Lorsque le studio français DONTNOD (Remember Me) s'est lancé dans Life is Strange, le titre n'était supporté que par cinq personnes. Aujourd'hui, et notamment grâce au soutien apporté par Square Enix, ce ne sont pas moins de quarante têtes qui travaillent sur ce jeu d'aventure prometteur et singulier. Après une présentation et une longue séquence de jeu, voyons ce qu'il en est.
Life is Strange mise beaucoup sur son histoire et son contexte, raison pour laquelle nous allons commencer par le scénario. Max Caulfield est une jeune fille d'apparence tout à fait anodine. Fan de photographie, elle revient dans son Oregon natal après avoir fait cinq ans d'études à distance. Elle y retrouve sa meilleure amie Chloe Price, une ado rebelle qui ne s'entend pas nécessairement bien avec son beau-père. Malgré ce contexte plutôt banal, la disparition, six mois auparavant, d'une amie commune va tendre vers une enquête qui risque de révéler bien des choses. D'autant plus que Max Caulfield n'est pas une ado aussi banale que cela puisqu'elle a tout récemment découvert qu'elle était capable de remonter le temps de quelques instants, à l'envie, un élément qui sert autant la narration que le gameplay.
Retour vers le passé
Car dans le principe, on se retrouve dans un jeu d'aventure très proche d'un Heavy Rain. En se baladant dans les environnements (dans le cas présent, la chambre de Chloe), il est possible de fouiner pour découvrir des objets et potentiellement des indices. A chaque inspection, on est accompagné par la voix intérieure de Max qui s'interroge et essaie d'évaluer l'intérêt de ce qu'elle observe. Cela dit, fouiner n'est pas sans risque et dans la session qui nous était présentée, la maladroite Max casse un bibelot appartenant à Chloe. Pas de panique, Max remonte alors le temps de quelques secondes pour faire comme si de rien n'était, tout en ayant quand même vu ce qu'elle voulait voir. Bien évidemment, cette feature prend une grande importance dans le gameplay à de multiples occasions. Par exemple, lors d'un dialogue, on peut d'abord répondre une chose, voir la réaction de son interlocuteur, puis revenir en arrière pour répondre l'inverse et voir ce qu'il se passe.
Faire le bon choix
Toutefois, cela ne veut pas dire que vous ferez toujours les bons choix. Le monde qui vous entoure n'est pas manichéen et même avec un bon sens de l'observation, vous ne saurez les vraies répercussions de vos actions que bien plus tard dans l'aventure, c'est-à-dire bien trop tard pour revenir en arrière (le titre fonctionne avec un système de checkpoint). Par exemple, dans la session de jeu qui nous était proposée, le beau-père de Chloe rentre furieux dans la chambre. Non seulement on avait le choix de se cacher ou non au préalable, mais en plus, lorsque le beau-père trouve du cannabis sur le bureau de Chloe (qui appartient à cette dernière), on a aussi le choix de la laisser se débrouiller ou de dire que l'herbe appartient à Max, qu'elle soit cachée ou pas (le cas échéant, elle sort de sa cachette). Dur de savoir la finalité de ses choix, même à la fin de la scène. Par exemple, pour le cannabis, laisser Chloe se débrouiller peut nous fâcher avec elle, sans vraiment savoir à quel point. De l'autre, dire que l'herbe nous appartient ne nous rend pas vraiment ami avec le (menaçant) beau-père. Un choix à faire qui n'est pas si facile.
De l'importance d'un univers
Evidemment, on retrouve ici les codes d'un The Walking Dead de Telltale, ce qui n'est pas un hasard. Non seulement le titre s'en inspire d'un point de vue gameplay, mais il sera aussi distribué de façon épisodique, à raison de cinq épisodes séparés de plusieurs semaines les uns des autres. Une formule qui marche, mais pas pour tous. Heureusement, Life is Strange a pour lui un environnement contemporain qui semble particulièrement crédible, bien aidé par un grand sens du détail. Par exemple, la chambre de Chloe est bourrée d'objets de toutes sortes, d'écritures sur les murs et d'autres artifices qui donnent vie à l'ensemble. Les personnages semblent bien écrits et, s'ils ne manquent pas de profondeur, pourraient inciter le joueur à prendre part à l'aventure pour en connaître l'aboutissement. Quoi qu'il en soit, Life is Strange est un jeu qui met en avant ses atouts artistiques, que ce soit pour ses environnements et pour ses thèmes proches des films indépendants (les difficultés qui surviennent lors du passage à l'âge adulte, notamment). Plaçant ses billes dans l'investigation et les rapports entre les personnages plutôt que sur l'action (les créateurs du jeu disent qu'il n'y a jamais besoin de réflexes pour y jouer), Life is Strange fait sans aucun doute possible partie de titres à suivre de très près ces prochains mois.
Si on reconnaît quelques inspirations, à commencer par The Walking Dead, Life is Strange réussit à créer son propre univers et bénéficie d'un travail assez détaillé pour que l'on s'y intéresse vivement. En maniant des thèmes comme la fin de l'adolescence avec une enquête qui s'avère rapidement complexe, le titre du studio DONTNOD part sur de très bonnes bases, notamment d'un point de vue artistique. Si le gameplay, qui fait intervenir des « rewinds », est aussi maîtrisé que semble l'être la narration, Life is Strange pourrait surprendre beaucoup de monde en s'imposant dans un genre pas facile à appréhender.