La portée d'une œuvre littéraire ne se calcule pas au nombre de ses pages, ni à la qualité de sa couverture ou à l'encre utilisée pour coucher les mots sur papier. L'implication du lecteur, son désir continu de tourner chaque page jusqu'à découvrir la fin de l'histoire, voilà ce qui fait le succès d'un livre. Il en va de même pour un jeu vidéo. Qu'il soit beau, minimaliste, long, court, peu importe. Ce qui compte c'est le ressenti du joueur et son implication dans ce qui lui est proposé. Il n'y a pas encore de mots pour décrire le genre auquel appartient Gone Home, mais pour en revenir à la littérature, Gone Home serait de l'ordre de la nouvelle – une nouvelle que l'on parcourt d'une traite mais qui marque durablement.
Laissons aux nostalgiques clamer aussi haut et fort s'ils le souhaitent que le jeu vidéo c'était mieux avant. Pendant ce temps, apprécions la variété que les titres actuels sont capables de livrer. D'un blockbuster sous adrénaline, à un jeu plus intimiste en passant par diverses expériences plus ou moins imagées, jamais les créateurs n'ont été aussi libres de s'exprimer qu'aujourd'hui. L'essor des plates-formes de téléchargement n'est évidemment pas étranger à cette pluralité des genres, elles qui permettent à bien des studios d'exister. Aujourd'hui, le coup de projecteur est mis sur Gone Home, un jeu qui n'aurait certainement pas pu naître il y a encore quelques années puisqu'il ne respecte en rien les codes du jeu vidéo traditionnel. Il n'y a pas de combat, pas d'action spéciale à effectuer, pas de puzzles à déjouer non plus, juste une maison à visiter. S'il ne suit pas les rouages habituels, il ne fait pourtant aucun doute que Gone Home est bien un jeu vidéo à part entière qui nous entraîne avec lui dans une histoire que l'on n'est pas près d'oublier.
Home, sweet home
Parler du scénario de Gone Home serait instantanément briser le cœur du jeu. C'est la découverte progressive de l'histoire qui sert de liant à toute l'expérience. Tout ce qu'il y a à savoir, c'est que le joueur incarne la jeune Américaine Katie qui rentre chez elle après un été passé en Europe. Au lieu de retrouver ses parents et sa petite sœur de 17 ans, Katie est accueillie par une maison désespérément vide. L'exploration de chaque pièce commence alors et au fil des documents trouvés, les morceaux du puzzle s'assemblent d'eux-mêmes pour permettre finalement de comprendre ce qu'il se passe avec la famille Greenbriar. L'immersion dans Gone Home se fait instantanément par le biais de deux moyens, le premier est la possibilité de manipuler un bon nombre d'objets pour les observer sous toutes les coutures. Que ce soit un simple vase sur le buffet ou une brosse à dents dans la salle de bain, il est possible de tenir et de faire tourner les objets pour les inspecter comme on pourrait le faire dans la vraie vie.
Back in the 90s
L'autre élément crucial qui donne tout son sel à Gone Home est l'important travail effectué pour nous plonger dans les années 90. L'histoire se déroule en 1995 et la maison regorge de références directes à cette époque. Les magazines qui traînent au salon, les posters qui ornent les murs de la chambre, les musiques qu'écoute la sœur, ou plus subtilement les fausses marques d'aliments dans le frigo, tout renvoie aux années 90. Le trait n'est jamais forcé ni grossi. On sent que les développeurs ont connu cette époque et d'une certaine manière, qu'ils prennent plaisir à y rendre hommage. L'ambiance créée est donc toujours juste, un qualificatif qui s'applique aussi à l'écriture, maîtrisée de bout en bout. Sans user d'autres artifices que son ambiance et son sens de la narration, Gone Home parvient ainsi à guider nos émotions – au point parfois de nous faire oublier le cadre du jeu. Au fil des découvertes, il arrive ainsi un moment où l'identification est telle que l'on se retrouve à poursuivre l'aventure non pas poussé par la curiosité de découvrir où l'histoire nous mènera, mais bien par le besoin de savoir ce qu'il est advenu de nos parents, de notre sœur, de notre famille. Peu de jeux réussissent ce tour de force. Gone Home y excelle en toute simplicité et c'est exactement ce qui fait de lui un grand jeu en dépit de sa brièveté - deux heures pour atteindre la fin sans se presser.
Gone Home a été testé en anglais. Une traduction française est disponible à condition de télécharger les fichiers sur Steam.
Points forts
- L'histoire d'une rare justesse
- Les années 90 comme si on y était
- L'exploration de la maison joue avec nos émotions
Points faibles
- Un peu cher pour seulement deux heures de jeu
- Il faut bidouiller pour avoir la traduction française
En marge de tous les blockbusters qui sortent régulièrement, Gone Home parvient à créer son propre buzz avec une proposition de gameplay toute simple : pas de combats, pas de puzzles, juste de l'exploration. Associée à une narration maîtrisée et à une ambiance 90's toujours juste, cette exploration donne lieu à une aventure atypique et touchante. Clairement, Gone Home ne parlera pas à tout le monde, mais les joueurs ouverts aux nouvelles expériences auraient tort de se priver.