Un FPS se tenant lors de la Seconde Guerre mondiale, il y en a des caisses. Tous les événements de cet affrontement ont été mis en scène, avec plus ou moins de réussite, ce qui n’empêche pas d’irréductibles développeurs de jeter, encore une fois, leur dévolu sur ce marronnier. Enemy Front nous emmène revivre plusieurs missions sur les fronts européens de résistance, avec toujours, en point de mire, l’éradication totale de la menace nazie.
Fait marquant le plus représenté dans le jeu vidéo, la Seconde Guerre mondiale n’a quasiment plus de mystères. Pendant des années, les éditeurs ont redoublé d’effort et d’originalité pour replonger le joueur sur tous les fronts de ce conflit. Aujourd’hui, la source s’est totalement tarie, les idées manquant, l’originalité n’existe plus. Un postulat visiblement pas au goût de CI Games, qui planche depuis deux ans et demi sur Enemy Front. Le développeur polonais, qui n’a pas de grands faits d’armes à son actif jusqu’ici, mise énormément sur ce projet. Après y avoir joué, nous beaucoup moins.
L’idée de mettre Robert Hawkins, un correspondant de guerre américain, sur le devant de la scène avait de quoi séduire pourtant. On pouvait imaginer, outre le fait de manier les armes, participer à des activités parallèles liées à son métier, susceptibles de renforcer l’intérêt du jeu, voire du gameplay. Malheureusement, il n’en sera rien, Hawkins se transformant dès les premières minutes en soldat lambda, en héros solitaire. Malgré l’utilisation du CryEngine 3, on ne retrouve pas la qualité graphique d’un Crysis 2. Certes le décor des différents niveaux (campagne, neige…) est dépaysant, mais le souci du détail n’y est pas. Tout comme la finesse de textures renvoyant à un titre vieux de cinq ans. On n'en doute pas, les développeurs étaient certainement pleins de bonnes intentions pour nous emmener dans cette aventure, mais leur jeu, aussi sympathique soit-il, n’a pas les épaules suffisamment solides pour passionner ni immerger sur la longueur.
Les idées de variation de gameplay étaient pourtant bien là. Infiltration, sabotage, on nous promettait plusieurs manières d’aborder certaines situations. Mais encore une fois, la légèreté l’emporte. Oui c’est amusant de tirer sur des objets scintillants, marquant un point susceptible de déclencher des interactions (comme ce camion sans chauffeur qui viendra s’écraser sur des soldats planqués derrière des rondins de bois). Mais tellement prévisible… tellement facile. Au final, qu’il existe plusieurs façons de faire face à une situation, on s’en moque, le résultat finissant toujours par des échanges de feux nourris. Comme dans les bons vieux FPS. La subtilité promise vole en éclats, après chaque pas. Et parler d’infiltration alors qu’il est impossible de couper en rase campagne en sautant par-dessus une simple barrière, pour le côté stratégique, on repassera. Pis encore, Hawkins peut rusher au milieu de la map et rallier le prochain checkpoint, en passant au milieu des ennemis. Lorsqu’on voit cela, est-ce que sauver des types sur le point d’être exécutés vaut la peine de s’y attarder ? Certainement, puisqu’ils seront témoins de votre bravoure. Mais à terme, on s’en moque royalement, tant on déambule dans ces environnements sans challenge, et presque sans envie.
Enemy Front est plein de bonnes intentions on vous dit, mais derrière, cela ne suit pas. On le voit également en assistant au comportement ahurissant des Allemands, aussi habiles lorsqu’ils vous ont repéré, que tête en l’air lorsque vous déambulez au milieu de la map, totalement à découvert. On n’a pas essayé mais il est fort probable que danser la macarena sous les yeux d’un soldat posté sur un mirador, soit la plus belle preuve que ce jeu est bourré d’incohérences. Des problèmes que l’on retrouve également dans le rythme de l’action, totalement hachée, alternant entre calme plat et vagues d’ennemis sortis de nulle part. Que retenir d’Enemy Front au final ? Pas grand-chose, si ce n’est que ce FPS n’a pas su tirer avantage d’un scénario sortant un peu des sentiers battus. Ce correspondant de guerre n’est finalement qu’un soldat comme des centaines d’autres avant lui. L’action minimaliste, l’intérêt famélique et la réalisation datée ne resteront, eux, que les faits marquants de ce titre.
Enemy Front aurait certainement pu connaître un petit succès il y a quatre ou cinq ans. A l’époque où l’exigence n’avait pas encore atteint un certain paroxysme. Malheureusement, en 2014, et sur les « anciennes » consoles, Enemy Front paraît hors du temps, comme dépassé par une technologie galopante qu’il n’a su apprivoiser et chevaucher. Ennuyeux et sans enjeux malgré un bonne idée de départ, le titre de CI Games ne fera pas long feu sur le front où des FPS de qualité narrant la Seconde Guerre mondiale sont là depuis plus longtemps. Et bien meilleurs.