On vous dit souvent que vous êtes dans la Lune ? Vous devriez peut-être vous méfier, des créatures étranges vivent du côté obscur de notre cher astre lunaire. Il paraît même que certains de ces monstres viennent parfois titiller les Terriens d'un peu trop près. Heureusement, il existe une agence dédiée à l'élimination de ces malotrus.
Suda 51 est un peu l'enfant terrible du petit monde du jeu vidéo japonais. Ce développeur atypique n'a pas peur d'accoucher de titres complètement déjantés qui bousculent gentiment les codes du genre. On lui doit notamment le très hermétique Flower, Sun and Rain, l'énigmatique Killer 7 ou encore l'allumé No More Heroes. Autant de jeux qui débordent littéralement de références en tous genres et qui méritent indéniablement le détour. Malheureusement, le créateur s'est montré un peu moins inspiré avec ses dernières productions. Ni Shadows of the Damned, ni Lollipop Chainsaw ne nous ont laissé des souvenirs mémorables. Killer is Dead prend la même voie en proposant une aventure certes bien barrée mais à laquelle il manque peut-être un soupçon d'âme.
Tueur flegmatique et dragueur lunatique
Décidément, Suda 51 n'abandonne pas facilement ses lubies : le héros de ce Killer is Dead est un tueur à gages prénommé Mondo, les joueurs qui connaissent les précédents titres du bonhomme apprécieront... Ce fameux Mondo est employé par une étrange agence qui se charge d'assassinats un peu particuliers : il massacre des Wires, des monstres tout droit venus du côté obscur de la Lune. Ne vous demandez pas ce que font ces bestioles sur notre bonne vieille Terre, ni comment il est possible de respirer sur la Lune et encore moins pourquoi le grand méchant se balade en slip doré. Au mieux, les personnages vous expliqueront que vous êtes dans un jeu d'action et qu'il ne faut pas chercher midi à quatorze heures pour ce qui est du scénario. Si on apprécie le second degré, on aurait aimé trouver un background vaguement cohérent ou tout du moins qui ait un sens. Ici, l'aventure tourne un peu trop régulièrement au grand n'importe quoi, ce n'est pas une mauvaise chose en soi mais l'ensemble manque cruellement de liant pour nous tenir en haleine.
L'aspect délirant du scénario pose certes quelques problèmes, mais il a au moins le mérite de laisser les mains libres aux développeurs de Grasshopper. Ceux-ci nous ont pondu un univers graphique totalement débridé. On passera rapidement sur l'aspect technique de la chose, ce n'est jamais le point fort du studio. Mais justement, même avec des ressources très limitées, ces artistes nous embarquent sans peine dans un monde totalement tordu. Certes le level design est d'une pauvreté à pleurer, mais les niveaux ont tout de même un certain potentiel onirique, un je-ne-sais-quoi qui vous emmène très loin... On a aussi parfois l'impression que les développeurs se sont un peu perdus en chemin. C'est le cas par exemple des missions "gigolo" qui s'apparentent ni plus ni moins à des phases de drague. Le concept est un peu tordu : vous devez mater discrètement la fille qui vous tient compagnie pour faire monter une jauge d'audace, et une fois celle-ci pleine, vous pourrez offrir un cadeau que vous avez préalablement acheté pour la belle. Ne prenez pas ces phases à la légère, celle que vous aurez ainsi séduite vous offrira des bonus ou une nouvelle arme. Il n'y a pas de doute, l'aspect délirant des productions de Suda 51 flirte souvent avec le mauvais goût.
Au fil d'un sabre émoussé
Vous l'avez compris, on ne sait jamais vraiment sur quel pied danser avec Killer is Dead, les rares éclairs de génie côtoient généralement les faux pas malencontreux. Ce qui est valable pour l'univers du jeu l'est aussi pour son gameplay. Passé les quelques bonnes idées, on se retrouve en effet avec un beat'em all assez lambda qui souffre de défauts récurrents au genre. Mondo se bat ainsi avec un katana mais il peut aussi utiliser son bras gauche bionique comme une véritable mitraillette à condition de puiser dans sa réserve de sang. Une petite jauge rouge se remplit ainsi lorsque vous infligez des blessures à vos adversaires. Un bouton vous permet de parer ou même d'esquiver les coups adverses. Si votre timing est bon, vous aurez l'occasion d'infliger une punition à votre ennemi, un peu à la manière d'un Bayonetta. Bref, tout cela est bien classique et s'avère finalement plombé par des caméras foireuses, par quelques bugs de collision et par un manque de diversité du côté des ennemis et des situations. On espérait une bouffée d'air frais, on se retrouve finalement avec une recette éculée qui sent la naphtaline.
Mieux vaut être prévenu, il faut entre huit et neuf heures pour boucler la campagne sans trop se presser et en réalisant les différentes missions annexes au passage, mais n'espérez pas vraiment profiter pleinement du titre dès les premières heures de jeu. Le système de progression est ainsi fait que les premiers niveaux s'avèrent plutôt frustrants, c'est finalement en débloquant de nouveaux combos et de nouvelles habilités que l'on va petit à petit apprendre à profiter du titre. Les défis proposés par la belle Scarlett illustrent assez bien ce problème : dans un premier temps, ils vous paraîtront tout simplement infaisables, ce n'est qu'en y revenant par la suite que vous parviendrez à les réaliser. Préparez-vous à vous cogner la tête contre les murs, à rager contre le gameplay, à lancer votre manette, certaines phases de jeu étant vraiment frustrantes. Le jeu n'est pas particulièrement difficile, ce sont juste les problèmes de caméra et la lenteur avec laquelle Mondo réalise ses esquives qui vous mettront hors de vous. Les choses s'arrangent heureusement quand on upgrade son petit gars. C'est triste à dire, mais c'est finalement en refaisant les niveaux lors d'un second run qu'on profite réellement de l'aventure.
Points forts
- Un univers totalement barré
- Le petit côté transgressif de Suda 51
- Un design qui a de la personnalité
Points faibles
- Un level design pas forcément inspiré
- Un gameplay qui met du temps à décoller
- L'aspect technique à la masse
On aurait aimé vous dire que Killer is Dead est la nouvelle petite perle signée Suda 51. Certes, le titre est délicieusement barré, peut-être même parfois un peu trop au point que l'on frise l'indigestion, mais c'est surtout son gameplay qui pose problème. Entre les caméras un peu folles, le level design peu inspiré et la lourdeur relative des déplacements du personnage, vous risquez tout simplement de perdre patience. C'est dommage, vous vous priverez alors de tout ce que le jeu peut vous offrir une fois qu'on a pris le temps d'améliorer les aptitudes du héros.