Le monde des .hack est calqué sur le nôtre, à une exception près : en 2005, la quasi-totalité des systèmes informatiques mondiaux furent détruits par un virus, hormis l'OS Altimit qui devint de fait le standard sur le marché mondial. Ces changements entraînèrent une rapide évolution des technologies tout comme des habitudes de leur utilisation par le grand public. Les multiples événements contés dans le premier projet .hack – dont les principaux se trouvent fort heureusement résumés au fil du jeu – créeront aussi leur lot de changements. Résumer en quelques phrases l'intégralité du scénario de .hack//G.U est quasi impossible, tant le script est dense. Il est d'ailleurs hautement recommandé de s'être au moins documenté sur les prémices de cette nouvelle aventure avant de débuter, pour éviter d'être noyé dans la somme d'informations. Cet épisode-ci est de fait directement imbriqué avec l'anime .hack//Roots, comme vous en aurez un aperçu dans la séquence d'introduction.

Premier contact mouvementé

Dans le prologue, nous sommes aux commandes d'un joueur qui crée son personnage pour rentrer dans la toute nouvelle version de The World, sous-titrée R2. Il choisit un design masculin aux cheveux argentés, de stature moyenne, de classe Adept Rogue (une sorte de touche-à-tout) et nomme son avatar Haseo avant d'être aspiré dans le jeu. Fraîchement arrivé sur la ville-serveur (Delta) Mac Anu, il se fait aborder par un couple de joueurs qui se proposent de lui apprendre les bases du jeu et l'accompagnent dans une première mission de faible rang. C'est à l'issue de celle-ci que les inconnus dévoilent leur vrai visage : celui de PK (pour Player Killer), des joueurs spécialisés dans les attaques injustes envers les joueurs normaux, et desquelles ils tirent une passion morbide. Incapable de leur résister, Haseo se retrouve vite à terre. Avant d'expirer, il a tout juste le temps de distinguer un avatar étrange se défaire de ses assaillants. On retrouve Haseo huit mois plus tard, et quel changement ! Habillé d'une armure de haut niveau, il utilise ses lourdes armes pour se débarrasser seul et sans effort d'un groupe d'une dizaine de PK. Apparemment, son expérience de tantôt a laissé des traces, car il se montre très assuré, voire cruel, et se fait appeler The Terror of Death, un nom qui commence à être craint des utilisateurs malhonnêtes de The World. Il semble être à la recherche d'un PK nommé Tri-Edge, contre lequel il nourrit des griefs personnels. D'après ses dires, Tri-Edge aurait tué dans le jeu une de ses amies, Shino, ce qui l'aurait laissé dans un profond coma IRL. Alors qu'il affronte enfin Tri-Edge, le PK le met facilement au tapis et utilise un pompe-données, une attaque irrégulière qui déconnecte Haseo. Quelle n'est pas sa (mauvaise) surprise de découvrir, en tentant de se reconnecter, que toutes ses données de personnage durement accumulées ont tout bonnement disparu. Le choc passé, le voilà parti pour tenter de regagner son statut dans une aventure qui le mènera bien plus loin que le simple jeu.

MMOception

Le concept du joueur devant sa PS2 qui incarne un joueur fictif guidant son avatar virtuel dans un jeu vidéo ressemble furieusement à une mise en abyme, et entraîne un découpage en plusieurs phases. Haseo parcourt The World à la manière d'un MMORPG, il doit trouver des partenaires pour lui prêter main-forte dans ses quêtes en usant du roleplay, explorer des donjons, gérer son équipement. Au fil de son évolution, il aura accès à plusieurs villes-serveurs peuplées de joueurs virtuels avec lesquels il peut faire du troc ou simplement discuter. Dans chaque serveur, une porte du chaos sert de point de passage entre la ville accueillante et les niveaux ou autres donjons selon un système de mots-clés : en fonction des mots choisis, on ne rencontrera pas forcément le même environnement, le même climat ou encore les mêmes monstres et trésors. Ce n'est pas aléatoire, mais seules quelques séries de mots-clés (qu'il faudra apprendre via les discussions ou quêtes) donnent accès aux environnements spéciaux contenant des trésors puissants ou faisant avancer l'histoire, le reste étant majoritairement constitué de lieux lambda aux ennemis de niveau variable surtout utiles pour gagner de l'expérience. Lorsqu'il n'est pas connecté au jeu, le joueur derrière Haseo – dont on ne connaît pour ainsi dire rien – peut utiliser son système informatique pour consulter les dernières nouvelles, répondre aux mails des autres joueurs ou encore chercher des informations sur les forums de The World. Tout comme les amateurs de la série le feront certainement dans la vraie vie, puisque des connaissances encyclopédiques sont nécessaires pour comprendre le projet dans son ensemble.

Si le gros du déroulement du jeu n'a pas beaucoup changé depuis les premiers épisodes, celui-ci introduit quand même des différences notables. Sur le plan graphique d'abord, où des progrès importants ont été faits. Pour de la PS2 c'est plutôt beau, et les cut-scenes ou autres cinématiques toujours plus présentes utilisent un rendu anime-3D. En revanche, leurs designs sont un poil moins inspirés qu'auparavant, les extérieurs sphériques dans lesquels on pouvait se perdre ont laissé place à des lieux plus cloisonnés et relativement vides, et les détails graphiques sont moins nombreux. N'escomptez pas par exemple voir virevolter des lignes de codes dans tous les sens, The World R2 est certainement plus stable mais aussi plus lisse que la version 1. Les donjons, eux, restent fidèles à eux-mêmes, à ceci près qu'il faudra, pour ouvrir certains passages, récupérer ça et là des Chim-Chim, sortes de petites créatures qui s'enfuient dès qu'elles vous voient. Tout cela pour arriver, après moult combats au trésor de fin de niveau, généralement un objet rare ou une pièce d'équipement. Les quelques remaniements consentis sur le game design auraient donc pu être un petit pas en avant si les environnements avaient eu un peu plus de diversité.

On ne change pas (beaucoup) une équipe qui gagne

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Mais les plus gros ajustements viennent du système de combat, qui gagne en dynamisme comme en possibilités. En vous baladant dans les niveaux, vous pouvez désormais prendre les ennemis (visibles à l'écran) par surprise pour les assommer. Les aires de combat sont par contre désormais fermées par un champ de force, ce qui vous empêche de fuir sans utiliser un objet. Un choix assez douteux mais qui a toutefois l'avantage de limiter le nombre d'adversaires qui pouvait autrefois devenir rapidement insurmontable. Vous contrôlez un seul personnage (Haseo) tandis que vos deux compagnons sont gérés par l'IA, avec la possibilité de guider leurs actions automatiques ou de leur faire utiliser manuellement leurs techniques ou objets. Le bouton X permet d'utiliser les armes d'Haseo pour frapper les ennemis d'un combo, le bouton carré fait monter la garde du personnage pour limiter les dégâts tandis que les techniques spéciales sont utilisables par un raccourci paramétrable sur R1. C'est ici qu'on trouve les différences les plus notables. En puisant dans votre jauge d'SP, vous pouvez déclencher l'une des attaques spéciales que vous apprenez au fil des niveaux d'expérience, mais si vous parvenez à harceler un ennemi jusqu'à ce qu'il soit entouré d'un halo rouge, ces attaques deviennent des Rengeki beaucoup plus puissantes. Ces attaques spéciales font également monter une jauge de Moral partagée par le groupe, qui une fois pleine peut déclencher l'Awakening, une sorte de "limite" prenant la forme soit d'une augmentation des paramètres d'attaque et défense du groupe, soit d'une attaque puissante sur l'ennemi.

Si vous êtes un assidu de la série, vous remarquerez vite que le "pompe-données" (une attaque qui faisait beaucoup dans l'originalité du gameplay des premiers jeux) n'est pas présente ici. Plus question de passer du temps à récupérer les âmes virus pour progresser, mais le concept est toujours présent au sein d'un système de duels qui vient parfois prendre le relais pour briser la monotonie. Il s'agit cette fois de combats en solitaire contre un boss, plus orientés shoot'em up. Des combats par vraiment folichons, et qui tiennent finalement plus du détail de gameplay que d'une vraie fonctionnalité à mettre en avant. En revanche, toujours dans cette optique de donner un peu plus de diversité aux combats, la classe d'Haseo offre au personnage la possibilité d'utiliser plusieurs types d'armes en plus des doubles lames de départ, bien qu'une seule catégorie supplémentaire ne soit disponible dans ce premier volume, ce qui fait un peu cheap en attendant les suivants. Et en parlant de l'équipement, sa personnalisation gagne aussi légèrement en épaisseur puisqu'elle permet maintenant d'associer aux armes et armures divers bonus, comme des attaques élémentaires ou des augmentations de statistiques.

Au rayon des problèmes non réglés, la caméra fait toujours des siennes en lieux cloisonnés, et cause notamment une mauvaise appréciation des distances d'attaque durant les combats. L'ergonomie des menus aurait gagné à être mieux pensée, surtout dans la gestion de l’équipement entre les membres de l’équipe. Le fait que celle-ci soit construite non pas comme une équipe soudée classique, mais comme un regroupement de joueurs isolés vous oblige à leur offrir régulièrement des pièces d’équipement plus évoluées qu’ils équiperont seulement si elles surpassent leurs possessions actuelles. Comme les précédents jeux, celui-ci souffre d’une grande répétitivité. On suit un schéma trop évident : on vous envoie un mail pour vous indiquer un donjon, vous vous y rendez, assistez à quelques dialogues avec éventuellement un combat de boss, et vous recommencez. Les nombreuses cut-scenes ont l’habitude d’être un peu trop bavardes, en particulier quand elles concernent des choses triviales, mais c’est bien dans le but de ramener le joueur et son avatar à la réalité : il est par exemple amusant de comprendre quels êtres humains se cachent derrière les personnages, avec chacun leurs obligations. Ainsi, vous pourrez rencontrer un avatar partagé par deux sœurs, ou encore une « réincarnation » d'un ancien personnage, et il est bien possible qu'Haseo lui-même ne soit pas totalement inconnu des adeptes de la série.

Le concept sociologique

Comme le reste du projet multimédia, ce premier épisode de .hack//G.U traite du débordement du jeu vidéo sur la vie réelle des protagonistes. Si la plupart des joueurs rencontrés s'y investissent d'autant plus que la technologie rend l'expérience proche des sensations hors du jeu, d'autres y risquent véritablement leur vie. C'est le cas de ceux qui se retrouvent dans un coma avancé à cause d'une mauvaise rencontre in-game, mais surtout des héros du jeu qui n'hésitent pas à braver un danger moins virtuel qu'il n'en a l'air, poussant la témérité jusqu'à défier l'entreprise internationale CCcorp (qui renvoie au développeur du jeu CyberConnect2) connue pour ses actions expéditives à l'encontre de toute nuisance. Le fait que les doubleurs surjouent chaque événement à la manière de n'importe quel anime, alors même qu'ils se trouvent dans un simple jeu, ne fait que mettre en exergue la place disproportionnée que prennent parfois les MMORPG chez certains joueurs. Sous couvert d'un jeu heroïc fantasy classique, c'est donc bien une critique franche du monde vidéoludique dans son ensemble qui se met en place. Durant les phases hors-jeu, le joueur peut par exemple voir dans les nouvelles internationales un reportage vidéo sur les personnes qui utilisent The World pour fuir la réalité, entre autres faits-divers sordides souvent liés aux mondes virtuels ou aux guerres entre corporations.

Mais ce n'est pas le seul thème traité ici. Du fait des changements intervenus entre les deux versions de The World, l’ambiance générale du jeu s’est dégradée notamment sous l’influence des PK. Cela donne à Rebirth un ton plus sombre que la première série. Tout comme Haseo, dont la personnalité est bien plus égoïste, immature, solitaire et torturée que celle de Kite, le premier protagoniste. Le joueur anonyme qui le contrôle ne veut pas avoir d’interactions avec les autres, s’emporte pour un rien, et on sent bien qu'à travers son évolution, c'est encore une fois le passage de l’adolescence à l’âge adulte qu'ont voulu aborder les créateurs du jeu.

Doté d'un scénario et d'à-côtés moins superficiels qu'il n'y paraît, ce premier épisode est un bon jeu, à l’histoire assez complète même si ce segment ne constitue grosso modo qu'un tiers de l'ensemble du scénario. La cohérence du monde alternatif dépeint lors des phases hors-jeu est aussi pour beaucoup dans l’implication du joueur dans la protection de ce monde. Cependant, l'expérience de la première tétralogie impose la prudence quant à l'intérêt des épisodes suivants. Notez aussi que vous devrez impérativement posséder un bon niveau d'anglais pour profiter de la grande richesse des textes.