Daedalic offre une suite au très plaisant Les Chaînes de Satinav, replongeant une fois de plus les joueurs dans l'univers du RPG papier L'Oeil Noir. Un second opus qui se targue de gommer certaines errances de son prédécesseur et surtout de nous offrir une bien belle histoire de princesse maudite...
Avant toute chose, il convient de prévenir les lecteurs non avertis qui se seraient perdus sur cette page : Memoria est la suite directe des Chaînes de Satinav et s'il est possible d'y jouer sans avoir touché au premier opus, on le déconseille évidemment. De même, si vous ne souhaitez pas vous faire spoiler, évitez la lecture des quelques lignes qui vont suivre. Memoria débute donc après le tragique final de Satinav, le plus aguerri mais toujours fort contrarié Geron cherchant désespérément un moyen de rendre à Nuri sa forme humaine après sa malencontreuse transformation en piaf. C'est dans ce but qu'il fait la connaissance d'un certain Fahi, prétendant pouvoir renverser le sort à condition que Geron l'aide à résoudre une énigme ancestrale, celle qui révélera le destin d'une princesse oubliée de tous, ayant vécu quelque 400 ans plus tôt... Flashback. Le joueur fait rapidement la connaissance de Sadja, héritière sans trône désireuse de laisser une trace dans l'Histoire. Voilà le devenir de Geron et de Nuri intimement lié à celui de Sadja dont on déroulera l’existence à l'occasion de multiples évocations, le joueur évoluant tantôt dans le présent de Geron, tantôt dans le passé de Sadja, une héroïne à laquelle vous aurez tôt fait de vous attacher.
« A La Poursuite du Rubis Rouge »
C'est d'ailleurs une bonne chose car il faut admettre que l'histoire de Memoria peine un peu à se lancer, l'intérêt du joueur étant en bonne partie maintenu par le personnage de Sadja. Fort heureusement, après un démarrage un peu longuet, la narration finit par trouver sa vitesse de croisière et c'est avec un abandon volontaire et complice qu'on se laisse embarquer dans cette recherche des traces du passage de Sadja, une histoire faite de magie, de démons et de divinités peu accommodantes avec les mortels. Memoria finit par peindre une toile fascinante et parfois même émouvante, ce malgré des personnages secondaires manquant un poil de charisme (et des doublages pas toujours très convaincus), Geron lui-même n'étant pas un modèle de personnalité forte, cédant la place sur ce terrain à Sadja et à son acolyte au sujet duquel on ne dira mot, si ce n'est pour le comparer à une sorte de Wheatley de Portal 2 en plus tragique. En dépit de quelques problèmes de rythme, la trame de Memoria a donc toutes les chances de séduire l'amateur de contes et de belles histoires propres aux jeux d'aventure, avec en prime un final très bien mené.
Sortilèges et cordelettes
Une bonne histoire dans un point'n click, c'est déjà au moins 50 % du boulot assuré, ça tombe bien, côté énigmes et puzzles, Memoria s'en sort pas mal. A l'image de son prédécesseur, le soft fait preuve d'une certaine adaptabilité, les plus aguerris pouvant s'en remettre uniquement à leurs capacités et aux maigres indications fournies par l'observation, quand les moins téméraires opteront pour la possibilité de mettre en surbrillance les zones interactives et la consultation d'indices dans le journal. Memoria a de plus le bon goût de ne pas inonder le joueur d'objets inutiles à trimbaler pendant des heures, sans pour autant trop lui simplifier la tâche. La plupart des puzzles se révèlent bien pensés, comprenez qu'ils offrent un challenge relevé mais ne devraient pas vous rendre fous parce que vous avez testé 89 combinaisons d'objets différentes. Là encore, on mettra toutefois un petit bémol en ne passant pas sous silence la présence de quelques étrangetés et énigmes dont la logique aura tendance à échapper au joueur même une fois qu'il les aura résolues, parfois un peu au petit bonheur la chance. Des moments de faiblesse dans la progression qui participent à leur façon aux quelques problèmes de rythme du jeu. Pas de quoi gâcher le tableau d'ensemble cela dit, et on apprécie malgré tout la variété des situations et mécanismes mis en œuvre, notamment le recours aux pouvoirs magiques de Geron et de Sadja, utilisés intelligemment et qui sont souvent le truc bête auquel on avait oublié de penser. A titre informatif, Geron est toujours capable de réparer ou de détruire des objets mais également de voir les traces laissées par un enchantement. Sadja pour sa part peut activer ou désactiver des items magiques, pétrifier (ou l'inverse) de petits êtres vivants et surtout envoyer des visions à un personnage en mobilisant un sort et trois objets présents sur le tableau en cours, une aptitude qui donne lieu à quelques puzzles qui sortent un peu de l’ordinaire.
Paint'n click
Une belle histoire, des mécaniques fourbes mais globalement justes, il ne reste plus qu'un joli décor que Memoria parvient à dresser sans problèmes. Les Chaînes de Satinav nous avaient déjà séduits avec des tableaux réalisés à la main, Memoria réitère en toute logique le procédé, avec succès, alternant lieux intimistes et environnements plus épiques, essentiellement dans l'exploration de la vie de Sadja. Le rendu fait toujours son petit effet. Principale différence avec l'opus précédent : l'animation a été retravaillée. D'une part l'environnement compte quelques éléments mobiles supplémentaires, mais les personnages ont également gagné en relief, profitant d'une gestuelle plus fournie, mais pas encore des plus naturelles. On s'en satisfera, plus déconcertés par des doublages qui auraient mérité un peu plus d'engouement et surtout par l'obligation de suivre l'aventure intégralement en anglais, voix et sous-titres. De quoi rebuter un paquet de joueurs potentiels qui auront le plus grand mal à profiter du principal intérêt du jeu : son histoire.
Points forts
- Le rendu graphique et la direction artistique qui font toujours mouche
- L'histoire de Sadja la princesse maudite
- Deux époques qui s'entremêlent parfaitement
- Les énigmes assez corsées mais justes
Points faibles
- Intégralement en anglais (ou allemand mais bon...)
- Une poignée de puzzles à la logique discutable
- L'animation robotique
- Les personnages secondaires un peu trop plats
Avec Memoria, Daedalic signe une suite maîtrisée du déjà sympathique Les Chaînes de Satinav. Outre son style graphique qui nous fait traverser de véritables tableaux réalisés à la main, Memoria enchante surtout le joueur en lui racontant un conte fantastique et touchant, malgré un démarrage un brin longuet. Une belle histoire servie par des puzzles intelligents en dépit de quelques errances éparpillées ça et là. Il est cependant regrettable que le jeu fasse totalement l'impasse sur la langue de Molière, point qui sera rédhibitoire pour quantité d'acheteurs potentiels.