La dernière fois que nous avons évoqué un jeu entièrement créé par Splash Damage, c'était en mai 2011 suite à la sortie de l'infortuné Brink. Un titre qui possédait un potentiel certain mais qui a notamment payé très cher son lancement raté. Depuis, le studio anglais a bossé sur divers projets, à commencer par Batman : Arkham Origins dont il s'est chargé de concevoir la partie multijoueur. Des commandes qui ont ensuite permis de développer en interne des jeux auxquels les équipes avaient pleinement envie de donner naissance. C'est le cas de Dirty Bomb, un nouveau FPS multi dans la veine des précédentes productions de Splash Damage. Mais free-to-play cette fois.
Un point s'impose tout d'abord sur le nom du jeu. Un temps rebaptisé Extraction, le FPS de Splash Damage est redevenu Dirty Bomb il y a quelques mois déjà. Ce qui ne change en rien sa nature puisqu'il s'agit toujours d'un titre essentiellement tourné vers le multi destiné aux joueurs PC. A ce titre, il semble d'ailleurs que l'expérience négative vécue lors de la sortie de Brink a définitivement vacciné le studio anglais. Des versions consoles ne sont donc pas prévues. Un point sur lequel les développeurs ont lourdement insisté, comme pour envoyer un message à tout ce public qui avait apprécié à l'époque le travail réalisé sur Wolfenstein : Enemy Territory. C'est un jeu que Splash Damage souhaitait faire et non un produit dicté par les tendances du marché. Tel est en tout cas le discours officiel.
Une question d'ADN
Concrètement, Dirty Bomb s'inscrit dans la droite lignée de Enemy Territory. Splash Damage ne s'est pas aventuré en terrain inconnu. C'est même tout l'inverse. Ce FPS vous propose donc de prendre part à des matchs par équipe (5 contre 5 ou 8 contre 8) dans divers modes de jeu. Le principal d'entre eux, celui autour duquel devrait se focaliser l'attention des joueurs, se nomme Stopwatch. Il faut y remplir une série d'objectifs – en général trois – en un minimum de temps. Un camp tient le rôle d'attaquant pendant que l'autre défend. Puis on inverse le tour suivant. Celui qui détient le meilleur chrono à l'issue des deux manches a gagné la partie. Au cours de notre session de prise en main, nous avons pu jouer sur deux cartes. Sur la première (Whitechapel, un quartier de Londres éventré de toutes parts), il nous fallait réparer un véhicule avant de l'escorter et de déposer pour terminer des charges explosives à un endroit précis. Sur la seconde map (Underground, une station de métro abandonnée parcourue par d'énormes pompes jaunes), il nous était demandé de capturer une zone avant de faire exploser là aussi les lieux.
Un système fermé
Clavier et souris en mains, Dirty Bomb se joue comme un FPS ordinaire. Rien à signaler de particulier au niveau des contrôles si ce n'est que tout a été fait pour faciliter la vie aux novices. Le jeu ne propose en effet que deux armes et autant de capacités actives. Pas besoin d'avoir un doctorat en « Enemy Territory » pour s'en sortir. On remarque par ailleurs que les armes manquent pour le moment un peu d'impact. Mais dans l'ensemble, tout se tient. En fait, la grande particularité de Dirty Bomb vient du fait que l'on doit composer avec des personnages prédéfinis. Impossible ici de modeler son avatar. Il faut opter parmi un roster plutôt dense de mercenaires. Ces derniers possèdent chacun une arme primaire et secondaire, deux capacités actives et trois autres passives (à débloquer en accumulant de l'expérience). Au fur et à mesure des parties, de nouveaux protagonistes viennent garnir votre réserve de personnages sans que vous puissiez pour autant choisir lesquels. Tout est aléatoire. Histoire d'avoir un peu de variété, il existe plusieurs variantes d'un même mercenaire avec des armes et des capacités différentes. En match, vous pouvez en emporter trois avec vous. Ce qui permet de changer de profil à chaque mort et de s'adapter ainsi aux différentes situations. On retrouve en effet des archétypes connus comme le soldat de base, le sniper, le tank, le mécanicien ou encore le médic.
Les personnages sont évidemment dotés d'armes et de capacités en rapport avec leur profil. Le sniper peut capter les battements de cœur aux alentours et détecter ainsi la présence d'ennemis. Le médic embarque des packs de soin dont ses petits camarades profiteront lorsqu'ils seront en difficulté. Il a par ailleurs la possibilité de soigner rapidement un membre de l'équipe tout en sachant que tout le monde peut aider un ami à se relever mais que cela prend beaucoup plus de temps. Le soldat distribue lui des munitions. Certains mercenaires sont capables d'utiliser des grenades à fragmentation, d'autres des cocktails Molotov. Et ainsi de suite. Inutile d'aller plus loin dans l'énumération puisque, vous l'aurez compris, les rôles sont pour le moins ordinaires. Du côté des capacités passives, on trouve là aussi du classique avec des temps de rechargement de nos armes réduits, une résistance accrue aux dégâts explosifs ou encore une augmentation de la rapidité avec laquelle notre santé revient. Bref, chaque équipe doit bien sûr veiller à la complémentarité de ses membres pour s'en sortir convenablement.
Les conséquences du modèle free-to-play
Il ne faut pas se le cacher, ce système fermé à base de profils prédéfinis colle parfaitement avec les ambitions de Splash Damage. D'une part parce que les joueurs les moins habitués au genre s'y retrouvent plus facilement s'ils n'ont pas à bidouiller les personnages. Et d'autre part parce que cela permet de vendre ensuite des mercenaires pour ceux qui n'auraient pas la patience de les débloquer un à un. Car qui dit free-to-play dit monétisation. Et c'est par ce biais que Splash Damage compte notamment gagner de l'argent. Le studio assure par ailleurs que l'équité sera conservée entre les joueurs. Cela reste bien entendu à prouver. Pour autant, ne confondons pas jeu simplifié et mauvais jeu. Car à travers les parties que l'on a pu effectuer transparaît tout le savoir-faire du studio. L'exercice est globalement extrêmement bien maîtrisé. Les matchs sont réellement plaisants à disputer et on se prend ainsi très rapidement à vouloir enchaîner les parties sans interruption.
Un univers sans saveur
Sur le plan visuel, Splash Damage a opté pour un rendu étrange, ni vraiment réaliste, ni cartoon, ni pleinement futuriste. C'est un peu comme si le studio n'avait pas osé assumer complètement une direction. Du coup, on se retrouve avec un résultat sans saveur, sans personnalité. On peine à réellement s’enthousiasmer pour cet univers aseptisé. Les environnements mais surtout les personnages pâtissent malheureusement eux aussi de cette absence de parti pris. On a du mal à les identifier, à les conserver en mémoire. Il y avait pourtant mieux à faire avec le contexte, ce Londres futuriste déserté par la population suite à l'utilisation d'une « dirty bomb ». D'autant que Splash Damage a prouvé par le passé, en particulier avec Brink, que ses artistes étaient capables de beaucoup mieux.
Il suffit de lancer quelques parties de Dirty Bomb pour se rappeler les raisons qui expliquent la popularité de Splash Damage. Dans le feu de l'action, dans la peau des mercenaires, le plaisir est omniprésent. Le studio anglais sait ce qu'il fait et ça se sent. On saluera notamment cette maîtrise du level design et cette capacité à proposer des matchs rythmés à la perfection. A l'inverse, l'univers nous semble vraiment peu enthousiasmant. Et on se méfie de ce système avec des profils prédéfinis qui apparaît très limité sur le papier. A ce stade, Dirty Bomb semble cependant avoir suffisamment d'arguments pour s'imposer comme un bon free-to-play.