Se relever d'un faux pas n'a jamais été chose facile. Non seulement il faut faire un véritable travail sur soi pour comprendre ses erreurs, mais il faut aussi convaincre son public de cette prise de conscience et de l'apport engendré. Après sa sortie catastrophique en 2010, Final Fantasy XIV avait fort à faire pour remonter la pente. A Realm Reborn est-il vraiment le renouveau annoncé ?
Beaucoup d'entre vous se rappellent des excuses officielles de Square Enix quant à la sortie plus que controversée de Final Fantasy XIV. Un phénomène assez rare dans le métier pour être signalé, d'autant qu'il a été suivi par un changement radical d'équipe de production. Après trois ans de travail acharné, de bêtas et de retours de joueurs, A Realm Reborn a débarqué sur les étals dans... le capharnaüm le plus complet. Effectivement, Square Enix n'avait visiblement pas prévu l'affluence (pourtant prévisible au regard des précommandes) et il était parfois impossible de se connecter sur les serveurs pendant plusieurs heures. Toutefois, si je vous parle de ceci ici, c'est surtout pour vous dire que cet élément n'est pas pris en compte dans le test. Non seulement il s'agissait d'un problème éphémère (grandement réparé par la mise à jour du 4 septembre), mais de plus il n'influait pas sur les qualités intrinsèques du jeu.
Seconde naissance
Avant toute chose, commençons par l'histoire. En effet, A Realm Reborn ne se contente pas d'être une version refondue de FF XIV, mais en est plutôt la suite. Cinq ans après la catastrophe qui a vu Bahamut sortir de sa prison Dalamud pour raser pratiquement tout Eorzéa, vous vous réveillez du sommeil dans lequel on vous avait plongé pour survivre à ce cataclysme. Vous découvrez donc un monde qui s'est reconstruit sans vous, et votre période d'hibernation est un bon prétexte pour un long tutoriel sur lequel on reviendra. Ce démarrage en douceur vous est conté avec l'aide de nombreuses cinématiques, une constante pendant toute l'aventure. En effet, l'histoire principale de A Realm Reborn est très scénarisée, toujours un bon point dans le monde des MMORPG. Soit dit en passant, sachez que votre choix parmi les cinq races (Miqo'te, Roegadyn, Hyur, Lalafell et Elézen) n'aura aucun impact sur l'aventure. Il faut dire que la trame principale est plutôt stricte et ne diffère que très légèrement pour chaque personne selon la ville dans laquelle vous commencez, qui elle-même dépend de la classe que vous avez choisie parmi les huit proposées au départ (Archer, Pugiliste, Maître d'Hast, Maraudeur, Gladiateur, Elémentaliste, Occultiste et Arcaniste).
Apprends-moi à jouer
Le début de l'aventure ressemble à une sorte de grand tutoriel. Comme souvent dans les jeux du genre, on vous envoie d'un NPC à un autre pour apprendre les principes de base. D'ailleurs, il faudra bien une heure avant de taper votre premier monstre si vous suivez le fil normal des choses (vous pouvez à tout moment vous écarter de la quête principale). Régulièrement, vous pouvez aussi avancer une série de quêtes correspondant à votre classe, et qui vous amènent à battre un boss (parfois accompagné d'autres ennemis) dans une instance solo. L'avantage, c'est que les récompenses de ces quêtes sont plutôt généreuses en équipements spécifiques, voire même en compétences dédiées. Toutefois, il faut bien avouer que le fil de votre évolution est quelque peu fastidieux et qu'on aurait aimé que certains éléments se débloquent plus vite. La possibilité de développer une autre classe au niveau 10, les donjons au niveau 15, le chocobo au niveau 20 ou encore les jobs au niveau 30, sont des heures de jeu pendant lesquelles, mine de rien, l'excitation réelle engendrée par une véritable sensation d'avancée ne cache pas totalement une sensation de répétitivité des quêtes. Nous allons revenir sur ces différents éléments plus tard.
What's New Pussycat ?
Mais revenons un peu sur ce que nous propose FF XIV avant d'aborder le système de combat. Outre les quêtes classiques proposées par des NPC au hasard de votre aventure, vous aurez accès (à partir du niveau 10) à des mandats vous demandant par exemple de tuer certains monstres précis ou d'accompagner un NPC d'un point à un autre. Si vous êtes contraint par un timer, vous pouvez aussi régler la difficulté pour engranger un bonus d'expérience et de gils (monnaie du jeu). Généralement bien rémunérés, ces mandats possèdent tout de même une autre contrainte : il vous faut des autorisations pour y participer, ces dernières étant distribuées automatiquement à raison de 3 toutes les 12 heures. Vous avez aussi les « opérations de guildes » et les donjons, des instances de groupes qui relèvent plutôt bien l'intérêt. Les premières proposent généralement un thème précis afin de vous apprendre des techniques de jeu en groupe. Dans les donjons, vous allez souvent devoir utiliser lesdites techniques face à des ennemis fort belliqueux tout en exécutant des sous-missions pour arriver à vos fins. Trouver une clef, détruire des orbes, si ces objectifs sont en général sur votre route dans les premiers donjons, les choses se compliquent par la suite. L'avantage des donjons est surtout la présence des coffres dans lesquels vous pourrez trouver des équipements rares (via un système de roulette pour savoir qui aura le butin). Etant donné que ces coffres sont en général cachés en dehors de votre route, c'est à votre groupe de s'organiser et de décider s'il faut suivre l'objectif ou tenter les petits à-côtés. Le hic, c'est que vous avez un temps donné pour finir le donjon. Sinon ça ne serait pas drôle.
Enfin, toujours en ce qui concerne le leveling, gambader dans les plaines peut aussi être une bonne idée. En effet, vous obtenez rapidement un bestiaire qui vous récompense lorsque vous battez tous les monstres d'une zone (ce qui peut se faire pendant certaines quêtes). Vous pouvez aussi tomber sur des ALEAs, sortes d'événements qui se déclenchent automatiquement et auxquelles vous pouvez participer ou non. Si occire de la vilaine bestiole est très souvent le leitmotiv de ces ALEAs, elles offrent un bonus d'expérience non négligeable et surtout reproductible (contrairement aux quêtes et mandats), même s'il faudra souvent se balader et attendre pour tomber sur ces événements. En tout cas, personne ne crachera sur un élément spontané pour casser le rythme parfois classique de la trame.
Old-school
Car si le rythme se veut classique c'est aussi et surtout à cause du système de combat. Plutôt que de parler d'un réel point noir, c'est le manque de prise de risque qui pourra décevoir quelques joueurs. Bien que tous les MMO ne sont pas obligés de se plier à la loi du type « action » d'un TERA, la base du gameplay de A Realm Reborn souffre d'une certaine platitude qui tend vers la répétition mathématique et systématique des actions dans un ordre donné. Du moins dans un premier temps. Hormis l'ordre naturel de l'emploi des compétences, le seul élément important à gérer est la position de son personnage, que ce soit d'un point de vue offensif (bonus lors d'attaque sur le côté ou par derrière) ou défensif (pour éviter des attaques de zones). Pendant les 30 premiers niveaux, 99% des combats ont un intérêt quelque peu limité et seuls les mini-boss, boss et Primordiaux (invocations) viennent apporter du sel en demandant au joueur de jouer de façon bien plus tactique en prenant soin de gérer des minions pour affecter le pouvoir de leur maître par exemple. A vrai dire, il faut justement attendre le niveau 30 pour enfin voir A Realm Reborn évoluer en proposant des challenges bien plus corsés (notamment en donjons), mais aussi un gameplay plus fin et plus créatif grâce au système de jobs.
Et toi, à quoi tu joues ?
Une grande partie de l'intérêt de A Realm Reborn vient en effet de la liberté donnée au joueur de monter plusieurs classes avec un même personnage. Puisqu'il suffit seulement de changer d'arme pour changer de classe, vous pouvez soudainement lâcher votre archer niveau 42 pour entamer un pugiliste niveau 1, par exemple. Bien sûr, vos stats en prennent un coup et il vous faut monter cette nouvelle classe à peu de choses près comme vous avez monté la première (avec cependant un bonus d'expérience non négligeable). C'est long, parfois fastidieux, mais cela permet de débloquer des compétences qui seront utilisables même quand vous jouez une autre classe, vous permettant ainsi de faire le personnage de votre choix. Certes, vous êtes limité et ne pouvez pas posséder tous les skills de toutes les classes à la fois, mais en faisant les choix les plus opportuns, votre personnage devient plus efficace en combat. Ce système se développe ainsi lorsque l'on a atteint le niveau 30 dans une classe et le niveau 15 dans une classe secondaire, permettant, via quêtes, de découvrir un job. Par exemple, un joueur qui est arcaniste niveau 30 et occultiste niveau 15 peut débloquer le job d'invocateur et ses cinq compétences supplémentaires. En tout, ce sont 9 jobs qui s'offrent à vous pour le moment et sans aucun doute d'autres à venir via des mises à jour. Evidemment, c'est avec ces peaufinages que A Realm Reborn prend réellement son envol, ce qui se ressent notamment via une soudaine montée en difficulté des donjons, Primordiaux et autres quêtes et opérations de guildes, mais aussi grâce à une narration plus puissante qui flirte avec l'aspect épique des RPG solo avec un final en apothéose une fois le niveau 50 (le maximum actuel) atteint.
Faut bien manger ma p'tite dame !
Mine de rien, toutes les activités ne vous demandent pas de dépecer des chacals sauvages ou de bannir des démons ancestraux. Les disciplines de la terre et de la main regorgent en effet de métiers annexes qui peuvent aussi être montés niveau 50. Si les métiers de récolte, au nombre de trois, servent à récupérer des matériaux, les métiers d'artisanat utilisent souvent lesdits matériaux pour fabriquer des objets. Ces différentes activités nécessitent un stuff adapté offrant des bonus spéciaux, mais aussi des compétences débloquées grâce à l'expérience. Une vraie connaissance devient rapidement nécessaire pour être efficace et il ne suffit pas de cliquer sur un bouton pour produire ou récolter. Par exemple, le pêcheur devra trouver les bons coins pour dénicher les meilleurs poissons. Cela fonctionne de façon quelque peu similaire pour l'artisanat, réunissant des métiers dans lesquels on essaie souvent de produire un équipement de la meilleure qualité possible sans pour autant détruire les composants. Là aussi, des compétences vous permettent d'avancer dans votre office, en sachant qu'une meilleure qualité offre de meilleures récompenses mais engendre plus de risques lors de la création. Même si le système est sans aucun doute répétitif, il participe en très grande partie à l'économie des serveurs.
« Vous en avez pour votre argent »
Avec son contenu plutôt conséquent, il ne fait aucun doute que A Realm Reborn a un bon avenir sur le long terme. Bien évidemment, tous les éléments ne sont pas une franche réussite. Par exemple, le système de Grande Compagnie dans lequel on monte de grade pour s'acheter des équipements spéciaux via des tickets (qui fait office de monnaie supplémentaire) ne semble pas d'un grand intérêt. D'autres points doivent encore être améliorés, comme le système de guildes (appelées Compagnie Libres) qui manque encore de fonctions, la recherche automatique de groupes pour les instances qui trime comme jamais (1h30 pour trouver un groupe, c'est long) ou encore le PvP qui n'est même pas encore implémenté. Preuve qu'il y a encore de la marge. Mais cela n'a pas empêché Square Enix de travailler son end game avec un contenu plus qu'intéressant qui s'ouvre au niveau 50. Des donjons particulièrement ardus à faire à 8, les Primordiaux à refaire en mode Brutal (nouvelles attaques, difficulté hardcore) ou encore les armes légendaires de chaque classe, sortes de super-quêtes qui vous prendront des heures. Autant dire que vous en avez pour votre argent, ce qui n'est pas peu dire pour un MMORPG ni gratuit, ni free-to-play (abonnement à 12,99 €, hors offres).
Une réussite artistique
Pour changer, clôturons cet article par l'aspect technique, un élément dont A Realm Reborn n'a pas à rougir. Il n'est pas rare d'être impressionné par la taille des environnements et la profondeur de champ proposée, le tout soutenu par une remarquable fluidité. Le souci du détail rend chaque région, chaque ville unique et on peut se repérer assez facilement grâce au panorama engendré par ce monde qui prend vie. Le bestiaire a beau se répéter de temps en temps, il est loin de faire partie des plus faméliques. Mais c'est d'un point de vue musical que A Realm Reborn démontre une vraie supériorité face aux autres MMORPG, offrant des compositions de grande classe dignes de la série Final Fantasy. Souvent mélancoliques, les morceaux se rappellent à nous grâce à des mélodies puissantes qui se noient dans de longues compositions remarquables, sans être envahissantes. Bien évidemment, les combats ne sont pas en reste avec différentes musiques selon la situation. Les combats contre les Primordiaux sont sans aucun doute les mieux accompagnés, nourrissant ainsi la dimension épique. Par contre, un petit bémol pour certains effets sonores, notamment lors de l'utilisation de pouvoirs, dont la répétition risque de vous mettre sur les nerfs. Alors oui, on peut les couper, mais il faut quand même le signaler.
Points forts
- Le mélange des classes
- La liberté d'action
- Techniquement et artistiquement réussi
- Des thèmes musicaux pénétrants
- Les donjons de plus en plus complexes
- Les ALEAs qui cassent parfois la monotonie
- Un contenu fourni, surtout à haut niveau
- La narration de plus en plus prenante
- Les combats contre les primordiaux, épiques
- L'artisanat et la récolte
Points faibles
- Très, trop long à révéler sa vraie nature
- Un gameplay qui manque de prise de risques
- Quêtes trop classiques en dehors des instances
- Recherche automatique de groupes pas assez performante (surtout en tant que DPS)
- Abonnement quand même un tout chti poil cher (sans être scandaleux)
Final Fantasy XIV : A Realm Reborn est un titre qui a beaucoup à raconter. Rarement un MMORPG aura possédé une trame scénaristique aussi forte tout en proposant une telle liberté au joueur. Autant adapté au grand public qu'aux férus du genre, il propose un contenu impressionnant et le monde semble encore s'ouvrir aux joueurs une fois le niveau maximum atteint. Pouvoir jouer toutes les classes avec un seul et même personnage tout en pouvant légèrement mélanger les compétences offre des possibilités de personnalisation indéniables. Toutefois, l'âme du jeu met très, très longtemps à se développer et les heures passées à monter sa classe (ou à monter une nouvelle) auraient pu être plus intéressantes avec des idées fraîches pour le système de combat ou pour les quêtes hors instances. Quoi qu'il en soit, A Realm Reborn a vraiment bénéficié d'un très gros travail de la part de ses concepteurs et cela se ressent dans chaque compartiment de jeu. Avec un peu de patience, il y a peu de chance que vous regrettiez votre achat.