Dans la myriade de mods utilisant le moteur Source d'Half Life 2, il y en a un qui a marqué une génération d'adeptes de réalisme et de FPS bien exigeants : Insurgency – Modern Infandry Combat. Cette modification gratuite, qui transportait le gameplay si particulier d'un Red Orchestra et le plaçait sur les terres du Moyen-Orient en plein conflit, s'offre aujourd'hui une seconde vie à travers un stand-alone payant. Le résultat est-il à la hauteur des attentes des vétérans, et plaira-t-il aux néophytes ?
Cinq années après la sortie du mod gratuit dont le succès a permis d'atteindre le million de téléchargements et qui a d'ailleurs été auréolé plusieurs fois du prix récompensant le « mod de l'année », l'équipe de développeurs américains signe à nouveau, cette fois-ci sous le nom de New World Interactive, et offre au public Insurgency. Se voulant plus beau et plus accessible que son aîné, le titre arbore fièrement une plastique sobre mais correcte, héritée des dernières versions du Source Engine. Derrière New World Interactive se cache d'ailleurs une majorité d'anciens du mod et donc certains développeurs de Red Orchestra, qui avaient rejoint l'équipe d'Insurgency avant 2007. Un gage de qualité certain qui met à l'aise pour débuter notre analyse du jeu.
A l'opposé des run and shoot actuels
Loin de la vague de FPS nerveux, rapides, et plutôt bourrins qui font le bonheur des joueurs de l'eSport comme des casual gamers, Insurgency mise avant tout sur l'approche méthodique et tactique. Comprenez par là que vous n'arriverez pas à grand-chose si vous comptez courir seul à travers la map en tentant des rafales à la volée dès que vous débusquez un ennemi. Non, rien de tout cela ici, votre progression doit être silencieuse et coordonnée avec votre équipe, ce qui implique un minimum de communication et de stratégie. Une base pas forcément facile à obtenir à l'heure actuelle si l'on débarque seul sur un serveur au hasard. Cette nécessité du travail en équipe découle d'ailleurs d'une approche du gameplay à la croisée des chemins entre Red Orchestra, ArmA et Counter Strike, qui prend en compte pas mal de données malheureusement évincées des FPS modernes. Explications.
Un gameplay à la croisée des chemins, à la fois fun et réaliste
Dès l’entraînement, qui est déjà difficile à boucler, on comprend bien que le jeu sera exigeant sur sa jouabilité. Aux mouvements de base du FPS tactique s'ajoutent en effet quelques particularités. On apprend très vite à ajuster ses tirs via l'essentiel iron sight, à retenir sa respiration efficacement ou encore à gérer son essoufflement lors des sprints... Car oui, tous ces paramètres rentrent en compte lors de votre progression à travers les maps et il faudra y faire attention puisque vous n'aurez pas grand-chose côté HUD et UI pour votre confort. Ni viseur au centre de l'écran, ni hitmarker lors des tirs, ni indice de balles restantes, ni d'indicatif clair mentionnant un frag, pas même une mini-map pour parfaire votre vision globale de la situation. Non, tout se fait à l'instinct et au son, idéalement. Entendez par là que la coopération est vitale, lorsque vos alliés ne sont pas trop occupés à insulter vos collègues au micro. Il ne sera d'ailleurs pas impossible que vous ayez du mal en premier lieu à reconnaître vos ennemis de vos alliés puisque ces derniers sont uniquement identifiés par un petit losange lorsqu'ils sont à portée. Et vu le côté réaliste qui induit le principe « une balle, un mort », autant vous dire que le friendly fire est très vite arrivé !
On déteste le camping, mais on est parfois bien obligés d'en faire un peu...
La difficulté du jeu est donc assez corsée et ravira les amateurs tout en mettant les néophytes face à un dilemme éthique : progresser lentement au risque de se faire exploser au premier ennemi rencontré, ou sortir sa petite table de camping assez souvent et profiter de la flopée de spots logiquement disposés autour des points de contrôle, ce qui assurera quelques frags mais sera à la limite du fair-play. Pourtant, le level design incite clairement à tenir les positions le plus efficacement possible. Cela signifie parfois que se mettre dans un coin, avec deux entrées à surveiller en attendant la longue capture du bâtiment, peut s’avérer être la meilleure solution. Le titre n'est donc pas à mettre entre toutes les mains : il ne faut pas avoir peur de rager face à un campeur mais il ne faut pas non plus avoir peur d'attendre au calme en sécurité lors d'une prise de point de contrôle. Vous voilà prévenu !
Respawn rapide, quésaco ?
Et puisque nous parlions de mort rapide, il faut bien évoquer le respawn rapide, qui contrairement au mod gratuit éponyme, n'est pas automatique... Insurgency met en place un système qui permet à un joueur de faire « réapparaître » son équipe si ce dernier réussit à capturer un point ou à détruire un objectif. Il peut être dernier homme des « insurgés » face à 3 membres de la « sécurité » (les deux camps du jeu), s'il parvient à capturer un point, toute son équipe rapplique et démarre du spawn afin de venir en renfort. Cela dynamise les affrontements et introduit une pression supplémentaire sur les épaules des survivants, mais cette mécanique provoque également des temps d'attente qui hachent l'action, ce qui est parfois très frustrant. On peut y voir du bien comme du moins bon, mais cette pratique a le mérite d'attribuer un peu de temps de réflexion quant à l'équipement que vous voudrez prendre pour votre prochaine réapparition. Car oui, l'équipement dans Insurgency est une donnée extrêmement importante et ce dernier est totalement customisable...
"Tu peux mettre un silencieux sur ton couteau ?"
Avant de rentrer en combat, on vous demande évidemment de choisir votre équipe, mais également votre rôle dans une des deux escouades qui composent chaque camp. Il y en a pour tous les goûts, de l'ingénieur au poseur de bombes, en passant par le sniper et le rifleman. Chaque classe dispose de son propre équipement présélectionné dans lequel il faudra choisir ce que vous emportez au combat ou non. Vous disposerez donc d'une limite d'équipement, incarnée par les points du supply. Imaginons que vous soyez poseur de bombes lors d'une mission Search and Destroy. Votre rôle est de détruire les caches d'armes de l'ennemi et il est donc logique que vous emportiez un peu de C4 avec vous. Votre équipement en prendra donc un coup vu que le C4 représente 4 points de Supply, ce qui vous empêchera de customiser vos potentielles armes à volonté. En revanche, si vous êtes sur une map ouverte où le sniper est roi, autant jouer ce rôle jusqu'au bout et vous équiper d'un mosin avec des balles particulières qui serviront mieux au combat à distance face aux gilets pare-balles. N'hésitez pas par la même occasion à dépenser vos derniers points dans un gilet lourd, dans une réserve de munitions supplémentaires, ou bien choisissez de vous équiper d'une arme de poing pour être plus flexible lors du round. Tout est une question de feeling et il ne vous faudra pas bien longtemps avant d'adopter les bons choix pour chaque map et chaque mode de jeu. Tiens, d'ailleurs, qu'est-ce que ça vaut question contenu ?
Un contenu un peu léger, qui pourra lasser à la longue
Un habile système de matchmaking et de server browsing vous permet de rentrer très rapidement dans une partie suivant vos critères de choix, que vous désiriez jouer telle map en partie à moins de 16 ou que vous soyez ouvert aux 3 modes sur toutes les maps pour des parties pouvant atteindre 32 joueurs, soit le nombre maximum de participants. Côté maps, on retrouve 7 cartes relativement grandes (plus ouvertes et plus vastes que celles d'un Counter Strike mais pas aussi étendues que celles d'un Red Orchestra). On peut diviser ces 7 maps en plusieurs genres. Il y a les maps ouvertes et accidentées comme Peak ou Heights qui sont le paradis des snipers et des engagements à distance. On retrouve forcément les maps urbaines plus ou moins dévastées qui rappellent les cartes du mod ou des FPS triple A de ces dernières années. En marge de celles-ci, on appréciera la variante de nuit nommée Contact qui rend quasi-essentielle la pose d'une lampe torche sur son arme. Puis, il y a les cartes faisant la part belle aux affrontements en milieu fermé comme Ministry. Elles ont donc chacune leur charme mais pâtissent d'un level design trop laxiste sur les points de campe. Ce qui n'est pas forcément incompatible avec certains modes de jeu, loin de là...
Des maps et des armes, mais pour quoi faire ?
Côté modes, on retrouve avec plaisir ce qui faisait le sel du mod Insurgency, à savoir la capture successive de points de contrôle, appelée ici FireFight. Elle permet donc aux deux équipes de batailler pour la mainmise sur 3 points. La variante du système de respawn expliquée plus haut y prend ici tout son sens puisqu'à chaque point capturé par un allié, les morts de l'équipe reviennent en jeu. Cela donne parfois lieu à des retournements de situation particulièrement intéressants et redonne un peu de peps à un concept pas forcément original. Outre FireFight, Insurgency accueille Search and Destroy, un mode qui se joue en deux temps, défense et attaque. Dans la première phase, l'équipe doit défendre deux caches d'armes disséminées sur la map. Par contre, lorsque l'on joue S&D en attaque, il faut s'attendre à gérer un leurre, puisque ce ne sont pas deux caches d'armes qui sont mentionnées sur votre affichage tête haute, mais trois. Il faudra donc réagir vite et ne pas trop se disperser sur les objectifs afin d'être efficace. Enfin, le mode VIP Escort consiste à acheminer, en défense, un joueur vers des zones d'extraction. En attaque, évidemment, le seul objectif est de neutraliser le VIP avant que son équipe ne l’emmène dans un des points sécurisés. Ne vous en faites pas, les rounds durent rarement plus de 7 à 8 minutes et le déroulement global de la partie, bien que haché et relativement lent, n'en devient pas pour autant désagréable. Malgré quelques petits défauts, on en redemande très vite !
Points forts
- Diablement immersif (HUD et UI ultra-light).
- Rageant, jouissif, et flippant (oui oui... « last man standing » en pleine capture, encerclé, ça vaut un bon film d'angoisse).
- Peu gourmand et peu coûteux (14 € au lancement).
- Customiser rapidement sa classe, en attendant le potentiel respawn, pour s'adapter à la bataille.
- Un gameplay de FPS tactique / réaliste qui se prend bien en main, sans fioritures ni gros oublis.
Points faibles
- Manque de contenu : seulement 7 maps.
- Exige une énorme dose de coopération et de communication (difficilement réalisable sans jouer avec ses amis).
- Pas super super stable (plusieurs crashs durant le test).
- Parfois très rageant : attendre en boucle lorsque l'on se fait descendre par des campeurs, se faire TK par erreur, dépendre d'alliés inefficaces, d'AFK (rapidement expulsés), ou de VIP idiots...
Avec un budget limité, Insurgency tranche dans le lard des triples A en proposant une approche différente, qui plaira forcément aux puristes du réalisme et autres adeptes de skill brut. Néanmoins, si les néophytes y trouveront vite leur compte, les amateurs du mod seront peut-être plus mitigés face aux choix pris sur le gameplay, notamment au niveau du respawn ou de la balistique plus laxiste. Simple, efficace, diablement rageant et parfois très épique, ce FPS multi à petit prix vous promet de passer quelques bonnes heures. Sa réalisation « sobre mais correcte » s'oublie vite pour laisser place à la pression et à l'immersion. On déplorera tout de même une absence de progression (pas de niveaux, pas de nouveaux équipements à débloquer, peu de contenu actuellement) qui pourra assez vite lasser les joueurs. Idem pour l'aspect coopération / stratégie, essentiel au titre, qui pour l'instant n'est pas franchement au rendez-vous sur les serveurs.