Après le succès incontestable et incontesté des quatre premiers épisodes, Gran Turismo 5 avait marqué un petit coup d'arrêt dans l'habituelle excellence à laquelle la série nous avait habitués. Gran Turismo arrivera-t-il à atteindre à nouveau les sommets ?
Gran Turismo 6, c'est avant tout une histoire d'exhaustivité. Avant même de s'attarder sur les modes de jeu, il faut avant tout rappeler que nous sommes devant un titre qui propose à peu près 1.200 voitures et 38 circuits (pour une centaine de tracés, en comptant les inversés toutefois). Dire que c'est beaucoup est peu dire : c'est faramineux. Certes, il faut parfois compter dans le tas des « doublons », entendez par là des versions à peine modifiées d'autres bolides (notamment chez les marques japonaises), mais cela n'empêche pas de rappeler la force principale de la série.
Affinage de gameplay
Lorsqu'il s'agit de conduite, Gran Turismo 6 fait dans la continuité et offre un résultat plutôt proche de l'opus précédent, ce qui est loin d'être une mauvaise chose. Notons tout de même quelques améliorations, notamment concernant les suspensions et les transferts de masse. De bonnes sensations qui se constatent mieux au volant qu'à la manette (comme à peu près pour toutes les sensations en fait). Du coup, les habitués devront apprendre à retravailler leurs courbes, notamment lorsqu'il s'agissait de passer sur les vibreurs. En effet, la perte d'adhérence dans ce genre de cas est beaucoup plus marquée qu'à l'accoutumée, ce qui peut valoir quelques têtes à queue et sorties de piste aux plus foufous. Pensez aussi que la météo peut avoir une influence notable sur votre conduite. La pluie notamment (ou l'humidité de la piste en règle générale) s'avérera particulièrement traîtresse. L'occasion de rappeler que la gestion des conditions climatiques a été revue, à tel point que prendre en compte ces éléments s'avérera parfois primordial pour gagner ses courses.
Quoi de neuf ?
Evidemment, quitte à tester la conduite, autant le faire sur quelques-unes des nouvelles pistes. Outre Silverstone que Sony et Polyphony Digital ont assez mis en avant, on retrouve Brands Hatch ou encore Ascari, par exemple. Les circuits montagneux sont aussi à l'honneur avec Matterhorn (créé pour l'occasion) et Mount Panorama dans lesquels il faudra maîtriser les freinages en pente tout en veillant à ne pas perdre trop de vitesse pendant les phases d'escalade. Sinueux et technique, chaque nouveau tracé offre son lot de surprises et s'éloigne des circuits résolument faciles que sont les anciens comme Special Stage Route 5 ou Trial Mountain. Bref, du bitume neuf pour étrenner les nouveaux véhicules parmi lesquels on compte la Aston Martin One-77, la Renault R8 Gordini ou encore la Tajima 2012 Monster Sport E-RUNNER Pikes Peak Special, histoire de citer des voitures qui ne se ressemblent pas. En tout, c'est une bonne centaine de nouveaux joujoux qui débarquent par rapport à GT5, même s'il faut compter de nombreuses versions très semblables dans le tas. Notons quand même que certains bolides sont un peu plus mis en avant que d'autres dans le mode Carrière, comme par exemple la KTM X-BOW (versions Street et R), qui vous est d'ailleurs offerte très tôt dans le jeu (dans sa version Street).
Fin de carrière
Puisque nous abordons le mode Carrière, attardons-nous maintenant sur ce gros morceau, qui risque d'énormément diviser. L'un des problèmes majeurs de GT5 à ce niveau était une certaine forme de stagnation. Les mêmes courses, les mêmes IA, une évolution ultra similaire. On ne peut pas dire que le résultat était très folichon malgré l'arrivée des événements en ligne par la suite. Ici, malheureusement, le constat est tout aussi amer malgré quelques tentatives de changement. Dans le principe, les courses sont toujours séparées par catégories (Novice, A, B, IA, IB et S). Mais plutôt que le système d'exp (loin d'être parfait) de GT5, GT6 opte pour des promotions via un système d'étoiles et de permis. En effet, selon votre position en fin de course, vous gagnez entre 1 à 3 étoiles pour votre catégorie. Au bout d'un certain nombre d'étoiles, vous gagnez la possibilité de passer le permis pour la catégorie suivante. Malheureusement, ce système n'est clairement pas excitant et ne semble pas vraiment adapté à un mode qui porte comme nom « Carrière ». Mais en plus, les temps nécessaires pour les épreuves de chaque permis (5 épreuves par permis maintenant) sont tellement simples que c'est comme si on vous les donnait. Alors que le bronze suffit pour réussir l'épreuve, vous récolterez l'or du premier coup les trois quarts du temps, sauf peut-être pour les permis IA et S. Un manque de challenge très notable qui dure malheureusement plusieurs heures de jeu.
I, Robot
Effectivement, les courses ne sont pas nécessairement mieux loties lors de votre longue avancée jusqu'à la catégorie S. La principale cause s'appelle intelligence artificielle, décidément pas le point fort de GT6. Non seulement il faut attendre la dernière catégorie pour enfin avoir des adversaires dignes de ce nom, mais de plus, même quand elle parvient à faire des temps honorables, son attitude en piste reste fondamentalement absurde. Premièrement, votre présence sur la piste n'est visiblement pas souhaitée. La plupart du temps, vos adversaires n'auront que faire de votre présence et n'hésiteront pas à vous rentrer dans l'arrière si vous freinez pour un virage (même tardivement) ou à vous bloquer de façon totalement antisportive alors que vous réalisiez un dépassement. L'occasion une nouvelle fois de voir que la gestion des contacts est toujours aussi éloignée de la réalité. Mais même quand elle ne vous rentre pas dedans, sa propension à prendre les virages à 2 à l'heure pour repartir de plus belle en ligne droite est plutôt lassante. Le problème, c'est que cette IA gâche tout bonnement le plaisir de la compétition dans le mode Carrière malgré une agressivité relativement plus poussée. De surcroît, sa tendance à ne jamais traumatiser la hiérarchie établie rend l'intérêt même des championnats quasiment nul. Le premier est toujours premier, le second est toujours second, etc. Si les exceptions existent, elles sont malheureusement bien trop rares.
Ecart de conduite
Alors certes, la catégorie S offre déjà plus de challenge, bien aidée par le fait que le premier démarre avec une bonne vingtaine de secondes sur vous (toujours pas de qualif, départ lancé). Certes, l'IA n'est pas plus intelligente, mais au moins elle fait ses temps. Par contre, comment ne pas déplorer l'absence actuelle d'un mode Endurance ? Voire même du mode B-Spec (que l'on apprécie ou pas) ? Certes, ce dernier arrivera dans une future mise à jour, mais dans l'état, le jeu étant déjà en vente plein pot, on a quand même l'impression d'avoir une version pas vraiment finie dans les mimines... Il faut aussi noter la disparition pure et simple du marché de l'occasion, les voitures étant maintenant TOUTES disponibles chez le concessionnaire. Mine de rien, ça met une petite claque à l'aspect collection dans lequel certains joueurs se retrouvaient. Le plaisir de voir apparaître la voiture que l'on cherchait n'est plus. Quand bien même il fallait certainement refondre ce système de ventes d'occasion (qui comportait des imperfections), la disparition d'une des pierres angulaires de la série fera de la peine à de nombreux joueurs.
Changement de ton
Si ces absences ne toucheront pas tous les joueurs de la même façon, elles ont quand même un impact sur l'expérience de jeu. Il en va d'ailleurs de même pour les gains de voiture, maintenant devenus rarissimes. En effet, le temps où vous récupériez une caisse à chaque série de courses est révolu. Maintenant, seuls les permis et quelques événements spéciaux (sur lesquels nous reviendrons plus tard) nous permettent d'en gagner gratuitement, et encore, souvent avec la condition sine qua none de rafler l'or. Du coup, là où votre garage se remplissait au fur et à mesure de voitures allant du pot de yaourt à l'avion de chasse, vous voilà avec une petite quinzaine de véhicules et de l'argent pour vous offrir le reste. C'est un peu comme si petit, à Noël, vous aviez ouvert un cadeau pour découvrir quatre billets de 500 francs. Cool, mais ça n'aurait pas été le même effet que de découvrir une magnifique NES, pourtant au même prix à l'époque. Si on peut tenter de maintes façons de comprendre le choix de Polyphony Digital, on ne peut s'empêcher de penser que l'arrivée de micro-transactions, permettant de s'offrir des crédits avec des vrais euros, n'y est pas totalement étrangère. En effet, moins de voitures offertes = plus de voitures à acheter avec des crédits. En y rajoutant la disponibilité immédiate de tous les véhicules due à l'absence du marché de l'occasion...
Les petits à-côtés
Malgré ces manques, notons quand même la présence de quelques missions de course (qui ressemblent comme deux gouttes d'eau à des épreuves de permis), des courses mono-types et le retour des pauses café. Si les courses mono-types sont plus libres d'accès qu'on pourrait le croire (le trophée Elise nous permet de concourir avec toutes les Elise du jeu, par exemple), la pause café s'avère distrayante avec notamment le défi d'aller le plus loin possible avec seulement 1 litre de carburant, où vous allez apprendre à profiter des descentes et à jouer tout doux avec l'accélération. Le défi des cônes à renverser est quant à lui plus stressant qu'autre chose. On note aussi la présence des événements spéciaux, malheureusement bien moins nombreux qu'auparavant. On applaudit quand même l'arrivée du GoodWood Festival of Speed même si l'épreuve reste courte. Les missions d'exploration lunaire nous refaisant vivre les premières aventures véhiculées américaines sur le satellite offrent un très léger rafraîchissement. Enfin, on retrouvera en théorie chaque semaine de nouveaux événements saisonniers. Si on suit ce qui avait été fait avec GT5, on peut s'attendre à des contre-la-montre ou des courses contre l'IA chaque semaine avec des prix plus ou moins avantageux en cas de victoire.
Restez connecté
Il nous reste encore deux modes à explorer avant de s'attarder sur l'aspect visuel et sonore. Le premier est le mode Arcade, qui comme d'habitude avec la série ne va certainement pas être le lieu de rendez-vous préféré des joueurs. En plus de votre garage, vous pouvez choisir entre une trentaine de véhicules allant du kart aux participants des 24 heures du Mans. La plupart des paramètres sont modulables (donc l'agressivité de l'IA) et il est possible de jouer à deux en écran splitté. Une bonne initiative pour ceux qui veulent jouer avec un pote. Bien sûr, au pire, les sessions multi se font principalement en ligne avec un système de lobby très identique à celui de GT5 même s'il le surpasse sur de nombreux points. D'une, il est bien plus agréable et fluide à naviguer, un compliment que l'on peut d'ailleurs donner à tous les menus de GT6. De deux, les options de courses lors de la création d'un lobby sont très nombreuses et permettent de paramétrer presque tous les détails. Le temps des qualifications (car oui, il y en a quand on est online), les limitations (puissance, pneus, etc.), les aides à la conduite autorisées ou non, les conditions météo : vous pouvez créer à peu de choses près ce que vous voulez. Tout comme dans les courses du mode Carrière, jusqu'à 16 participants peuvent se tirer la bourre en même temps. C'est donc ici que de nombreux puristes continueront de parfaire leur technique, en sachant qu'il est possible de gagner quelques deniers en finissant des courses en ligne. Toutefois, on peut regretter deux choses : l'obligation de rentrer dans un lobby (et d'attendre de longues secondes) pour connaître le détail exact des restrictions et l'absence de réels modes de jeu à l'heure actuelle. En effet, pas de championnat ni de réelle possibilité de monter des événements mais de simples courses. Encore une fois, dans l'état actuel, on ne peut que noter un certain manque.
Son et lumière
Une fois n'est pas coutume, c'est par l'aspect technique que nous finirons. Tout d'abord, visuellement, certains effets sont plutôt réussis, notamment lors de changement des conditions météo (y compris le cycle jour / nuit). Un public un petit peu plus présent, des oiseaux, une lumière plus marquée, ce sont de nombreux micro-détails qui nous rappellent que ce n'est pas GT5. Cela dit, on ne peut pas vraiment parler d'évolution et GT6 pèche à d'autres endroits, notamment sur la gestion des ombres. On regrettera aussi un manque d'impression de vitesse voire quelques baisses de framerate de temps en temps (pas de quoi se couper les veines cela dit). Côté son, les puristes auront sans doute fort à faire pour oublier les bruits de moteur qui ne correspondent pas, ou le son provoqué par les chocs qui semble avoir été créé en claquant une lourde porte en métal. Mais bon, on oublie cela grâce aux musiques de la série, toujours de qualité, qu'il est d'ailleurs possible de remplacer par ses morceaux préférés via le port USB.
Que devient Gran Turismo ?
Au final, comment définir ce Gran Turismo 6 ? Est-ce que son exhaustivité pourra faire oublier ses nombreuses errances et oublis ? Peut-on vraiment justifier le quasi-massacre du mode Carrière par la simple présence du mode online, peu importe si le contenu en termes de modes de jeu de ce dernier est actuellement pratiquement nul ? Pas si sûr. Si certains joueurs se contenteront des parties en ligne avec des potes, d'autres seront navrés de voir autant d'éléments disparaître sans aucun remplacement. Alors oui, des choses arriveront peut-être dans le futur, tout comme GT5. Mais diable, le GT6 que nous avons aujourd'hui entre les mains navre autant qu'il laisse admiratif. Quoi qu'il en soit, on espérait plus de Polyphony Digital pour le chant du cygne de la série sur PS3.
Points forts
- 1.200 véhicules, 38 circuits : hyper exhaustif
- Visuellement plus joli, par moments
- Les effets météo
- La conduite améliorée (suspensions notamment)
- Moins permissif et donc légèrement plus technique
- Les modifications des pièces de la voiture
- Une difficulté intéressante une fois catégorie S
- La création de lobby très complète et le online en général
- Le mode Photo
Points faibles
- L'intelligence artificielle vraiment absurde
- Le manque d'intérêt du mode Carrière
- On s'ennuie littéralement pendant les huit premières heures
- Les sons (notamment les moteurs)
- Pas de courses d'endurance
- Pas de mode B-Spec
- Pas de voitures d'occasion
- Le online manque cruellement de modes de jeu à l'heure actuelle
- Les micropaiements, bien que faire le jeu sans est possible
Gran Turismo 6 est toujours une bible, et cela ne changera jamais. Malheureusement, d'autres éléments semblent gravés dans le marbre. Non seulement le mode Carrière n'a jamais su évoluer correctement au fil des années, et comme de plus l'IA est toujours aussi déprimante (ou énervante), c'est tout un mode qui s'écroule. Alors certes, le online est toujours là pour les plus férus, surtout entre potes, mais malgré de très grandes possibilités de personnalisation, cela manque de modes de jeu. Même si des choses arriveront (ou non) par la suite, dans l'état, Gran Turismo 6 en écoeurera certains et en ravira sans doute d'autres. Il n'empêche : l'absence actuelle de nombreux éléments de la série (comme les courses d'endurance) qui ne sont absolument pas remplacés navre. A vous de voir pourquoi vous aimez la série.