Peu de temps après la sortie d'Assassin's Creed 4 sur PS3 et Xbox 360, il est l'heure de retrouver la famille Kenway sur next-gen à travers un épisode mettant en scène le grand-père de Connor, à savoir Edward le pirate. Ce changement de héros est évidemment accompagné par l'arrivée d'un univers à la fois complètement inédit et passionnant : les Caraïbes du XVIIIème siècle. Espérons simplement qu'il ne s'agisse pas là de la seule nouveauté de cet opus...
Pour la première fois dans l'histoire de la série (du moins pour les épisodes principaux), Assassin's Creed 4 : Black Flag ne débute pas dans le présent, mais directement dans le passé. Cela montre clairement un désintéressement des développeurs pour les événements actuels, voire même, et c'est plus problématique, un manque d'idées. En effet, on incarne un personnage dont on ne sait rien et qui se contente d'entrer dans l'animus afin d'obtenir pour Abstergo des images susceptibles d'être utilisées dans le cadre d'un film sur les pirates. Oubliez donc toute forme de cohérence, ou ne serait-ce que des implications concrètes de la fin du 3ème opus (elle est à peine évoquée), on ne nous apprend ici qu'une chose : les Templiers ne sont pas gentils. En effet, les 3 séquences de 5 à 10 minutes obligatoires dans le présent ne se résument qu'à quelques conversations avec une voix mystérieuse qui nous met en garde contre les agissements d'Abstergo. Il est possible de pirater les animus des autres participants au projet en effectuant divers mini-jeux, mais ne vous attendez pas à débloquer des informations plus précises que la biographie de Robert De Sablé ou quelques mémos vocaux de Desmond Miles. Bref, on n'apprend rien, ce qui est déjà en soi problématique, mais le principal souci vient surtout de l'absence totale d'intérêt de ces séquences, que ce soit en termes de gameplay ou de scénario. Il serait peut-être temps de changer l'orientation de la série à ce niveau...
Un scénario décevant
Vous l'aurez donc compris, l'intrigue se situe davantage dans le passé que dans le présent. Comme prévu, on y suit le grand-père du héros d'AC3 : Edward Kenway, un jeune homme ayant abandonné sa femme afin de partir dans les Caraïbes en quête de richesse et d'aventures. Il ne s'agit là que de ses seules préoccupations, ce qui le conduira à travailler pour lui et uniquement pour lui, en ne se souciant que de loin des intérêts des Templiers et des assassins. En effet, s'il porte un costume d'assassin, c'est simplement qu'il l'a dérobé sur le corps encore chaud d'une de ses victimes en tout début d'aventure. On nous présente donc un héros plutôt badass, mais qui n'en reste pas moins très charismatique et intéressant. Son histoire n'est malheureusement pas au niveau puisqu'on nous y conte simplement une quête d'humanité et de rédemption pas désagréable à suivre, mais sans grand relief ni surprise. Encore une fois, on n'apprend rien sur l'univers de la série, ni même sur Edward lui-même, puisque tout ce qu'on nous dévoile est présent sur le Net depuis de longs mois déjà. Soyons donc clairs : si vous prévoyez de jouer à Assassin's Creed 4 pour son scénario, vous pouvez passer votre chemin.
L'ambiance avant tout
Présenté comme cela, Assassin's Creed 4 pourrait paraître décevant. Si ce n'est pas complètement faux, il faut quand même avouer que la série ne brille plus par son scénario depuis quelques épisodes déjà. Comme ses prédécesseurs, Black Flag a tout de même quelques arguments à faire valoir, à commencer par son univers extrêmement vaste et riche. Si vous aimez un tant soit peu la piraterie, vous ne pourrez que prendre un plaisir incommensurable à voguer sans but précis à la recherche d'une proie facile. Imaginez la situation : vous jetez un petit coup d'oeil dans la longue vue afin de repérer un navire isolé avant d'entamer une approche discrète au gré des vents et des vagues, tout en profitant des nombreux îlets pour masquer vos intentions. Puis soudain vous passez à l'attaque et lancez l'abordage afin de vous octroyer un butin fort intéressant. Inévitablement, on se prend au jeu et on attaque des bâtiments de plus en plus imposants jusqu'aux redoutables Men of War. Cela peut donner lieu à des séquences relativement intenses. Par exemple, j'ai été amené à poursuivre un de ces monstres durant de longues minutes dans le brouillard, tout en sachant que s'il me repérait, 2 bordées de canon directes suffiraient à m'envoyer par le fond. J'ai donc patienté dans la brume en attendant le bon moment pour le prendre par surprise et lui faire un maximum de dégâts rapidement. Croyez-moi, l'immersion est dans ce cas excellente, et la prise n'en est que plus belle.
Des batailles navales remaniées
Au niveau des batailles navales justement, on note l'arrivée de quelques nouveautés plus ou moins sympathiques. Ainsi, s'il est toujours question de lancer des bordées simples de canon sur chaque côté, il est aussi possible de viser un minimum avec le stick droit. En parallèle, d'autres canons font leur apparition à l'avant du Jackdaw (le nom du navire d'Edward), un mortier peut être utilisé afin d'atteindre des cibles éloignées et des tonneaux remplis de poudre peuvent être lâchés à l'arrière pour couvrir une fuite. Chaque élément peut être amélioré indépendamment contre de l'argent et les ressources précieuses lootées lors d'un abordage (rhum et sucre pour l'argent mais également fer, tissus et bois), afin d'améliorer sa puissance, mais aussi le stock maximum de munitions qui peuvent être portées simultanément. La taille des dortoirs, la solidité du bateau, tout peut ainsi être boosté afin de se faciliter la tâche au moment de l'abordage, ce qui constitue la principale nouveauté de ces batailles. En effet, dès l'instant où un navire est immobilisé, il est possible de le couler directement ou bien de l'aborder afin de profiter d'un butin plus important. Dans ce cas, et en fonction de la taille de la prise, on nous demande d'éliminer un certain nombre de membres d'équipage adverses, et éventuellement de tuer le capitaine, de capturer l'étendard, etc. Action garantie !
Une foultitude d'activités annexes
Mais ce n'est pas tout ce que propose Assassin's Creed 4. On peut aussi choisir d’accoster sur la première plage venue afin d'y fouiller le corps d'un aventurier (et ainsi localiser des trésors qui peuvent aussi bien être de l'argent que des plans pour améliorer le Jackdaw), attaquer un convoi maritime bien défendu ou un fort surarmé, explorer les 3 grandes villes au programme (La Havane, Nassau et Kingston), récupérer les nombreux artefacts cachés ou bien, et il s'agit d'un nouveauté, faire de la plongée. En effet, sur certains spots prédéfinis, il est possible d'explorer les fonds marins à la recherche de trésors souvent très intéressants. Ces phases en elles-mêmes ne sont pas particulièrement inoubliables, notamment à cause d'une physique perfectible et d'attaques de requins (avec ce que cela comprend de QTE) à l'intérêt discutable, mais n'en restent pas moins un bon moyen de se faire de l'argent rapidement. Notons aussi l'arrivée de parties de pêche dans lesquelles on peut s'attaquer à des requins ou carrément à des baleines. Jonché sur une barque, il faut simplement y viser la proie avec le stick avant de lancer des javelots dont l'efficacité et le stock peuvent être améliorés. Le loot ainsi obtenu sert ensuite un système de craft à la Far Cry 3 : il faut la peau d'un animal donné pour porter plus de fusils, augmenter la capacité en munitions diverses et variées, confectionner une tenue inédite... Bref, il y a de quoi faire !
Un gameplay stagnant
L'accent a donc été mis sur la surenchère d'activités, ce qui se fait malheureusement au détriment des nouveautés de gameplay. Le problème est qu'à ce niveau, la série commence sérieusement à vieillir et présente des défauts qui sont de moins en moins faciles à pardonner au fil des épisodes. En premier lieu, l'IA peine à convaincre, notamment sur les trop nombreuses phases d'infiltration. Les rondes des gardes sont millimétrées et ne changent en rien, quelles que soient les actions du joueur. En d'autres termes, il faut impérativement emprunter le seul et unique chemin prévu par les développeurs pour s'en sortir, ce qui n'est ni intéressant ni fun, d'autant plus que les gardes sont tantôt aveugles, tantôt des aigles infligeant une désynchronisation en moins d'une seconde. Le résultat n'est guère plus convaincant lors des combats puisque l'IA se montre encore moins réactive que dans les opus précédents. On en vient donc à attaquer soi-même par lassitude et c'est systématiquement le moment que choisit un autre garde pour nous bondir dessus, profitant des errements de la caméra pour passer inaperçu.
Les soucis du free run
Mais le plus frustrant, c'est surtout un système de free run pour le moins pénible. La disparition de la course simple au profit du free run opérée dans AC3 n'est en effet plus spécialement judicieuse dans ce 4ème opus, notamment car les ruelles des villes sont plus étroites. Le problème est encore pire sur des bateaux bourrés de rambardes, canons ou autres poulies susceptibles de nous propulser en haut d'un mât alors qu'on souhaitait simplement assassiner rapidement un ennemi. Alors quand ensuite un sniper nous fait chuter d'une simple balle, et donc mourir instantanément, la frustration est immense. Il en va d'ailleurs de même lors des courses-poursuites qui deviennent de plus en plus irritantes. Non seulement l'IA déçoit à nouveau (en faisant par exemple une course surhumaine sur quelques mètres avant d'attendre le joueur), mais ce sont surtout les grimpettes intempestives d'Edward qui posent problème. Finalement ces séquences en pâtissent, ce qui est d'autant plus problématique qu'elles sont nombreuses. En effet, les courses-poursuites, filatures et infiltrations représentent à elles seules l'immense majorité des missions, ce qui induit une certaine répétitivité. On a quasiment l'impression d'être revenu dans le premier épisode en étant systématiquement obligé de suivre les mêmes enchaînements avant un assassinat. Encore une fois, il s'agit là de défauts présents dans tous les épisodes, mais avec un opus qui a tout du Assassin's Creed 3.5 (même moteur graphique que son prédécesseur, mêmes animations douteuses, etc), on pouvait espérer que les développeurs trouveraient le temps de les corriger.
La question des graphismes
Autre nouveauté de taille cette année : la sortie sur consoles next-gen. Peut-on alors s'attendre à une vraie différence entre les 2 versions ? Eh bien autant vous le dire tout de suite, la réponse est non. Autant sur les nouvelles consoles, le rendu est plus fluide, la végétation est plus dense, les effets sont plus réussis (météo, fumée, brume, etc), la distance d'affichage est plus grande, autant les textures restent grosso modo les mêmes, tout comme les bugs. Le clipping est donc une nouvelle fois présent tout comme l'aliasing, tandis que les bugs de collision posent parfois problème, si bien que le résultat n'est finalement pas bien différent d'une version à l'autre. On espère que la next-gen est capable de mieux, mais malgré tout, AC4 compense ses quelques soucis techniques par une réalisation artistique éblouissante. Certains paysages sont tout simplement à couper le souffle, tout comme le rendu de l'eau lors des déplacements en bateau. Finalement, le résultat est parfaitement satisfaisant, et ce quelle que soit la console.
Un multi encore plus riche
Enfin, évoquons brièvement ce qui constitue désormais une composante indissociable de la série : le multijoueur. A ce niveau, on note évidemment le retour de tous les modes de jeu présents l'an passé avec en prime 8 maps inédites toujours très bien agencées ainsi qu'un assortiment de nouveaux personnages jouables. Pour ce qui est de ces fameux modes de jeu, on aurait aimé que quelques-uns fassent l'objet de petites retouches, à commencer par la Domination, qui n'est toujours pas spécialement équilibrée, ni intéressante, mais il n'en est malheureusement rien. On note toutefois l'arrivée de plusieurs missions scénarisées pour le mode coopératif Meute, et surtout du Labo de Jeu. Il est possible d'y paramétrer sa partie à sa guise en fixant des paramètres aussi variés que la durée des manches, l'activation ou non des assassinats au corps-à-corps, des humiliations, des coups de grâce, des sosies, des obstacles pour s'échapper, des murmures indiquant la présence d'ennemis, du verrouillage, de l'affichage de la boussole, etc. Bref, tout peut être paramétré, ce qui offre en théorie une infinité de modes différents. Bien entendu, il est ensuite possible de sauvegarder puis partager ses meilleures créations. Finalement, les fans devraient une nouvelle fois trouver là de quoi passer de nombreuses heures à essayer de débloquer de nouveaux pouvoirs ou les vidéos au programme. Le bilan de ce AC4 est donc globalement très positif, malgré les quelques défauts cités précédemment.
Points forts
- Un univers extrêmement riche
- On se prend vraiment pour un pirate
- Map très vaste
- Beaucoup d'activités possibles
- La liberté offerte au joueur
- Bonne durée de vie (comptez une vingtaine d'heures en ligne droite et plus du double pour tout faire)
Points faibles
- Missions répétitives et pas très inspirées
- Pas mal de clipping, encore
- IA plus que perfectible
- Système de free run peu pratique sur les bateaux
- Scénario anecdotique
- Animations douteuses
- Des phases dans le présent sans intérêt
Malgré quelques idées excellentes, Assassin's Creed 4 : Black Flag n'est certainement pas le meilleur opus de la série. Tout d'abord son scénario déçoit, tout comme son gameplay qui commence à vieillir sérieusement. Le système de free run, notamment, n'est pas du tout adapté aux environnements étriqués que sont les bateaux de pirates, tandis que l'IA des gardes est de moins en moins facile à avaler. Reste que l'ambiance proposée est tout simplement excellente, que l'univers est passionnant à explorer et très vaste, que la liberté offerte au joueur est totale, que l'immersion est enivrante et que le multi est plus riche que jamais. Bref, il s'agit d'un jeu tout en nuances, qui mérite tout de même le coup d'oeil, notamment si vous êtes un amateur de la série ou de l'univers de la piraterie.