Fondé fin 2005, le jeune studio Imageepoch s’est spécialisé dans le RPG et, en huit ans, a édité plus de nouvelles licences que Square Enix sur la même période. Cette volonté louable de proposer des titres originaux plutôt que d’exploiter des séries jusqu’à la corde donne-t-elle pour autant de bons résultats ? Pas totalement, comme le démontre Sands of Destruction, qui ne convainc qu’en partie.
Une équipe de choc aux commandes
Les bonnes fées semblent s’être penchées sur le berceau de World Destruction, renommé Sands of Destruction pour sa sortie américaine. Plus particulièrement, un brillant trio se retrouve aux postes clés : Masato Kato, Yasunori Mitsuda et Kunihiko Tanaka. Soit, les scénariste, compositeur et character designer de Xenogears et Xenosaga, les deux premiers ayant en outre œuvré sur Chrono Trigger et Chrono Cross. Une autre partie du staff a également travaillé sur Grandia ou Drakengard. On a vu pire comme références. Associés à la volonté du studio de créer un RPG marquant, ces différents talents avaient de quoi rendre le projet exaltant. Mais le résultat s’avère plutôt mitigé.
Le Front d’Annihilation du Monde
Le début est pourtant prometteur. Dans un monde dans lequel le sable remplace les océans, les êtres humains sont opprimés par les Ferals, des hommes-bêtes, eux-mêmes dirigés par une dizaine de Beast Lords, des rois disposant de pouvoirs politiques et personnels étendus. Deux groupes d’humains luttent pour leur liberté : les Golden Lions et le très radical Front d’Annihilation du Monde, emmené par Morte – surnommée « Scarlett Pleague » – une jeune fille au fort caractère et obsédée par l’idée de tout détruire. On suit les pas de Kyrie, un héros de RPG a priori ultra-cliché, puisqu’il vit paisiblement à l’écart de tout dans un petit village isolé et qu'il s’avèrera en fait doté de grands pouvoirs et d’une destinée à accomplir, ce qui a déjà été vu 100 fois. Mais, ici, notre héros doit détruire le monde. Il commence sa carrière en réduisant à néant sans le vouloir son village et en tuant tout le monde, son oncle et le gentil roi local y compris. Repris en main par Morte, notre héros se lance alors dans une quête pas franchement appréciée par le pouvoir en place, dont le but est d’annihiler tout ce qui existe. Rien que ça. Ce point de départ original ne tiendra cependant pas toutes ses promesses. Si l’histoire est plaisante et fait la part belle à de grands thèmes majeurs (racisme, libre arbitre, amitié, etc.), de nombreux points importants ne trouvent pas de résolution satisfaisante, les thèmes abordés ne le sont pas en profondeur et les événements semblent s’enchaîner un peu trop rapidement et facilement pour être tout à fait crédibles, la fin étant en outre complètement bâclée. On a l’impression, assez irritante, que les développeurs ont été effrayés par les possibilités qu’offrait un tel sujet et ont préféré rentrer dans les clous, en évitant soigneusement tout ce qui pourrait être dérangeant et donc intéressant. Autre problème, les deux personnages principaux. Alors que les compagnons, alliés et antagonistes sont globalement très réussis, Kyrie et Morte se révèlent énervants au possible. Kyrie, car il est mou et dénué de charisme, y compris lorsqu’il passe en mode « super Kyrie ». Morte, car elle ne fait que beugler – il n’y a pas d’autre mot – qu’elle va détruire le monde, sans que l’on sache jamais ce qui la motive, ce qui se révèle usant à la longue. S’agissant des deux héros, c’est tout de même embêtant. Ces défauts sont d’autant plus visibles que l’histoire et, donc, les protagonistes occupent une place prépondérante dans le déroulement du jeu.
Un joli écrin bien encadré
Sands of Destruction est, en effet, des plus dirigistes, sans être non plus totalement linéaire. Ce n’est pas forcément un défaut en soi, mais cela risque de refroidir les amateurs de liberté. L’exploration du monde est limitée et conditionnée par l’évolution du scénario. Impossible de sillonner la carte, on ne peut que valider les destinations. Les quêtes annexes, peu nombreuses, ne seront réalisables que dans la dernière partie du jeu. Fort heureusement, le monde à parcourir se révèle très agréable. En effet, outre un character design des plus plaisants, pour les personnages comme pour les ennemis, le titre d’Imageepoch bénéficie d’une réalisation impeccable. Le studio a fait le choix de décors en 3D tous plus colorés, fins et détaillés les uns que les autres, que l’on peut admirer sous tous les angles grâce à la caméra orientable. Les personnages, en sprites 2D, sont également réussis et s’intègrent bien dans les environnements variés du soft, à la manière d’un Grandia. Par ailleurs, pour pallier la sobriété un peu austère de la carte, l’écran du haut affiche de belles illustrations des lieux à visiter, à la manière de Suikoden Tierkreis. De même, les décors des écrans de combat sont souvent magnifiques. L’animation des personnages est aussi très réussie, qu’il s’agisse des actions de combat comme des attitudes, très variées, lors des dialogues. Tout est fluide et sans défaut, à l’exception d’une petite chute de framerate contre l’imposant boss final, mais rien de bien méchant. Visuellement, le jeu est impeccable... à l’exception notable de la scène d’introduction en images de synthèse, qui jure un peu avec le reste, tant visuellement que par son ambiance. Côté musiques, Mitsuda a fait du bon travail et ses morceaux collent parfaitement aux lieux traversés ou aux événements. Néanmoins, si elles sont toutes agréables, aucune piste n’est vraiment marquante comme ont pu l’être celles de Xenogears ou Chrono Trigger. A l’exception peut-être du sublime Time’s Arm, le thème de l’écran titre. D’un point de vue technique, visuel comme audio, Sands of Destruction frôle le sans-faute. Frôle seulement, car la version américaine vient tout gâcher. En effet, si la traduction est plus que correcte, il n’en va pas de même des doublages, absolument désastreux. La plupart des voix ne correspondent pas aux personnages. La palme du grand n’importe quoi revient aux doubleurs de Taupy et Naja, complètement à côté des personnages. Et, malheureusement, cela nuit beaucoup à la crédibilité des nombreux dialogues et rend les interventions vocales pénibles à supporter lors des combats.
Tout est affaire de combos
Les combats, parlons-en, car il s’agit d’un point essentiel du jeu. Omniprésent même, serait-on tenté de dire, tant leur fréquence est importante. Pas moyen de faire trois pas sans en déclencher un aléatoirement, ce qui finira par crisper les joueurs les plus patients. Fort heureusement, ils sont particulièrement soignés. A première vue, il s’agit d’un banal tour par tour basé sur le moral. Cependant, une foule d’éléments réjouissants vient relever l’intérêt. Tout d’abord, des points de bataille définissent le nombre d’actions que chacun peut accomplir par tour et se cumulent au fur et à mesure que l’on agit. Le nombre de points disponibles au début de chaque tour dépend du moral, mais également de l’équipement porté par le personnage. Celui-ci dispose de plusieurs types d’actions. Outre les classiques objets et magies, il y a également différentes sortes d’attaques : puissantes ou rapides, au sol et en l’air. Car le combat peut se dérouler sur deux niveaux, les deux écrans étant utilisés selon que vos ennemis ont les pieds sur terre ou volent. A chaque écran son type d’attaque. Les attaques rapides permettent en outre des enchaînements, qui font gagner des points de bataille. Un enchaînement d’une trentaine de hits permet ensuite d’engranger ces points et de déclencher des attaques spéciales nécessitant d’entrer une combinaison de touches pour libérer toute leur puissance. Pour pouvoir enchaîner ces attaques, il est nécessaire d’en associer plusieurs de type rapides, nommées flurry, via le menu de personnalisation et l’utilisation des points de compétences gagnés à chaque fin de combat. A terme, vos personnages deviennent de véritables machines à détruire du monstre. Autre point qui a son importance, les « quips », des phrases que chaque personnage va apprendre à un moment du jeu et que l’on pourra ensuite lui associer, afin qu’elles se déclenchent en cours de combat pour apporter différent bonus. Par exemple, lorsque Taupy prononce la phrase « I’m a professional » en fin de combat, votre expérience est doublée. Ces bonus peuvent s’avérer importants, notamment quand ils boostent la force, la défense ou l’agilité. Une fois maîtrisé, le système de combat se révèle redoutable. Trop peut-être, car avec l’équipement optimisé et les flurrys liées, les affrontements sont d’une simplicité presque enfantine, y compris contre les boss. A l’inverse de nombreux RPG, plus on avance, plus le jeu devient facile, ce qui a de quoi surprendre et n’aide pas à prolonger la durée de vie limitée du titre, qui se termine en 30 heures à peine. Heureusement, les donjons comportent leurs lots d’énigmes, parfois corsées, qui relèvent un peu la difficulté et donc le temps passé à les résoudre. Mais, là encore, il semblerait qu’Imageepoch ait mal dosé les ingrédients de son jeu.
Points forts
- Le postulat de départ : détruire le monde, yeah !
- Un monde original et sympathique
- De jolis graphismes
- Un character design agréable
- Un système de combat très complet et accrocheur
- Des énigmes sympathiques dans les plus gros donjons
- L’utilisation des deux écrans lors des affrontements
Points faibles
- Un scénario mal développé et exploité
- Les deux personnages principaux irritants
- La trop grande fréquence des combats aléatoires
- Peu de quêtes annexes
- Une durée de vie limitée
- Un doublage anglais peu convaincant
- Pas d’utilisation du stylet
« Bien, mais peut mieux faire », tel est le sentiment qui se dégage de Sands of Destruction une fois terminé. Doté d’une très bonne réalisation et bourré de bonnes idées, le jeu n'exploite cependant son potentiel qu’à moitié et souffre de quelques défauts gênants. Au lieu d'être un très bon titre, Sands of Destruction n’est au final qu’un petit RPG sympathique. Dommage, même si ce n’est déjà pas si mal.