C’est devenu désormais une habitude chez BioWare de proposer des contenus téléchargeables supplémentaires dès la sortie d’un jeu, le plus souvent contre monnaie sonnante et trébuchante. « Surgi des Cendres » n’échappe pas à la règle et présente un personnage bonus payant aux joueurs ayant acquis l’édition normale de Mass Effect 3, c’est-à-dire la majorité. Vaut-il vraiment la peine de débourser dix euros ou 800 points ? C’est à voir.
Prothy le Prothéen
« Surgi des Cendres » vous propose principalement un personnage bonus, et pas n’importe lequel s’il vous plaît. En effet, Shepard et sa clique ont la possibilité de se rendre sur Eden Prime pour récupérer une découverte étrange convoitée par Cerberus : un Prothéen cryogénisé, rien de moins. Promptement réveillé d’un sommeil de 50.000 ans et quelques, celui-ci s’avère être un soldat pas commode pour un sou, nommé Javik. Commandant Javik, en fait. D’abord déboussolé par un réveil sportif et un peu traumatisant, le dernier représentant de la race prothéenne se joindra à l’équipe pour lutter à nouveau contre les Récolteurs. Voilà pour l’histoire.
"Asaris, Humains... je suis entouré de primitifs..."
L’intérêt principal du DLC, c’est donc lui, Javik. Et le moins qu’on puisse dire, c’est que le personnage a été soigné. Hautain, méprisant, supérieur, violent, cynique, parfois un peu pince-sans-rire, Javik dynamite l’image que l’on pouvait se faire des Prothéens, vus jusqu’à présent comme une race très évoluée. Le problème, c’est que le côté hégémonique de leur civilisation avait été inconsciemment occulté, notamment par Liara, pourtant spécialiste en la matière. Le choc est brutal pour l’Asari, confrontée au dernier représentant méprisant d’une race supérieure à la sienne. Les rapports entre les deux personnages sont d’ailleurs assez tendus. La présence de Javik apporte également un éclairage différent sur la civilisation asari. Discuter avec lui, et Shepard le fera souvent, c’est se lancer dans une joute verbale parfois sportive, avec un interlocuteur qui vous considère au début comme un moins que rien. Ce qui peut s’avérer parfois déroutant, mais aussi souvent très amusant, du fait du décalage total entre la vision du monde du Prothéen et celle des Humains et des autres races. Adepte des petites phrases assassines bien senties et aussi parfois de théories fumeuses sur la loi du plus fort, Javik s’avère être un personnage complexe et passionnant. Les nombreuses conversations avec celui-ci permettent d’en apprendre beaucoup sur son peuple, ce qui est un plus indéniable pour le background déjà riche de la série. Les réactions des PNJ ou de Shepard face à lui sont également souvent une source d’amusement pour le joueur. En outre, il faut saluer le choix du doubleur français. Thierry Mercier, voix notamment de Christopher "Teal’c" Judge dans Stargate SG-1, colle très bien au personnage, son ton grave, posé et détaché s’accordant parfaitement au rôle. Si l’on considérait le seul personnage de Javik, ce contenu serait une réussite. Le problème, c’est tout le reste.
"Eden Prime, Eden Prime, vingt minutes d’arrêt !"
Lors de la promotion du jeu, on nous promettait une mission de 35 minutes, ce qui n’était déjà pas bien long. Dans les faits, à moins de choisir le mode de difficulté le plus élevé, en vous équipant avec vos plus mauvaises armes pour corser les choses, ça ne dure pas plus de vingt minutes. Non seulement c’est rapidement terminé, mais en plus la mission est loin d’être intéressante. Il s’agit, bêtement, de récupérer des codes pour ouvrir le sarcophage de Javik, en expédiant ad patres quelques soldats de Cerberus de temps en temps et un mecha à la fin. Aucune originalité, donc. Aucun challenge non plus : il s’agit d’ennemis lambda, qu’on croise régulièrement dans le reste du jeu et qu’on sait déjà comment abattre. En outre, la zone à "explorer" est des plus réduites et l’on en fait le tour tout aussi rapidement. Sans compter que, visuellement, les environnements sont jolis, mais d’une banalité sans nom. Pour le seul retour autorisé sur Eden Prime, planète importante s’il en est dans Mass Effect, puisque c’est là que tout commence, on était en droit de s’attendre à un peu mieux. Le simple joueur en sort donc frustré, le fan également. Si l’on excepte les dialogues additionnels de Javik, qui ne constituent pas vraiment une phase de gameplay, la durée de vie de ce contenu téléchargeable est catastrophique. Le très irritant prince Sebastian de Dragon Age II, autre personnage supplémentaire "premier jour" payant d’un jeu BioWare, avait au moins le bon goût de proposer trois quêtes propres relativement conséquentes réparties dans le jeu, en plus de son recrutement. Là, rien. Uniquement cette seule et unique mission décevante.
Un flingue, des fringues… et c’est tout
Outre le personnage et la mission rapidement expédiée, BioWare nous promettait "bien plus encore", ce qui s’avère être de l’authentique publicité mensongère. Dans les faits, ce "bien plus encore" se limite, en effet, à un fusil prothéen comme nouvelle arme, quasi identique à celui des Récolteurs disponible dans l’épisode 2, des tenues supplémentaires pour vos coéquipiers… et rien d’autre. Ahem… On a vu mieux comme bonus supplémentaires. Avoir un Prothéen dans l’équipe ouvrait pourtant des perspectives intéressantes, pour explorer des endroits inédits et récupérer de la technologie oubliée, par exemple. Mais non, rien. Le contenu est minimaliste, malgré tout ce qu’ont pu prétendre les développeurs. Ce n’est même plus de la publicité mensongère, on tombe carrément dans l’enfumage. Au vu du prix élevé du DLC, cela a vraiment de quoi énerver. Surtout que, contrairement à ce qui a été prétendu par BioWare, ce contenu était prévu dès le début et n’a pas été rajouté après le développement du jeu, puisque que l’activation du DLC peut se faire en modifiant simplement une ligne de code dans la version PC de Mass Effect 3. Dissocier une partie assez courte du contenu du jeu pour le rendre payant le jour de la sortie, en faisant passer le tout pour un prétendu vrai plus, a de quoi irriter fortement le joueur. Surtout quand la durée de vie est aussi faible. « Surgi des Cendres » ne fera que conforter dans leur opinion ceux qui pensent que les DLC sont des machines à fric. Et, pour le coup, difficile de leur donner tort.
Points forts
- Javik
- La voix de Thierry Mercier
- Des dialogues cultes
- On en apprend beaucoup sur les Prothéens
Points faibles
- Une mission d’une banalité affligeante
- Une durée de vie ridiculement courte
- Des "bonus" navrants
- Un prix trop élevé
- Le côté jeu en kit
- Javik aurait dû faire partie du jeu, pas d’un DLC payant
- L’impression persistante d’avoir été pris pour un pigeon
Il n’est pas évident de se faire un avis définitif sur ce DLC, tant les impressions sont mitigées. D’un côté, il nous offre un personnage réellement passionnant, bien écrit et bien interprété, voire indispensable, ainsi que des informations importantes sur l’univers de la série. De l’autre, nous avons droit à une unique mission très rapidement expédiée, plate, banale, sans aucun challenge, ni supplément de gameplay intéressant. A cela s’ajoute la frustration de devoir payer – cher – un contenu qui aurait dû faire partie du jeu complet. L’intérêt du background le dispute à l’inintérêt du gameplay et l’impression d’être pris pour un tiroir-caisse par BioWare n’en est peut-être pas une. Javik a beau être incontournable d’un point de vue scénaristique, ceux qui attendent avant tout du contenu jouable passeront leur chemin.