sont déjà là pour qu'il puisse y arriver. Entre l'intégration interne de Twitch, l'outil de modding et de création de niveaux sur Unreal Editor, ou encore le workshop communautaire dédié, il faut bien se rendre à l'évidence : Plastic Pyranha y croit dur comme fer. Seulement voilà, même avec toute la bonne volonté du monde, lorsqu'un titre payant souhaite s'attirer les faveurs des moddeurs et de l'eSport, il se doit d'être parfaitement conçu... Et bien sûr, Rekoil rentre dans cette catégorie, non ?
« Nom de Zeus, Marty ! Nous devons retourner dans le futur ! »
Attaquons donc par ce qui fait bien souvent le charme d'un FPS si l'on met de côté le gameplay : la réalisation. Lancer Rekoil, c'est un peu comme se souvenir du milieu des années 2000, lorsque les jeux triple A tels que Counter Strike Source, Half-Life 2, Far Cry, Doom 3 et autres UT 2004 mettaient une violente claque à la concurrence. On se souvient tous, à l'époque, avoir essayé pas mal de FPS à la réalisation faiblarde, entachée par des animations franchement peu réussies et bénéficiant d'une plastique quelconque, sans âme. Voilà, Rekoil, côté réalisation, c'est un peu le petit projet qui a oublié d'être original et marquant, comme une grosse partie de « la concurrence d'il y a 10 ans ». Ses textures et modèles laissent perplexe quant au moteur utilisé et trahissent peut-être la volonté à demi avouée des créateurs : donner à la communauté une vaste bibliothèque d'outils et d'assets graphiques pas franchement sexy pour qu'elle puisse faire sa petite popote sans qu'on y passe des années en amont. D'ailleurs, si la réalisation graphique n'est pas d'une grande qualité, l'audio, quant à lui... n'est pas épargné non plus. Les sons des armes ne sont pas un exemple de réalisme et se localisent très mal en trois dimensions. Attendez-vous donc à entendre du grabuge partout autour de vous, comme si vous y étiez, même si l'affrontement se situe en réalité 3 étages au-dessus de votre position.
Dépassons donc l'enrobage pour parler de la technique pure, et là encore, le titre fâche franchement. Outre les animations ratées mais rattrapables, on remarque surtout avec amusement d'énormes soucis de ragdoll (les animations de mort) qui confèrent à Rekoil un petit côté « blague potache » qu'on aime expérimenter entre amis... Saltos, triples lutz piqués, chutes au ralenti : tout ce que vous avez toujours rêvé de faire en acrogym y passera, sans logique ni explication. Évidemment, il arrivera aussi qu'un cadavre se bloque dans un mur et frémisse violemment pendant 30 secondes avant de disparaître dans les limbes, mais passons. Il ne s'agit là que de détails mais certains s'avèrent sacrément gênants : exemple parfait avec les ombres portées. Ces dernières, qui sont habituellement modérément utiles et permettent à la rigueur de voir débarquer un joueur au détour d'un couloir, sont ici très utiles puisqu'elles sont également portées sur le sol... Il se peut donc qu'en grimpant les escaliers de la map Prison, vous puissiez voir au plafond une ombre... celle d'un joueur qui est un étage plus haut. Encore une fois il s'agit de problèmes qui se règlent, mais Rekoil est truffé de petits soucis dans le genre, et a en plus son lot de gros soucis bien plus complexes à régler, mais comme on va y aller crescendo, on garde ça pour plus loin !
Laborieux et peu fourni...
Côté interfaces et ergonomies, il faut se rendre à l'évidence : l'équipe de développeurs, la clarté, c'est pas son truc ! Entre les aperçus d'armes qui génèrent des loadings à chaque changement de map et un menu d'assignation des touches capricieux : on est encore loin de la perfection au niveau des finitions. A titre d'exemple, j'ai personnellement passé plus de 15 secondes pour trouver comment démarrer une partie après avoir sélectionné ma classe et mes armes.
Au niveau du contenu, pas grand-chose à dire si ce n'est que la dizaine de maps n'attend que des créations amateurs pour relever le niveau. La plupart sont en réalité de petites arènes de combat avec quelques recoins à explorer. Pour donner un ordre d'idées, leur taille équivaut à peu près à la moitié d'une map classique de Counter Strike. On y joue 4 modes : Deathmatch seul ou en équipe, Capture the Flag (qui pour l'occasion s'est transformé en capture de mallettes), Domination et Ombre. Si les 3 premiers sont très connus, le dernier l'est moins, et pour cause : il s'agit d'un genre de simulateur de Predator invisible et ultra rapide. Le joueur qui incarne l'Ombre doit assassiner l'équipe humaine en ne comptant que sur son camouflage optique et son couteau. Sympathique mais vite limité, il incarne à peu de choses près le constat global qu'inspire le titre. Le set d'armes à disposition des joueurs est quant à lui tout ce qu'il y a de plus classique : chaque classe a droit à 5 ou 6 armes dédiées, en plus des quelques pistolets, couteaux, et grenades. On compte au total une quarantaine de joujoux, tous archi connus des amateurs de FPS. Comme d'habitude, on retrouve les spécialistes de l'assaut, les éclaireurs, snipers, mitrailleurs lourds et autres adeptes de lance-roquettes. L’ennui c'est que leur efficacité est grandement liée au gameplay et à la gestion de la balistique, un pan de game design visiblement évincé du processus de développement...
"Ah, donc le jeu s’appelle Rekoil, mais les armes n'ont pas de recul..."
Halte aux blagueurs du dimanche : non, Rekoil n'a pas de recul. Voilà, c'est dit. Plus sérieusement, il est vraiment impressionnant de voir à quel point, lorsqu'un studio oublie ou lésine sur la gestion du recul, de la dispersion des tirs et de la balistique en général, le titre qui en ressort se montre fatalement brisé. Certes le gameplay ultra rapide et nerveux se prête largement à une pluie de balles, mais le fait que ces dernières fassent mouche 3 fois d'affilée sur une cible en mouvement à 300 mètres peut s'avérer gênant, surtout lorsqu'on est équipé d'un petit pistolet mitrailleur. Au final, c'est tout l'équilibrage des armes qui est à revoir, et les joueurs l'ont bien compris puisque les rares aventuriers à tenter l'aventure sont tous équipés soit de fusils d'assaut pour de meilleurs dégâts, soit de pistolets mitrailleurs pour le débit. A ces erreurs de calibrage sont à ajouter d'énormes soucis au niveau des spawns. C'est à se demander parfois si le jeu n'a pas voulu troller ses joueurs en décidant que dorénavant, seulement un point de réapparition allait être utilisé. Un cas de figure qui revient malheureusement assez souvent et qui génère des situations absurdes dans lesquelles six ou sept joueurs vont apparaître sous vos yeux en l'espace de 10 secondes. Non, franchement, si vous avez envie d'exploser vos records de frags en assistant à une avalanche de bugs, Rekoil peut être un achat judicieux, sinon passez votre chemin vidéoludique.
Points forts
- Un défouloir sympa si l'on veut exploser ses scores (le niveau des joueurs à la sortie étant particulièrement bas).
- L'Unreal Editor, prêt pour enrichir le workshop en maps amateurs, si jamais des joueurs sont tentés...
- Une bonne tranche de rire pour les chasseurs de bugs.
- Le mode Ombre, amusant l'espace d'un quart d'heure.
Points faibles
- Des armes mal calibrées (pas de recul, précision hors du commun...)
- Des points de réapparition ridiculement programmés (6 personnes au même endroit en moins de 10 secondes).
- Contenu léger, et qui le restera sans doute au vu de la qualité du soft à sa sortie.
- Réalisation datée, surtout pour du Unreal Engine 3
- Multiples bugs et soucis techniques (loadings dans les menus d'armes, crashs, ombres portées, ragdolls...).
- 14 € pour une telle qualité...
Plastic Pyranha nous offre aujourd'hui un jeu loin d'être fini, dans lequel d'énormes problèmes subsistent, notamment au niveau du respawn, de la balistique et du calibrage des armes. Malheureusement, le gameplay extrêmement rapide, épaulé par un contenu actuellement light et perfectible, n'est pas assez jouissif pour sauver le navire. Mauvaise pioche donc, qui aurait sûrement mérité 6 mois de travail en plus.