En quelques années, le MOBA s'est imposé comme un genre majeur du PC. League of Legends et DotA 2, les deux ténors de la catégorie, jouissent d'une immense popularité. Reste-t-il de la place pour un autre représentant aux côtés de ces ogres ? C'est ce que semble penser Blizzard, qui entend proposer sa propre vision du genre avec Heroes of the Storm, auquel nous avons pu jouer à la BlizzCon. Après tout, le studio a une certaine légitimité dans le domaine, puisque c'est sur Warcraft III que les MOBA sont nés...
Heroes of the Storm a eu une longue genèse, comme beaucoup de jeux Blizzard. Le projet avait déjà été présenté lors de la BlizzCon 2010, mais il ne s'agissait alors que d'une map StarCraft II destinée à démontrer la puissance de l'éditeur de cartes. Il s'appelait Blizzard DotA. L'année suivante, il était de retour sous le nom de Blizzard All-Stars, Valve ayant entre-temps fait main basse sur la marque DotA. Deux ans et un nouveau changement de nom plus tard, le projet s'est finalement émancipé de StarCraft II pour devenir un jeu à part entière. Il s'agit toujours d'un MOBA, même si Blizzard ne prononce jamais le terme dans sa communication officielle, lui préférant celui de « hero brawler ». Qu'importe l'étiquette qu'on lui accole, Heroes of the Storm reste un descendant direct de DotA, bien qu'il dispose de sa propre personnalité.
Un casting de luxe...
Avant de rentrer dans les détails, arrêtons-nous un instant sur le casting du jeu. Les héros sont issus des trois principaux mondes de Blizzard, à savoir Azeroth (Warcraft), Sanctuaire (Diablo) et le secteur de Koprulu (StarCraft). Pour l'instant, il est possible de choisir entre 18 personnages – un nombre amené à évoluer dans le futur. On trouve d'abord 6 guerriers : Stitches, Arthas, Diablo, Tyrael, Elite Tauren Chieftain et Sonya. Il y a aussi 6 assassins : Kerrigan, Nova, Falstad, Valla, Illidan et Jim Raynor. Enfin, HotS propose 3 supports (Uther, Malfurion, Tassadar) et 3 spécialistes (Nazibar, Gazlowe, Abathur). Chaque héros dispose de plusieurs skins, dont certaines seront vendues, Heroes of the Storm reposant sur un modèle économique free-to-play comme ses homologues. Il sera également possible d'acheter des montures, qui n'ont pas qu'un rôle cosmétique : elles permettent de se déplacer plus rapidement en dehors des zones d'affrontement, les combats se faisant à pied. Avec ces options de customisation, on peut donc se retrouver avec des horreurs comme Diablo affublé d'une skin murloc et monté sur un poney... Certains joueurs, dont je suis, ne manqueront pas de crier à l'hérésie.
… mais un mélange indigeste
Pour justifier le mélange de ses différents univers, Blizzard n'a rien trouvé de mieux que le Nexus, une « mystérieuse tempête transdimensionnelle » qui aspire les divers héros du studio. Mouais. A mes yeux, ce mélange n'est pas une grande réussite. Pris indépendamment les uns des autres, les univers Blizzard montrent une grande cohérence. Cette cohérence a volé en éclats lorsque, incarnant Raynor, j'ai pu invoquer un battlecruiser en plein champ de bataille médiéval... Blizzard a depuis longtemps pris l'habitude d'introduire de l'humour et des clins d'œil dans ses jeux, mais là c'est trop ! Des joueurs s'en sont déjà fait l'écho lors de la BlizzCon, faisant remarquer que « Kerrigan sur un loup, c'est n'importe quoi ». Chris Sigaty, le production director de Heroes of the Storm, est d'ailleurs conscient qu'il s'agit là d'un « chemin dangereux », qu'il existe un risque d'offenser des fans en malmenant ainsi le lore. Évidemment, cette appréciation dépend de la sensibilité de chacun. Sur le stand du jeu, beaucoup ne semblaient pas choqués par ce mélange des genres. Et après tout, le jeu vidéo nous a depuis longtemps habitués à des cross-over improbables... A vous de voir ce qui compte le plus à vos yeux : le respect d'un univers ou le fun.
Une formule classique...
Côté gameplay, Heroes of the Storm risque aussi de diviser, car il propose une expérience finalement assez différente des MOBA traditionnels. Ce qui, de mon point de vue, est cette fois une bonne chose : à quoi bon faire un clone de League of Legends ou de DotA, déjà bien installés dans le paysage vidéoludique ? Autant faire quelque chose de neuf. HotS garde néanmoins l'ossature du genre. Les cartes possèdent la même architecture, avec trois allées principales en haut, au centre et en bas. Le jeu se joue toujours à 5 contre 5. Les personnages sont répartis en divers rôles (tank, dps, support...), et sont accompagnés par des troupes gérées par l'intelligence artificielle. Au fil de la partie, les héros gagnent de l'expérience et débloquent de nouveaux pouvoirs. Et le but reste évidemment d'anéantir la base adverse, en grignotant ses défenses avant de détruire la statue qui trône au centre. Mais vous savez déjà tout cela si vous connaissez le genre. Et si ce n'était pas le cas, félicitations : vous venez d'apprendre ce qu'est un MOBA !
...mais pas tant que ça
Blizzard est néanmoins décidé à sortir un peu de ce carcan préétabli, voire à innover, n'ayons pas peur du mot. Heroes of the Storm propose donc plusieurs mécanismes inédits, dont le plus notable est sans doute les « événements légendaires » présents sur chaque carte. Il s'agit d'un objectif secondaire qui octroie un avantage considérable à l'équipe l'accomplissant. Par exemple, sur la carte Baie de Cœur-Noir, il faut collecter des pièces d'or et les amener à un pirate fantôme pour s'attirer ses bonnes grâces. Une fois un certain montant atteint, il pointera les canons de son vaisseau sur la base adverse ! Ce mécanisme est intéressant, car il offre une nouvelle dimension stratégique : vaut-il mieux tenter d'accomplir l'objectif secondaire, au détriment des attaques sur la base adverse ? Ou faut-il se concentrer sur celle-ci, au risque de voir l'ennemi remporter le défi ? Cruel dilemme. Notez que ces missions, bien qu'elles apportent un réel avantage à l'équipe qui les réussit, ne « tuent » pas la partie. Il est d'ailleurs possible que chaque camp en tire profit à un moment donné, puisque ces quêtes se réinitialisent au bout d'un certain laps de temps.
Les différences ne s'arrêtent pas là. Les tours défensives, par exemple, disposent d'une quantité limitée de munitions. Une fois qu'une tour est vide, elle se recharge automatiquement, mais cela prend du temps. Il peut donc être intéressant de harceler une position jusqu'à épuisement des munitions, puis de casser les tours une fois celles-ci en phase de rechargement. Un autre gros changement est l'expérience partagée : tous les personnages d'une équipe progressent au même rythme. Blizzard y voit un bon moyen d'équilibrer le jeu entre les classes. Enfin, une autre distinction majeure est l'absence totale d'items. Heroes of the Storm ne permet pas d'acheter des potions, des armes ou autres objets ; d'ailleurs, il n'y a aucun gain d'argent in-game. Conséquence directe de ce choix : la notion de last hit, si importante dans LoL et surtout dans DotA 2, disparaît ici complètement. Le jeu ne manquera pas d'être taxé de « MOBA casual » par les puristes... Et il est vrai que le nouveau bébé de Blizzard est sans doute plus facile d'accès que les ténors du genre, comme en témoigne la durée des parties (environ 15 minutes). Ça tombe bien, c'est exactement ce que veut le studio.
Si l'on fait abstraction du mélange des univers, qui risque de heurter la sensibilité des puristes, Heroes of the Storm n'est finalement pas si mal. Avec ses parties courtes, ses objectifs optionnels, son absence d'items, son expérience partagée, et une foule d'autres menues différences, il se distingue vraiment des autres MOBA. Les joueurs n'ayant accroché ni à LoL ni à DotA 2 pourraient donc être convertis au genre par Blizzard. Les autres, en revanche, feront mieux de rester sur leur titre fétiche.