Assez méconnu, Dashin' Desperadoes est une exclusivité Mega Drive développée et éditée par Data East en 1993, uniquement sortie en Amérique du Nord (pour l'anecdote cependant, le titre du jeu devient Rumble Kids si vous le lancez sur une console japonaise). En bref, le jeu se résume à une version réussie du mode versus apparu dans Sonic 2 : en écran splitté, deux joueurs s'élancent dans une course effrénée pour arriver le premier à la fin du niveau. Le concept est donc très clairement orienté multi et c'est surtout ce mode de jeu que présente le manuel d'instructions, même s'il existe un mode solo.

Jenny

Le point de départ de ces courses endiablées est... Jenny. Jenny, une petite robe bleue, des cheveux blonds, de grands yeux bleus, un joli grain de beauté et des gros seins. Le verso de la boîte raconte : “Will et Rick, une paire d'apprentis cowboys, étaient les meilleurs potes jusqu'à ce que Jenny débarque en ville. Ils ont été rivaux depuis ce temps, se bagarrant constamment pour avoir son attention.” C'est l'anniversaire de la donzelle et son père lui a offert un voyage autour du monde, accompagnée bien sûr par ses deux prétendants. Déterminés à la protéger et à gagner son cœur... à coups de bombes, de croche-pieds et de roulades, à travers la jungle, la banquise ou les eaux infestées de requins, Will et Rick vont s'affronter dans une lutte sans merci ! Et qu'on ne vienne pas dire que Jenny est innocente dans cette histoire, parce que la blondinette a plutôt l'air d'en profiter et d'en abuser à tous les étages : le premier arrivé a gagné, allez me chercher un cadeau, poursuivez l'animal qui m'a volé mes bijoux, prêts ? partez ! ou autres, c'est bien elle qui encourage cette compétition !

Boom

Absolument invincibles, Will et Rick doivent néanmoins tout faire pour ne pas être ralentis par les nombreux obstacles et ennemis du jeu. Oiseaux perfides, voisins farceurs, barrières à activer, moyens d'accélération qui se retournent contre leur conducteur... nos Dashin' Desperadoes ont déjà fort à faire avec les niveaux avant de se mettre des bâtons dans les jambes (“So, you think penguins are cute ? Think again.” prévient sournoisement le manuel). Et pourtant les deux compères en rajoutent une couche grâce aux divers items du jeu, que l'on peut diviser en deux catégories : les différentes bombes à lancer sur notre rival (bouton C, munitions illimitées !) et les power-up à ramasser en cours de route. Ce sont surtout ces power-up qui peuvent soudain renverser la situation, car ils apparaissent quelques instants après qu'un joueur soit passé là où ils étaient cachés... Leur mise en place est vraiment bien fichue et, plutôt que de tout détailler, on laissera chacun s'imaginer le résultat que peut donner, par exemple, une bonne paire de bottes, une potion d'invisibilité, ou un petit orage personnel, quand ils surgissent de nulle part à quelques secondes de l'arrivée.

Dashin' Desperadoes nous laisse très souvent une chance, que ce soit grâce aux items ou grâce à la difficulté posée par les obstacles. Le moindre dixième de seconde compte, bande de bleusailles, ici c'est humilier ou être humilié ! En témoigne les coups bien vicelards dont sont capables nos sacrés héros, qui n'hésiteront pas à faire trébucher l'autre au bord d'une plate-forme, à se sauter dessus en guise de représailles ou à écraser l'autre d'une roulade dans la dernière ligne droite. Cette dernière manœuvre, qui fait office d'accélération, puise dans une jauge d'énergie qui se régénère avec le temps et ajoute un petit élément de stratégie non négligeable dans ce monde de brute (même si on appuie tous dessus à répétition comme des débiles, on ne va pas se le cacher). L'agencement des niveaux est bien sûr roublard au possible, et le soft est une belle démonstration de 2D : trou caché par un élément du décor, série de plates-formes à peine écartées où il est possible de courir au lieu de sauter, toutes les vieilles ruses sont là en plus des pièges classiques. Sous la contrainte de l'écran splitté (les niveaux ne s'étalent pas beaucoup en hauteur), le level design s'en tire bien et nous réserve son lot de raccourcis et de surprises pour pimenter la bagarre.

I score

Dans l'ensemble, la compétition entre nos deux loustics s'organise de la façon suivante. Il y a six mondes à conquérir, chacun divisé en trois niveaux qui sont autant de courses ou de missions différentes. La grande subtilité réside dans l'importance du score, puisque s'il suffit en général d'arriver premier pour remporter un niveau, il est toujours possible de s'en sortir en ne gagnant qu'une seule course sur les trois, grâce au score qui s'ajuste automatiquement ! Par exemple, si le joueur 1 gagne les deux premières manches avec un score de 80.000 points, le gain de la dernière manche sera proche de ce montant, pour permettre au joueur 2 de tout rattraper. Autre cas, si les deux joueurs sont à peu près ex æquo (50.000 chacun), le gain de la dernière manche sera faible (5.000 points disons), ce qui donne alors plus d'importance au scoring pendant le niveau lui-même ! Ce n'est pas tous les jours qu'un jeu multi associe high score et fun immédiat, et franchement c'est bien dommage parce que le résultat est juste jubilatoire. D'autant que les méthodes pour scorer sont assez variées, on a du gros bonus caché mais aussi de la petite monnaie à ramasser çà et là. Au bout du compte pourtant, c'est toujours celui qui en a un peu plus qui reçoit les faveurs de la jolie Jenny, pendant que l'autre n'a plus que ses mains pour pleurer (et encore, parce que seul celui qui remporte la manche peut zapper la scène du bisou — la rivalité jusqu'au bout !).

Surf and destroy

A travers les six mondes du jeu Data East nous fait voir du pays, mais si on se souvient du mode versus de Sonic 2, la principale bonne nouvelle reste l'absence totale de ralentissements. La qualité graphique ne vient donc pas envahir l'action cette fois et, si l'on prend en considération l'écran splitté constant, Dashin' Desperadoes est un bel effort. On ne tape pas dans les ultimes ressources de la console mais les sprites sont de bonne taille et l'animation tient bien le côté cartoon qui fait le charme du jeu. Ça transpire le fun sans prise de tête mais il y a quand même une vraie ambiance, comme un épisode des Looney Tunes qui serait consacré à deux jeunots des années 50 tournant autour de la pouliche du quartier. Pour peu qu'on y soit sensible, l'humour simple voire simplet du titre promet une tranche de rigolade au sein de cette folle aventure. Les accessoires deviennent des personnages et les ennemis de véritables protagonistes quand on se retrouve dans la nervosité de chaque course, où tout est décisif. Il est d'autant plus facile de se laisser prendre par l'ambiance du jeu que l'univers ne verse pas complètement dans le cartoon, notamment grâce aux décors et à de jolies touches musicales, plutôt inattendues. On fredonne sans mal une petite improvisation pour accompagner la musique, et tout naturellement on donne soudain dans la chanson paillarde ou le flot d'insultes pour réagir à (ce pingouin...) la tournure que prend la course, pour enfin exulter dans la colère ou le triomphe !

Forever Alone

Ah oui c'est vrai on peut aussi y jouer tout seul ! Bon, d'accord, on est un peu vaches, parce que le solo n'est pas mauvais du tout. Il aurait pu même être assez bon si l'ordinateur n'était pas si doué, vous mettant énormément de pression dès le mode Beginner ; la grosse différence avec le mode Normal tient plus dans le nombre de continues, plus faciles à avoir, alors que le mode Expert monte vraiment l'I.A. au maximum jusqu'à exiger le parcours parfait. Le dosage de la difficulté n'est donc pas équilibré de manière idéale pour ce genre de jeu, on tombe vite dans la mémorisation tant les règles spécifiques à ce mode solo se montrent trop strictes. Quand on perd ses trois maigres continues et que le game over nous salue (on recommence tout hein), le système de mots de passe du mode multi nous fait de l'œil... Ceux qui ne seront pas rebutés par ce défi découvriront en revanche des tracés un peu différents et de nouveaux niveaux, correspondant parfois même à de nouvelles musiques très réussies. La sympathique conclusion du scénario diffère elle aussi selon le mode choisi (et le niveau de difficulté en solo, outch !), nous offrant finalement pas mal de raisons de se lancer aux trousses de Jenny en solitaire. A moins de jouer en Expert, l'ordinateur a en plus des côtés humains bien énervants, notamment quand il s'arrête purement et simplement pour nous attendre, nous en mettre une, avant d'aller rejoindre tranquillement Jenny... Espèce de !