Sorti en 1995 sur une Super Nintendo en fin de vie, Super Turrican 2 est à ce jour l’ultime épisode dans la série mythique créée par Manfred Trenz en 1990. Diverses suites, dont un certain Turrican 3D, n’ont (heureusement ?) jamais vu le jour. Ce qui devait être le point culminant de la série divisa pourtant les fans de la première heure. Retour sur ce magnifique jeu d’action passé inaperçu alors que les joueurs du monde entier avaient déjà les yeux tournés vers la PlayStation et la Nintendo 64.
L’histoire de Super Turrican 2 nous est contée via des scènes cinématiques en 3D précalculée du plus bel effet, à la manière des intros des jeux DMA Design/Psygnosis sur ce bon vieil Amiga (Shadow of the Beast II, Awesome et compagnie). Comme vous vous en doutiez déjà, il s’agit une fois de plus de sauver le monde. Les hordes de La Machine sont en effet de retour et anéantissent planètes et civilisations sans rencontrer la moindre résistance. Des appels de détresse parviennent jusqu’à l’USS Avalon, vaisseau de guerre de l’United Freedom Forces, qui envoie trois chasseurs à la rescousse. Le passage par un trou noir, nécessaire pour atteindre la galaxie attaquée, ne se déroule pas comme prévu. Seul un des trois chasseurs en ressort, endommagé, avant de s’écraser sur une planète désertique. Le pilote survivant, équipé de sa combinaison Turrican, va lutter seul contre les hordes de La Machine.
Evolution notoire du gameplay
Les premières minutes de jeu suffisent pour comprendre ce qui a tant déstabilisé les fans de la série, connue pour ses vastes niveaux aux chemins multiples que l’on pouvait explorer en long, en large et en travers, et dans lesquels on prenait plaisir à se perdre. La progression est ici linéaire, et à ce titre lorgne plutôt du côté de jeux « run and gun » tels que Contra 3. Il y a certes toujours des passages secrets et des vies à collectionner, mais l'exploration est beaucoup moins présente. Les niveaux sont pour la plupart très courts, et portés sur l’action. Notons que cette tendance avait déjà été amorcée dans Turrican III sur Amiga. Précisons tout de même que le jeu n’en est pas bourrin pour autant. Pas question de courir et tirer dans le tas. Le joueur devra souvent temporiser, observer les déplacements et attaques des différents types d’adversaires, et surveiller son niveau d’énergie. La difficulté est parfaitement dosée, le joueur progresse au gré des parties malgré l’absence de sauvegarde ou de mot de passe. Une fois tous les éléments maîtrisés (ce qui prendre du temps), le jeu se termine en une heure environ.
Une mise en scène spectaculaire
La force de Super Turrican 2 réside dans sa mise en scène. Il y a énormément de variété dans les situations rencontrées. On se retrouve tour à tour suspendu à un vaisseau, sur le dos d’un ver de sable en mouvement, empêtré dans une toile d’araignée géante, à courir sur un vaisseau interstellaire ou à sauter d’un missile balistique à un autre ! Les déplacements se font à pied, mais aussi via divers véhicules volants ou sous-marins. Le jeu passe parfois en vue 3D « de derrière » ou semi 3D à la « Axelay ». Est-il utile de préciser, enfin, que les batailles contre les boss de fin de niveau sont absolument épiques ? On en prend plein les mirettes, la Super NES est vraiment poussée dans ses derniers retranchements. Manfred Trenz n’a pas bossé sur le projet (sans doute accaparé par « Rendering Ranger R2 », toujours sur SNES), mais les gars de Factor 5 ont clairement du talent à revendre : scrollings parallaxes multiples, sprites gigantesques, backgrounds animés, déformations, zooms, rotations, et le tout sans aucun ralentissement (sauf lors de l’utilisation des super-bombes, bizarrement). Vraiment, même après toutes ces années, la réalisation graphique force toujours le respect et lorgne presque du côté des prouesses de la Neo Geo, c’est dire ! Reste qu’à vouloir toucher à tout, le jeu finit par diluer ce qui fait l’essence de la série. Les phases à pied sont pour la plupart réussies, mais les niveaux « shooter » font un peu pièces rapportées, et ressemblent plus à des démos technologiques ou à des mini-jeux souvent simplistes et à la jouabilité approximative (la faute à des contrôles souvent trop sensibles). Ce fait est assez flagrant lors du niveau « à la Axelay ». Ce dernier n’est pas foncièrement mauvais, et graphiquement plutôt réussi, mais on reste bien en deçà du jeu suscité.
La combinaison Turrican et le grappin
L’équipement de la combinaison Turrican a légèrement évolué depuis l’épisode précèdent. On retrouve bien entendu le faisceau glacial ainsi que la possibilité de se transformer en roue. Les armes sont toutefois moins nombreuses mais restent assez impressionnantes – mention spéciale pour le laser et le lance-flammes. La grosse nouveauté est bien entendu le grappin (déjà aperçu dans Turrican III) permettant au joueur de s’accrocher aux murs et plafonds, mais aussi de récolter des bonus hors de portée. Malheureusement, la maniabilité de ce nouveau joujou n’est pas sensationnelle et nécessitera un certain temps d’adaptation. Les déplacements suspendus au plafond ne présentent guère de problèmes, mais grimper une paroi verticale est beaucoup plus fastidieux. Et ne parlons pas de l’acrobatie qui consiste à se pendre sous une plate-forme, se balancer puis se jeter pour atterrir SUR la plate-forme. Cette galipette horripilante est pourtant parfois nécessaire pour progresser ou ramasser certains bonus.
Une bande-son réussie mais plus sobre
La série Turrican est bien entendu renommée pour les compositions musicales de Chris Hülsbeck. Celles du premier Super Turrican sur Super NES étaient particulièrement marquantes et parmi les plus réussies de la série. Là encore, les fans risquent de se retrouver désemparés. La musique du jeu est certes réussie, mais plus sobre, atmosphérique, oppressante, et à des années-lumière des mélodies enjouées et épiques des épisodes précédents. Toutefois, elle remplit parfaitement son rôle de bande-son de jeu, mais ne s’écoute pas pour le plaisir sur son lecteur MP3. Par ailleurs, les quelques morceaux plus pêchus et très « techno des années 90 » faisaient sans doute modernes à la sortie du jeu, mais ont paradoxalement mal vieilli par rapport aux mélodies et sonorités typées années 80 des autres épisodes. Les bruitages, eux, sont magnifiques, rien à redire de ce côté : bruits des armes, voix digitalisées et explosions répondent tous à l’appel et sont parfaitement réussis. Notons enfin que Super Turrican 2 est l’un des rares jeux SNES à proposer du son surround Dolby Pro-Logic.
Points forts
- La réalisation technique impressionnante
- La mise en scène
- La variété des situations rencontrées
- La difficulté parfaitement dosée
Points faibles
- La progression souvent linéaire
- Les niveaux de petite taille
- Les passages « shooter » anecdotiques
- La maniabilité du grappin perfectible
- La musique plutôt sobre pour un Turrican
Les fans de la série seront forcément déçus par les niveaux courts, linéaires et portés sur l’action, et ils enlèveront sans doute un point à la note en jugeant le titre comme un Turrican juste "bon". Il faut pourtant reconnaître que Super Turrican 2 est un excellent jeu d’action. Sa réalisation technique est impressionnante, sa mise en scène spectaculaire, et sa difficulté parfaitement dosée. On note simplement des petits soucis de maniabilité avec le grappin, et des niveaux « shooter » un peu anecdotiques.