A l'évidence, les jeux d'horreur n'ont plus la même cote que par le passé. Les éditeurs semblent rechigner à mettre des moyens dans les productions de ce type. Difficile en effet de concilier investissement et ventes importantes lorsque l'on donne dans ce genre si singulier. En témoigne le relatif échec que fut récemment Dead Space et la réorientation qui s'en est suivie pour faire progressivement glisser les épisodes vers un résultat orienté action. Quant aux séries historiques telles que Silent Hill, elles peinent aujourd'hui à se renouveler et à rester convaincantes. Il faut souvent se tourner vers des jeux indépendants pour trouver matière à réellement se faire peur. Il reste toutefois une exception dans le paysage vidéoludique actuel. Elle se nomme The Evil Within.
Manette en mains – le choix n'était pas laissé – sur une version PC, nous avons pu jouer environ deux heures au titre développé au Japon par Tango Gameworks, studio dirigé par l'illustre Shinji Mikami. L'occasion de découvrir le début des chapitres 4 et 8. Rassurez-vous, pas de spoilers majeurs en prévision ici dans la mesure où nous avons eu nous-mêmes bien du mal à relier entre eux les quelques éléments du scénario auxquels nous avons eu accès. Néanmoins, ces deux passages nous ont permis de goûter à l'ambiance travaillée de The Evil Within et de comprendre les principales mécaniques du gameplay.
« Aziz, Light ! »
Ce qui frappe d'emblée lorsque l'on observe avec un peu de recul les extraits proposés lors de cette session de prise en main, c'est donc ce travail autour de l'ambiance. Tout est ici empreint de noirceur. L'espoir ne semble pas avoir sa place dans l'univers de The Evil Within. Comme un symbole, la lumière se fait rare dans le jeu. Pire, elle devient même votre ennemi lorsque vous l'utilisez à mauvais escient, alertant les créatures les plus infâmes aux alentours. Et pourtant, ce n'est pas l'envie d'allumer la lampe que Sebastian trimbale avec lui qui manque. En particulier dans ce chapitre 4. Vous devez en effet parcourir un village abandonné pour retrouver la patiente du médecin qui vous accompagne. Evidemment, la scène se déroule en pleine nuit par un temps que l'on qualifiera poliment d'anglais. Les baraques en bois se succèdent et il faut pénétrer à l'intérieur de chacune d'entre elles afin de trouver la jeune femme. Le tout en évitant d'attirer l'attention des créatures qui rôdent. Non pas parce que ces dernières sont effrayantes mais plutôt parce qu'il faut économiser ses munitions. Si Sebastian est équipé d'un flingue, d'un fusil à pompe, d'un couteau et même d'une arbalète, il ne possède pas des balles ou flèches en quantité suffisante pour allumer tous les ennemis.
Des influences multiples
Rapidement, ce chapitre 4 vous installe dans une sorte de routine. Vous ouvrez les portes, vous fouillez un peu partout et vous sursautez une ou deux fois. Mais la grande force des développeurs, c'est justement leur capacité à vous faire perdre brutalement vos repères. Subitement, la visite de l'un des lotissements se transforme en cauchemar. Alors même que le docteur et sa patiente vous suivent, vous vous retrouvez en proie à des sortes d'hallucinations qui vous font plonger dans un univers des plus glauques. L'angoisse monte alors crescendo. L'impossibilité de retourner en arrière, les couloirs toujours plus étroits, les murs suintant le sang et les tripes, les ennemis invincibles qui vous pourchassent, tout est fait pour vous mettre mal à l'aise. Et cela fonctionne plutôt bien. Difficile de ne pas penser à Silent Hill lorsque ce sentiment d'inconfort vous gagne. The Evil Within multiplie d'ailleurs les références vidéoludiques. Les développeurs se sont clairement inspirés de Resident Evil – Mikami oblige – mais aussi de la série japonaise Siren ou encore de FEAR. Le titre de Monolith a visiblement marqué le studio Tango Gameworks. A tel point que certaines scènes semblent directement sorties de ce hit de 2005.
Ruvik's Cube
Le chapitre 8 joue lui sur deux tableaux différents. Situons d'abord brièvement le contexte. Sebastian évolue à l'intérieur d'un vaste manoir au sein duquel il est rentré volontairement (le fou). Celui-ci est composé d'un nombre important de pièces plutôt bien éclairées. Rapidement, vous comprenez que pour progresser dans le niveau, il vous faudra résoudre une énigme en trois parties. Autant le dire de suite, celle-ci s'avère on ne peut plus gore. Pour faire simple, il vous faut réaliser différents tests – entendez par là, planter des vis – sur des cerveaux humains. Joie. Mais avant de vous lancer dans ces expérimentations d'un genre particulier, il vous faudra passer par de nombreuses salles renfermant toutes différents secrets. Certaines s'avèrent bien sûr plus dangereuses que d'autres. Au-delà de l'exploration, vous devez également faire face au fameux Ruvik qui hante les lieux par lesquels vous passez dans le jeu. Il s'agit là d'un personnage central de The Evil Within mais qui reste pour le moment assez mystérieux. Ce que l'on sait en revanche, c'est qu'un simple contact avec lui vous condamne à une mort immédiate. En l’occurrence, les développeurs se servent de cela pour vous mettre quelques sympathiques coups de pression. Ruvik apparaît ainsi de manière aléatoire dans le décor et vous chasse pendant quelques secondes. Pour le plaisir. Fuite effrénée garantie.
Le démon du jeu
The Evil Within s'avère plutôt habile dans sa manière de s'amuser avec le joueur. Tour à tour angoissante, effrayante, écoeurante, la production de Shinji Mikami réussit généralement dans son entreprise. La variété de situations proposées est plaisante. On ne sait jamais ce qui nous attend. En revanche, si les jeux de lumière sont intéressants, l'aspect technique laisse globalement à désirer. On peut même l'affirmer sans problème, c'est le point faible du titre. Le résultat n'est pas du tout à la hauteur de la nouvelle génération de consoles (ne parlons même pas du PC). Les textures bavent par exemple régulièrement. On sent également que le jeu peine quelquefois à se montrer à la hauteur de ses ambitions. Lorsque vous décidez de passer en mode infiltration – Sebastian marche alors de manière à rester silencieux –, les incohérences sont nombreuses. Le personnage qui vous suit partira parfois au milieu des ennemis sans que personne ne se manifeste. Vous serez aussi repéré de façon assez aléatoire. Des détails qui, à l'arrivée, peuvent vous faire sortir du jeu. Pour ce qui est du gameplay, tout semble ici maîtrisé et en conformité avec les attentes des joueurs d'aujourd'hui. Beaucoup plus mobile qu'un personnage de Resident Evil, le héros peut tirer en se déplaçant mais aussi cavaler lorsque le besoin s'en fait sentir. Il peut aussi désarmer divers pièges via des mini-jeux très simples ou fabriquer différents types de flèches pour son arbalète (électriques, explosives, gelées...). Par ailleurs, il a toujours sur lui des allumettes qui permettent de brûler les corps, histoire d'en finir définitivement avec une créature ou d'éviter tout problème avec un cadavre suspect. Pour finir, sachez qu'il nous est difficile de parler du système de progression dans la mesure où celui-ci n'était pas intégré à notre version. On sait juste qu'il faut ramasser dans le décor des récipients renfermant un liquide vert étrange. Bref, à suivre.
Via les deux extraits proposés lors de la session de jeu, The Evil Within a réussi à faire naître chez nous divers sentiments alternant en fonction des passages. Angoisse, dégoût, peur brute, tout y est passé. Un résultat rendu possible par tout ce travail fourni par Tango Gameworks pour installer une ambiance singulière. Ce qui n'empêche pas le studio japonais de s'inspirer ouvertement de quelques œuvres vidéoludiques et cinématographiques majeures. A commencer par FEAR et Silent Hill. Manette en mains, le plaisir était donc globalement au rendez-vous. Et ce, même si The Evil Within laisse comme un goût amer en raison de ses évidentes lacunes techniques.