Si A Shadow's Tale nous avait déjà proposé un gameplay centré autour d'un personnage évoluant dans l'ombre de lui-même, Contrast y ajoute une ambiance surannée synonyme des années 20, de vaudevilles ou bien encore de films noirs. Pas si courant que ça, ce parti pris lui confère dès lors un véritable charme artistique. Pour autant, au-delà de la forme, que vaut ce jeu sur la longueur ? Voici quelques éléments de réponse.
Didi est une petite fille espiègle qui n'a de cesse de se faufiler à l'extérieur de sa chambre pour aller voir sa mère, Kat, chanteuse dans un cabaret du centre-ville. Un jour, alors qu'elle promet à sa mÔman d'être une fille bien sage, elle s'échappe une fois encore avec son amie imaginaire, seule confidente disponible à même de combler le vide laissé par Kat et Johny, le père de Didi, lui aussi absent de la maison. Une fois les protagonistes en place, l'intrigue peut alors s'installer et partir vers des horizons plus proches du film noir pataugeant dans le fantastique. Au menu, un célèbre magicien du nom de Vincenzo, des gangsters réclamant leur dû suite à une sombre affaire dans laquelle Johnny aurait trempé, des relations houleuses avec une petite pépée et un univers onirique où tout n'est que faux-semblants... Pour un peu, Contrast pourrait se targuer d'être une sorte de mix entre L'Illusionniste, Le Faucon Maltais et le cinéma de Jean-Pierre Jeunet, sachant qu'il laisse une grande place à l'imaginaire résultant de l'esprit de Didi synonyme de la charmante Dawn, femme fatale au corps longiligne et ayant la capacité d'évoluer dans le monde parallèle des ombres.
L'allégorie de la caverne revisitée
Bien que le scénario se laisse suivre avec plaisir, grâce à la narration sous forme de jeux d'ombres renvoyant avec délice à l'ambiance initiale renforcée par une bande-son jazzy d'excellent acabit, un arrière-goût de déception nous étreindra à la fin à cause d'une conclusion un peu trop brutale, d'autant qu'en récoltant plusieurs objets cachés, on se rend compte que tout l'aspect fantasmagorique du synopsis est un peu laissé dans l'ombre, sans mauvais jeu de mots. Pour autant, le cheminement se veut limpide en se reposant sur un concept fort et son gameplay associé. Contrast nous propose ainsi un mélange de plates-formes et de puzzles 2D/3D à la difficulté parfaitement dosée. Ici aussi, l'évolution des énigmes est équilibrée puisque si les premières tiendront plus du tutorial, vous devrez par la suite analyser le lieu où vous vous trouvez pour dénicher les interactions possibles et surtout comprendre comment atteindre tel ou tel endroit grâce à la capacité de Dawn à se transformer en ombre. De fait, si vous n'aurez qu'à vous approcher d'un mur et à appuyer sur la touche adéquate pour passer d'un monde 3D à un monde 2D, on vous demandera entre autres de déplacer des sources de lumière pour modifier l'échelle de certains éléments afin d'agrandir ou de rétrécir la taille de leurs ombres puis d'utiliser ces dernières pour progresser. En somme, Contrast remplit pleinement son contrat à l'inverse de Rain, par exemple, qui n'avait pas réussi à user sur la longueur d'une très bonne idée de départ.
Noir, c'est noir, mais il y a encore de l'espoir
De fait, les puzzles offrent une vraie évolution dans leur résolution tout en mettant en avant quelques idées fort jolies. On appréciera ainsi le passage dans le cirque où toute une énigme sera synonyme de conte 2D, sous forme d'ombres chinoises, avec une progression calée sur le récit narré par une voix off. Délectable, pas nécessairement dans le fond renvoyant à de la plate-forme plus classique, mais dans la forme s’inscrivant joliment dans la continuité scénaristique et évoquant par moments le somptueux Limbo. Pour autant, si les développeurs ont donc gagné le pari de proposer un univers atypique, on pourra être déboussolé par l'absence de vie résultant, certes, de l'imaginaire de Didi mais débouchant sur un final singulier par certains côtés, incomplet. A l'inverse, l'ambiance sonore, bien que restant en retrait par rapport au reste, demeure très travaillée en nous offrant de superbes mélodies jazzy toujours adaptées aux scènes auxquelles elles sont associées.
Un jeu contrastant avec la concurrence
En somme, Contrast est un jeu imparfait, critiquable mais qui marque. Si en y jouant, on se dit que Compulsion Games aurait sans doute pu proposer quelque chose de plus complet, c'est surtout la frustration née de la faible durée de vie qui nous pousse à ce constat. De fait, il y avait sans doute matière à creuser le concept des deux mondes ou à inclure une véritable interaction entre Dawn et Didi mais ces détails, auxquels viennent s'ajouter l'aspect technique un peu faiblard et des sauts manquant parfois de précision, ne viennent pas vraiment contrebalancer la bonne impression générale que nous laisse le jeu. Attirant, jouable et utilisant habilement l'époque dépeinte par le biais de jolis clins d'oeil, Contrast se repose aussi, à juste titre, sur une avancée posée mais rythmée par des énigmes et puzzles parfaitement calibrés. Finalement, c'est davantage cet aspect positif qui prévaut et qui fait qu'on ressort satisfait de l'expérience. C'est bien là le principal, vous en conviendrez.
Points forts
- L'atmosphère des années 20
- L'approche graphique
- La bande-son
- Le doublage français
- Excellente utilisation du concept de base à travers le gameplay
- Enigmes intelligentes et très agréables
Points faibles
- Techniquement dépassé
- La rigidité des mouvements
- Quelques sauts imprécis
- Bien qu'onirique, l'univers peut sembler vide
- Le scénario aurait mérité d'être plus travaillé
- La durée de vie (entre 3 et 4 heures selon votre niveau)
Contrast est un jeu qui s'apprécie plus qu'il ne se décrit. Bien que plusieurs points forts fassent écho à divers problèmes, le ressenti global est très positif. C'est d'ailleurs pour ceci qu'on regrettera que la durée de vie soit si réduite. Néanmoins, et bien qu'on ressente parfois l'impression que l'univers soit un peu sous-exploité, on se délectera de ces références subtiles au cinéma des années 20, de l'exquise patte artistique et surtout d'un concept parfaitement compris et maîtrisé offrant des énigmes savamment pensées.