Il ne surprendra personne que le succès de Skylanders fasse des émules. Mais observer un mastodonte comme Disney et son incroyable catalogue de licences se lancer dans la danse, ça n'a pas de prix. Sauf quand c'est pour rater le coche de la sorte.
Quand on parle de jeux vidéo Disney, les joueurs sont d'habitude plutôt confiants. Alors que tant de licences ont été massacrées sans vergogne sur nos consoles, le géant américain a toujours eu conscience de son image sur tous les tableaux et s'est investi sur le sujet très tôt. Certes, il y a quelques moutons noirs dans le tas, mais dans l'ensemble, on est au-dessus de la moyenne. Ainsi, c'est rassuré que l'on ouvre le pack de démarrage de Disney Infinity contenant des figurines interactives : en se lançant dans un projet aussi ambitieux qu'un Skylanders, Disney y a forcément mis les bouchées doubles non ?
Il était une fois...
C'est un petit peu ce que j'avais en tête pendant l'intro, durant laquelle on traverse de nombreuses licences Disney dont les univers se créent autour de nous en temps réel. C'est joli, bien fichu, ça dure cinq ou six minutes... Et c'est malheureusement le meilleur de Disney Infinity. Car si cette mise en bouche est alléchante, elle débouche sur un constat très amer que je vais tenter de vous résumer dans ces quelques lignes. Le titre est divisé en deux sections distinctes. La première consiste à vivre des aventures basées sur les univers des figurines (et de la statuette d'aventure correspondante) que l'on pose sur un socle. Dans le pack de démarrage, on dispose de Sully de Monstres et Cie, de Bob Paar des Indestructibles et de Jack Sparrow de Pirates des Caraïbes. Chacun dispose donc de son propre univers, généralement à monde ouvert, dans lequel il peut accepter diverses missions et acheter de nouveaux éléments pour gagner des capacités ou modifier l'environnement. Chaque aventure dispose aussi de son scénario dans lequel il faut souvent battre le grand méchant. Malheureusement, on comprend affreusement vite que l'exhaustivité des environnements s'est traduite par de terribles manquements dans tous les autres compartiments.
... un drame
Premièrement, d'un point de vue technique, Disney Infinity est en retard du début à la fin. Non seulement il est visuellement daté, mais les bugs sont bien trop nombreux avec des décors qui disparaissent ou des bugs de collision par exemple. Cette impression de grand retour en arrière est tout aussi flagrante quand il s'agit d'aborder le gameplay. Que ce soit les phases de plates-formes ou les combats, le manque de finition est particulièrement dérangeant. Il faut dire que le peu de coups disponibles et la maniabilité parfois hasardeuse des personnages y sont pour beaucoup. De plus, il faut y ajouter une caméra mal fichue qu'il faut régulièrement replacer soi-même. Des erreurs qui peuvent facilement devenir des désastres quand on sait que le titre est destiné à un jeune public qui ressent plus rapidement la frustration dans ce type de contexte. Autant dire que ça ne s'arrange pas sur le long terme puisque non seulement chaque scénario est pliable en deux à trois heures (3 aventures dans le pack = 8 heures à peu près), mais en plus, les différentes missions manquent littéralement d'intérêt puisqu'elles consistent surtout à ramener des objets / personnes d'un point A à un point B, ou encore à taper des méchants. Mais le plus affolant, c'est de se rendre compte que Toy Story 3 proposait déjà quelque chose d'assez similaire en 2010 de façon plus convaincante, notamment en ce qui concerne le gameplay. Un véritable échec !
La boîte à jouets cassés
A peine remis de nos émotions, on aimerait se dire que le coeur du jeu est en fait dans le mode Toybox, censé être un lieu de joie où la créativité prend le pas sur le reste. Pour résumer la chose, on peut dire que ce mode porte bien son nom : c'est un coffre à jouets. Lors de vos parties dans le mode Aventure, vous aurez trouvé des capsules qui débloquent de nouveaux éléments pour le mode Toybox. Tel un magicien, vous pouvez placer ce que vous voulez où vous voulez (en temps réel) pour ensuite vous amuser comme un petit fou avec vos propres créations. Ca, c'est la théorie. Dans la pratique, il en est malheureusement tout autrement. Si les éléments déblocables sont vraiment nombreux, c'est leur manque d'interactivité qui rend l'ensemble aussi insipide qu'un film d'art et d'essai inuit non sous-titré. C'est un peu comme si on vous filait un jouet GI Joe mais que vous n'aviez pas le droit de le faire se battre avec vos autres bonhommes en plastique. Et je ne parle même pas des véhicules disponibles qui réussissent l'exploit d'avoir à la fois une conduite molle, de glisser sur le sol sans aucune notion de la physique et de montrer en moins d'une minute tous les bugs de collision les plus ridicules du jeu vidéo. Bref, un résultat chaotique qui n'est certainement pas aidé par le manque d'ergonomie de l'outil de création qui nous colle à peu près tous les éléments dans les dents avec le minimum de fonctions. Impossible de trier ou encore de connaître la taille approximative d'un objet avant de l'avoir choisi. Avec tout ça, vous vous doutez que le partage en ligne de ToyBox en devient pratiquement anecdotique.
Comme un goût amer
Devant tant d'horreur, on pourrait pratiquement s'arrêter là, les bras ballants, en se disant que le studio Avalanche Software n'avait peut-être pas les épaules pour un tel projet censé réunir une ribambelle de héros et d'univers Disney (grâce à d'autres figurines vendues séparément). Toutefois, on ne peut être qu'interloqué quand on sait que la plupart des éléments de gameplay ont été repris directement de Toy Story 3 sans même avoir été retravaillés. Pire encore, un petit passage dans l'univers du Lone Ranger (vendu séparément) montre des parties du décor plus que ressemblants avec ceux du mode Coffre à Jouets de ce dernier. Bien que le studio avait dit s'en être inspiré, on espérait une évolution plus prononcée. Autre chose, pour un titre destiné à un public jeune, et donc potentiellement familial, on peut émettre de très sérieux doutes quant à l'impossibilité de jouer au mode Aventure à deux avec le pack de démarrage. En effet, chaque personnage ne peut se balader que dans son propre univers (exemple, Jack Sparrow dans Pirates des Caraïbes). Hors, le pack ne contient que trois personnages issus d'univers différents, obligeant les parents à acheter des figurines supplémentaires pour enfin permettre le jeu à deux en dehors du mode ToyBox. Un "choix" pour le moins étonnant. Allez, dernière raison de râler : il faut croire que le mot "infini" de Disney Infinity ne concerne que ces quinze dernières années. Les grands classiques de la firme sont malheureusement passés à la trappe.
Points forts
- Les licences Disney, nombreuses
- Les figurines de bonne qualité
Points faibles
- Maniabilité chaotique
- Missions inintéressantes
- Caméra douteuse
- Une réalisation qui manque d'âme
- Techniquement dépassé
- Buggé (collision, physique, visuel... bref, tout)
- Musiques et voix répétitives
- Pas de jeu à deux en mode Aventure dans le pack de démarrage
- Manque d'interactivité du mode Toybox
- Soucis d'ergonomie pour l'outil de création
Quel gâchis ! Quand on dispose de licences aussi charismatiques que celles de Disney, comment peut-on aboutir à un tel résultat ? Plus vide de vie qu'un golem, Disney Infinity accumule les erreurs que l'on parle de gameplay, de technique, de créativité et même (c'est un comble) de fun ! Alors que le mode Aventure vire à l'ennui très rapidement, le mode ToyBox, annoncé comme l'antre de l'éternel renouvellement, ressemble à un banal fourre-tout très mal pensé dans lequel non seulement il est pénible de créer quoi que ce soit, mais dont les créations n'apportent pas de véritable intérêt de gameplay. Même le plus contemplatif des nostalgiques ne pourra qu'être outré par un tel vide ludique, sans compter l'absence des grands classiques Disney.