La première prise de contact avec le remake de Gabriel Knight n'avait pas été très concluante. C'était il y a quelques mois, en compagnie de l'auteure du jeu. Jane Jensen maniait alors la souris pour attirer notre attention sur les points clés de cette version réalisée spécifiquement à l'occasion des 20 ans du jeu original. Il était donc temps de refaire le point, grâce à une version preview permettant cette fois de jouer tranquillement (et à notre rythme) aux deux premiers jours de l'enquête.
Si vous avez lu notre premier aperçu, vous êtes alors au courant de nos inquiétudes vis-à-vis d'un titre accusant un énorme retard technique. Bien sûr, la technique ne fait pas tout dans un jeu. Loin de là. Mais en tant que remake, Gabriel Knight : Sins of the Fathers – 20th Anniversary mise une bonne partie de ses billes sur la refonte graphique. Il paraît donc important de s'attarder sur cet aspect.
Du neuf qui fait vieux
Pour son ravalement de façade, le point and click en deux dimensions des années 90 passe à la 3D. Tout a donc été refait, personnages et décors, pour un résultat qui n'est hélas toujours pas la hauteur de nos espérances. A ce propos, les images officielles diffusées jusqu'à présent ne nous avaient pas préparés à un tel choc. Il n'y a qu'à voir les images qui ornent cette page (prises par nos soins) pour constater l'ampleur des dégâts. Entre les textures baveuses sur les décors, les innombrables bugs d'affichage, et les modélisations très sommaires de chaque personnage, le titre rivalise à peine avec des productions d'il y a dix ans. Au passage, les courageux aventuriers s'étant essayés à Moebius, réalisé par le même studio, retrouveront les mêmes soucis d'animation et les démarches ridicules qui brisent instantanément l'ambiance que tente pourtant de bâtir le scénario.
Nouveau casting
La Nouvelle-Orléans et ses rituels vaudous sont toujours au cœur de l'enquête de Gabriel Knight et l'intrigue reste forcément intéressante à suivre, alors qu'elle s'enfonce peu à peu dans l'étrange et le surnaturel. Malheureusement, le réel talent d'écriture peine à briller, constamment rattrapé par la désastreuse vitrine technologique. Ainsi, si on peut apprécier les dialogues et les informations à glaner sur la culture vaudoue, on déplore immédiatement la pauvreté du doublage. Pour ce remake, Tim Curry, Mark Hamill et les autres comédiens qui parvenaient à donner vie au jeu original laissent tous leurs places à d'autres acteurs bien moins inspirés. Gabriel Knight hérite ainsi d'une voix lui donnant une attitude nonchalante et pénible dès sa première réplique. Dans ces conditions, il est impossible de s'attacher au personnage, ce qui est tout de même bien embêtant lorsque ledit personnage est au centre de l'intrigue. Même les musiques, pourtant réorchestrées, dégagent un goût d'ancien et de daté. Quitte à faire dans le vieux, un simple portage du jeu original aurait certainement coûté moins cher, et même ravi les fans.
Que c'est mou…
Lorsque ce n'est pas l'aspect technique qui nous refroidis, c'est la jouabilité elle-même qui s'en mêle. Si les nombreux bugs de la version reçue seront probablement corrigés d'ici la sortie (Gabriel qui traverse des murs, bras qui passe à travers le cou et bien d'autres), on imagine que le feeling de jeu restera ce qu'il est là, c'est-à-dire un point and click extrêmement mou. Histoire de clarifier les choses, le genre point and click est mon genre de prédilection et je ne suis pas en train de le critiquer. Je peste cependant contre les mouvements volontairement lents du héros, les petites demi-secondes qui séparent un clic et l'exécution d'une action ou encore les nombreuses animations impossibles à couper. Par exemple, lorsque Gabriel sort de son appartement, il faut obligatoirement l'observer se diriger vers la porte, prendre son manteau, se retourner, enfiler son manteau et finalement partir. Bien sûr, ce n'est qu'un détail et en cliquant directement sur la carte, il est possible d'éviter la séquence, mais ce sentiment de mollesse règne en maître durant la partie, participant grandement à la mauvaise impression que dégage finalement le jeu. A moins d'un incroyable retournement de situation, ce retour de Gabriel Knight s'annonce de pire en pire…
Avec son scénario ancré dans la culture vaudoue, son enquête passionnante et sa galerie de personnages attachants, Gabriel Knight avait logiquement tout ce qui lui fallait pour réaliser un retour fracassant. Il semble hélas que l'équipe derrière le projet ne soit pas en mesure de concrétiser les ambitions affichées. Handicapé par une réalisation déjà datée, un doublage raté, une ribambelle de bugs, et un sentiment général d'évoluer au ralenti, ce remake aura toutes les peines du monde à convaincre les fans de la première heure. On voit mal comment il parviendra à séduire de nouveaux venus.