Marchant dans les pas de jeux indépendants à vocation « auteurisante », Rain nous offre une sorte de conte monochromatique dont l’esthétique austère n'est finalement que le reflet d'une aventure placée sous le signe d'une tristesse ambiante. Pour autant, que cache véritablement ce rideau de pluie ? C'est ce que je vous propose de découvrir ci-dessous via un avis qui ne se veut nullement dogmatique. Si vous avez bien compris la nuance, vous pouvez pénétrer dans un monde où les larmes se perdent dans la nuit...
Rain part d'une problématique pour le moins usitée dans le monde du jeu vidéo. Ainsi, comment un jeu peut attirer un joueur sans pour autant lui révéler les tenants et les aboutissants de son histoire ? Par ses graphismes bien entendu. De fait, Rain opte non pas pour une esbroufe technique mais au contraire pour un visuel atypique se voulant à la croisée des chemins de la poésie et de la mélancolie. En résulte une ville d'inspiration européenne, noyée dans une esthétique grisâtre ne déviant de son parti pris assumé que dans de rares instants. Ce lieu va être le théâtre d'une course-poursuite entre un garçon, une jeune damoiselle et des créatures éthérées qui n'en restent pas moins dangereuses. Rain fait donc le pari quelque peu osé de miser essentiellement sur son ambiance et son gameplay en éludant volontairement toute explication scénaristique, du moins lors de sa première partie. En effet, une fois l'aventure terminée, vous aurez la possibilité de reprendre les 8 chapitres qui la composent afin de récupérer des souvenirs donnant l'occasion de mieux cerner le pourquoi du comment. C'est à mon sens la première erreur de ce titre.
Playin' in the rain
En effet, là où Braid (pour ne citer que lui) avait trouvé un parfait équilibre entre son gameplay inventif et sa narration à deux niveaux, Rain peine à convaincre autant dans un sens que dans l'autre. Pire, il délaisse sciemment la narration en privilégiant quelques textes épars affichés directement à l'écran et nous renseignant fugacement sur la situation ou les sentiments des deux protagonistes. Relativement maladroit dans le sens où la progression, n'offrant aucun challenge digne de ce nom, prime sur une dramaturgie qui nous aurait permis de ressentir de l'empathie pour les deux enfants. En somme, les deux éléments propres à un bon jeu vidéo sont ici rapidement dilués. Effectivement, nous forcer à reprendre une seconde fois le jeu pour comprendre ce qui s'est passé sous nos yeux est rendu caduc par le simple fait que la dimension ludique du titre de Acquire est toute relative. On subira alors plus qu'on ne s'amusera en essayant de dénicher les 24 « orbes de vérité ». Pourtant, Rain a pour lui diverses idées plutôt originales. La principale concerne la pluie qui, en plus d'apporter la mélancolie inhérente à l'aventure, sert le gameplay dans le sens où elle révélera les deux gamins qui ont pour eux d'être invisibles dès qu'ils se retrouvent au sec. Il vous faudra donc jouer avec cet élément pour passer au nez et à la barbe des créatures qui n'auront de cesse de vous traquer.
Metal Gear Liquid
Comme dans tout bon jeu d'infiltration, vous devrez analyser les mouvements des créatures pour passer, si je puis dire, entre les gouttes. Si au tout début, vous n'aurez qu'à aller d'une zone abritée à une autre pour redevenir invisible, il faudra ensuite faire attention à ne pas patauger dans la boue, ce qui vous rendra en partie visible, même au sec. Dans ce cas de figure, vous devrez alors trouver une flaque d'eau pour redevenir invisible. Mais attention, car en fonction des flaques (plus ou moins importantes), le fait de courir dedans pourra alerter les monstres. L'élément sonore sera donc à prendre en compte, ceci vous obligeant par exemple à certains moments à actionner un orgue de barbarie pour attirer le Diable, une sorte de Nemesis vous suivant d'un bout à l'autre de l'aventure. Du coup, en rajoutant quelques types de créatures dont une plus massive ayant pour elle de charger tel un tricératops ou des plus petites s'attaquant à leurs aînées, Acquire et PlayStation C.A.M.P ! avaient de quoi proposer une évolution intéressante d'autant qu'il vous faudra moins de quatre heures pour faire le tour de leur bébé. Malheureusement ce n'est pas vraiment le cas, les situations tournant rapidement en rond. Ici aussi, c'est clairement un problème d'équilibre dans le sens où certaines idées (comme celle de la créature nous offrant un abri mobile pour passer devant d'autres monstres) semblent exister non pas pour consolider la progression dans son ensemble mais pour apporter un tout petit plus au détour d'une séquence qui tombe un peu à l'eau, d'autant que la difficulté est tout simplement inexistante.
Quand y en a pluie, y en a encore ?
Comme nous l'avons vu plus haut, la durée de vie de Rain n'est pas vraiment aidée par sa rejouabilité car si l'aspect Collection est intimement lié à une meilleure compréhension du récit, l'aspect ludique du soft ne se montre pas suffisant pour légitimer une nouvelle partie. On regrettera alors que le challenge initial soit si faible. On trouvera donc d'autant plus ironique qu'il soit possible de profiter d'indices nous renseignant sur la marche à suivre puisque en règle générale, une seule solution à l'énigme proposée, qui plus est visible comme le nez au milieu du visage, nous est proposée. A ce sujet, on aurait aimé que la seconde partie de l'aventure, en compagnie de la fillette, ne soit pas simplement synonyme d'objets à pousser ou de courte échelle. Certes, celle-ci nous servira parfois de leurre mais cette composante ne servira pas suffisamment le gameplay pour l'enrichir comme elle le devrait. Au final, si Rain peut aisément se savourer une première fois, il ne possède pas le « je ne sais quoi » d'Ico qui en a fait un titre culte. Même son de cloches pour la bande-son optant pour de douces notes de piano mais proférant à l'ensemble un petit côté caricatural. On eut par exemple aimé davantage de silences, plutôt qu'une utilisation un peu abusive de certaines mélodies, parfois plus évocateurs et s'inscrivant d'autant plus dans la logique du jeu digne d'un film muet. Bien entendu, cet avis n'engage que son auteur et il se peut très bien que vous adhériez totalement au résultat en plongeant littéralement dans ce flot de sentiments nés d'un imaginaire séduisant. Il ne vous reste plus qu'à vous jeter à l'eau et à vous forger votre propre opinion...
Points forts
- Esthétique monochromatique soignée
- Bande-son reposante
- Gameplay très accessible
Points faibles
- Absence de dramaturgie dans la narration
- Manque d'empathie pour les personnages
- On est TRES loin de l'émotion véhiculée par un Ico
- L'obligation de reprendre une seconde fois le jeu pour cerner le scénario
- Aucun challenge dans la progression
- La durée de vie (environ 4 heures)
- Le rapport intérêt ludique / prix (13 euros)
Si Rain est loin d'être un coup d'épée dans l'eau, on peut se demander si nous n'en attendions pas trop. En effet, au-delà de son joli parti pris graphique et de sa bande-son relaxante, le jeu de Sony peine à véritablement émouvoir, la faute à une narration fantôme et à l'obligation de le reprendre, malgré un intérêt ludique fortement amoindri, pour en savoir davantage sur le scénario. En résulte un jeu certes poétique mais se complaisant dans une sorte d'enrobage volontairement flou d'où aurait sans doute pu émerger quelque chose de plus convaincant.