On peut sans aucun doute compter sur les doigts de la main les titres qui sacrifient tout pour l'art. Là où des productions optent pour de la banale 3D facile à faire, quelques irréductibles studios continuent d'utiliser le dessin (et la 2D) pour nous éblouir tout en prenant des partis pris de gameplay étonnants. Vanillaware en fait partie et leur Dragon's Crown en est la quintessence.
Grim Grimoire, Odin's Sphere, Muramasa : le studio nippon Vanillaware nous a déjà démontré par le passé sa patte artistique et sa vision décalée de ce que doit être un jeu vidéo. Des productions léchées aux décors 2D magnifiques qui sont parvenues à éblouir les joueurs sans oublier d'offrir des gameplays intéressants, voire diablement fun. En optant à nouveau pour un beat'em all très largement inspiré de Princess Crown, Dragon's Crown part sur un sujet particulièrement bien maîtrisé par le studio. Encore faut-il innover.
Il était une fois
Le scénario vous place dans le rôle d'un aventurier prêt à aider son prochain. Rapidement, vous allez devoir aider le royaume de Hydeland à récupérer la Dragon's Crown, couronne qui permet de contrôler les dragons. Vous avez le choix entre six personnages au gameplay résolument différent : de l'amazone à l'archer en passant par le nain, ce sont des façons quasiment opposées de voir le jeu qui s'imposent à vous. Par exemple, le magicien utilise des sceptres élémentaux, ce qui demande généralement d'avoir plusieurs sceptres sur soi pour parer à toute éventualité. D'un autre côté, l'amazone est un personnage plutôt typé action qui enchaîne les combos au corps-à-corps, souvent au détriment des HP. Dans tous les cas, il ne faut pas trop compter sur votre capacité à encaisser les coups pour vous en sortir : comme dans Muramasa, éviter les attaques des ennemis est primordial et il va falloir varier les blocages, parades, esquives et périodes d'invincibilité pour avoir une chance de vous en sortir. Le résultat, c'est un gameplay très enlevé et furieusement typé action. Un très bon point.
Doux trésor
Dans la première partie du jeu, les donjons sont plutôt simples à comprendre. On attaque tout ce qui s'oppose à nous, tout en veillant à ouvrir les coffres grâce à notre voleur personnel auquel on donne des ordres via le stick droit. S'il existe plusieurs types de coffres, leur contenu (et le rang des objets obtenus) reste plus ou moins aléatoire. Certains trésors sont un peu mieux cachés que d'autres et nécessitent un petit peu de recherche, une tâche qui peut parfois être compliquée par les quelques pièges qui jonchent le chemin (piques, flammes, etc). Mais sans surprise, ce sont les ennemis qui vous opposeront le plus de résistance. Bien que individuellement, s'ils ne représentent pas une grosse menace, c'est en masse que les gobelins et autres mages maléfiques pourront perturber votre groupe. Toutefois, le véritable challenge viendra sans conteste des boss, dont il faudra souvent apprendre les techniques pour espérer survivre. Certains combats sont même plutôt originaux comme celui où vous devez en fait activer un golem activé par des runes pour qu'il combatte le boss à votre place (tout en le défendant).
Runes for your life !
Puisque nous évoquons les runes, rentrons un peu plus dans le détail. Dans de nombreuses salles de donjons, vous trouverez des lettres inscrites dans le décor. Grâce à votre stick droit, vous pouvez les choisir et les mixer aux trois runes que vous possédez pour déclencher des incantations magiques. De l'apparition de coffre à une invulnérabilité temporaire, en passant par une attaque sur les morts-vivants à l'écran, ce sont plus d'une vingtaine de sorts qui s'offrent à vous. Toutefois, en plein combat, il n'est pas toujours facile d'activer les runes du décor sans cliquer à côté, voire sur un personnage qui se serait placé devant. Le principe reste intéressant même s'il faut apprendre les formules par coeur si on ne veut pas tenter des combinaisons au pif pendant trois minutes. Cela reste un nouvel élément de gameplay qui s'ajoute aux autres et qui dénote d'une complexité cachée plutôt savoureuse. C'est ce dont on se rend notamment compte dans la seconde partie du jeu qui nous voit revisiter tous les donjons via un deuxième chemin (appelé Path B). Bien loin de la redite, ces deuxièmes voies offrent des pièces totalement différentes avec de nouvelles caractéristiques de gameplay (voyage en tapis volant, etc.) ainsi qu'un boss totalement inédit au bout ! Cette deuxième partie propose aussi au joueur d'enchaîner les donjons sans retourner en ville pour gagner des bonus cumulatifs à la fin de chacun d'entre eux et ainsi trouver plus d'argent et du matos de meilleure qualité. Le hic, c'est que non seulement vous ne choisissez pas dans quel donjon vous allez vous retrouver par la suite, mais en plus, votre équipement a une durée de vie très limitée et il faut prévoir des rechanges dans vos sacs.
Un aventurier, ça s'entretient
Car il y a beaucoup de choses que vous ne pourrez faire qu'une fois de retour en ville. Outre la réparation des objets, c'est ici que vous pouvez acheter des objets (utilisables un certain nombre de fois en donjon) mais aussi accepter de nouvelles quêtes secondaires et améliorer votre personnage. Concernant les quêtes, il faudra compter une cinquantaine de missions purement facultatives, mais loin d'être inintéressantes. D'une, elles vous invitent souvent à retourner dans les donjons pour découvrir des pièces que vous n'auriez pas pensé fouiller autrement. De deux, elles sont particulièrement bien récompensées, allant jusqu'à offrir de sublimes artworks, de l'expérience, de l'or et des points de compétences supplémentaires au joueur. Ces derniers vous servent à découvrir de nouveaux skills ou à améliorer votre perso via deux arbres distincts : l'un dépendant de votre classe et l'autre plus généraliste, accessible aux six types de combattants.
Si vous avez trois potes sous la main...
Si vous refaire une beauté tout seul dans votre coin est indispensable, les donjons de Dragon's Crown s'arpentent à quatre personnages. Pendant la première partie du jeu, il ne vous est cependant possible que de vous allier à des personnages IA que vous aurez ressuscités après en avoir retrouvé les ossements en donjons. Le désavantage, c'est que ces derniers ne gagnent pas de niveaux et ne peuvent pas réparer leur équipement, ce qui vous oblige à en retrouver de nouveaux (ce qui reste heureusement ultra fréquent). L'autre problème, c'est que l'intelligence artificielle a beau faire le nombre, elle ne reste pas très maline lorsqu'il faut éviter des pièges, voir certaines attaques de boss dévastatrices. Heureusement, vous pouvez jouer à quatre en offline dès le début de partie et débloquer les fonctionnalités online lorsque vous accédez aux Path B. Il est bien sûr autrement plus fun de jouer avec des humains (de surcroît, des amis), ce qui permet d'élaborer des tactiques plus efficaces, notamment contre les boss. De plus, vous obtiendrez des versions IA de tous les joueurs rencontrés en ligne (niveau et matos inclus).
Prouesse artistique
Parler de Dragon's Crown sans mettre en avant son univers serait une grave erreur. Comme je l'évoquais en préambule, le studio Vanillaware est connu pour le soin apporté à l'ambiance autour de son titre, qui passe tant par des éléments visuels que sonores. Dans les deux cas, il s'agit clairement d'une très grande réussite malgré un parti pris qui en étonnera plus d'un. Les décors dessinés en 2D sont tout bonnement magnifiques et mettent en avant un travail artistique d'une grande finesse grâce à de magnifiques effets d'ombres et de lumière. On a même parfois l'impression de voyager dans des tableaux. Mais le plus étonnant reste le design des personnages et monstres souvent ultra caricatural qui nous offre, entre autres, une amazone aux cuisseaux très musculeux ou une magicienne à la poitrine qui défie les lois de la gravité. Rien de graveleux, mais un second degré assumé saupoudré d'un véritable talent. D'un point de vue sonore, on retrouve des morceaux qui semblent parfois tout droit sortis de Muramasa, ce qui est bien évidemment plus qu'un compliment. Mais pour mettre les joueurs dans l'ambiance, il n'y a rien de mieux que la voix off qui nous suit pendant toute l'aventure, comme dans le jeu Bastion, et qui fait autant office de narrateur que de guide.
Une couronne bien méritée
Véritable bouffée d'air frais, Dragon's Crown est au final un titre atypique aux qualités indéniables. Tant par son univers que par son côté addictif, il parviendra sans mal à vous attirer dans ses filets. La quête du meilleur équipement, les deux modes de difficulté déblocables (dont un dernier bien hardos) ou encore son mode Arène PVP seront assez d'éléments pour vous tenir en haleine de longues heures, bien que la trame principale puisse aussi être terminée en à peine 20 heures pour ceux qui ne veulent pas s'embêter avec les nombreuses quêtes annexes. Quoi qu'il en soit, moi, je vous le conseille les yeux fermés.
Points forts
- Des décors à couper le souffle
- Un design inimitable
- Un gameplay addictif
- La narration inspirée
- Les musiques de haute volée
- Le pouvoir des runes
- Six classes très différentes
- Du challenge pour les plus patients
- De nombreux boss
- Jouable à quatre
- Un nombre infini de pièces d'équipement
Points faibles
- La maniabilité du stick droit pour les runes
- Parfois difficile de voir la position de son personnage
- Le online au bout de plusieurs heures de jeu seulement
Si le design volontairement grotesque de ces personnages aura pu vous faire rire, il ne faut pas qu'il cache le génie artistique de Dragon's Crown. Ces décors 2D et son design général vous transportent dans un autre monde du début à la fin. Une aventure qui transpire le travail soigné ponctuée par un gameplay frénétique, un challenge évolutif, de nombreux boss et la possibilité de jouer à quatre. Tout simplement excellent !