Il y a des jeux, n’ayons pas peur des mots, qui marquent l’esprit d’un joueur à vie. En lisant ceci, certains penseront à leur premier Mario sur NES ou encore à leurs doigts s’agrippant d’effroi à la souris devant Phantasmagoria. Eh bien pour d’autres joueurs, il existe un jeu qui à leurs yeux est tout aussi culte, j’ai nommé Corsairs. Développé et édité par Microïds en 1999, Corsairs reste pour certains le meilleur jeu de cet éditeur, à qui l’on doit pourtant la superbe série de point'n click Syberia.
Dans les années 1600 à 1700 l’Espagne, l’Angleterre, la France et la Hollande dominent les mers. Tous veulent assoir leur autorité sur les Caraïbes. L’Espagne, forte de ses terribles armadas de galions, a longtemps eu le monopole des Antilles mais, préférant se concentrer sur la terre ferme, elle tourna le dos à de nombreuses petites îles ainsi qu’à une grande partie de Saint-Domingue. Tout naturellement, la piraterie s'y développa fortement. Cela ne pouvait durer ! La France, l’Angleterre et la Hollande, ou plus précisément les corsaires représentant ces nations, mirent les voiles vers ces mers d’huile pourtant très agitées. Et c’est ici que vous, oui vous, entrez en jeu. Dans un premier temps, vous aurez à choisir votre camp, Français ou Anglais (il est également possible de choisir l’Espagne ou la Hollande dans la version Gold de Corsairs sortie en 2003). En tant que corsaire, vous suivrez les ordres de votre roi et de ses représentants, et en échange il vous sera permis de faire valoir le droit de votre nation à travers le monde et de faire fortune comme bon vous semblera. Pour résumer vous êtes un pirate, mais un pirate qui répond du roi.
N’est pas marin qui veut
Bien qu’il paraisse simpliste au premier abord, Corsairs est subtil et très riche. Il vous faudra, comme corsaire et capitaine de navire, gérer plus d’une chose à la fois. Dans un premier temps, votre flotte. Bien que démarrant le jeu à bord d’un bateau quelconque, vous pourrez très vite mettre en cale sèche bon nombre de navires allant du Chebec rapide très prisé par les pirates au Brigantin pouvant accueillir cent cinquante hommes et quarante canons, en passant par l’immense galion et ses six cents membres d’équipage. Il vous faudra donc choisir celui, ou ceux, qui correspond le mieux à vos attentes, en prenant en compte des facteurs tels que la vitesse, le nombre d’équipage, de canons et même la place disponible en cale.
Comme tous bon corsaire, vous aurez l’occasion de vous attaquer à vos ennemis régulièrement, il vous faudra alors choisir avec minutie votre armement : boulets normaux ou explosifs si vous vous attaquez à des bâtiments ou que vous voulez couler votre adversaire, mais aussi boulets à fragmentation pour décimer l’équipage adversaire, ou encore boulets à chaînes pour détruire les voiles et ralentir l’ennemi afin de le capturer. Mais en tant que bon stratège, vous savez qu’il ne faut jamais négliger la défense. Ainsi il est possible d’améliorer tous vos comptoirs en construisant des forteresses ou même en recrutant plus d’hommes pour les défendre.
Quitte à parler stratégie, abordons ensemble, non pas un navire, mais la gestion des batailles, qui sur Corsairs se fait en deux phases. Dans un premier temps vous serez à la tête de votre flotte, mitraillant à bâbord et tribord, jouant avec la direction du vent pour filer sur l’eau plus rapidement que votre ennemi. Puis viendra l’heure de l’abordage… Ce dernier peut être géré automatiquement, sauf si votre corsaire est engagé dans la bataille, mais ce serait se priver d’une grande partie du jeu. En effet, si la phase en mer est assez simpliste, la phase d’abordage demande plus de doigté, surtout lorsque vous êtes en sous-effectifs face à votre adversaire. Vous devrez alors user de stratégie pour encercler ses hommes, vous servir de vos officiers armés de pistolets et lorsque la victoire sera proche, vous aurez la possibilité d’accepter la reddition de vos adversaires ou de tous les massacrer (il est à noter que les pirates jamais ne se rendent). Pour peu que vous poussiez la difficulté, les affrontements peuvent rapidement devenir très compliqués.
Pour la fortune et pour le roy !
Il vous sera proposé diverses missions, le plus souvent délivrées par les gouverneurs des différents comptoirs. Mais là où Corsairs fait mouche c’est dans sa liberté de mouvement. En effet, dans ces eaux à la fois calmes et tumultueuses voguent des bateaux aux pavillons anglais, espagnols, hollandais, neutre et même pirates. Libre à vous de ne considérer les ordres comme seulement nécessaires à l’obtention de votre titre de corsaire. Dès lors, il vous est possible d’explorer des cartes vastes et variées (tâche dans laquelle vos espions seront indispensables), de capturer les comptoirs de vos ennemis, de couler ou capturer leur flotte, d’éradiquer toute forme de piraterie et bien sûr de faire fortune (d’ailleurs le commerce est extrêmement présent dans Corsairs et se doit d’être maîtrisé) tout en vous construisant une véritable armada. De plus, au fil des missions, les relations avec les autres nations évolueront, de ce fait vous ne vivrez jamais la même expérience. Si l’on ajoute à cela le fait qu’il y a deux (quatre pour les possesseurs de la version Gold) nations jouables, on comprend aisément que le titre jouit d’une durée de vie et d’une rejouabilité conséquentes.
Au-delà du jeu
De par la richesse de son gameplay, Corsairs est déjà un très bon jeu, mais c’est également une réalisation impeccable au niveau visuel et audio. Certains doivent déjà bondir sur leur chaise face à ces propos et sont sûrement en train de crier à l’hérésie. Mais pourtant Corsairs a très bien vieilli visuellement. Contrairement à beaucoup de jeux de son époque, qui jouaient la surenchère visuelle et qui sont devenus aujourd’hui dépassés et visuellement affreux, Corsairs de par son coté simpliste et assez minimaliste (mais néanmoins fourmillant de détails) garde des graphismes qui font mouche encore aujourd’hui, quatorze ans plus tard, c’est dire. La bande-son n’est pas en reste. En effet, celle-ci est millimétrée. Des bruitages des bateaux en passant par ceux des baleines que vous croiserez, tous sont très réussis. Les dialogues sont rares mais ô combien immersifs, lorsque vous entendrez l'un de vos officiers trucider un ennemi en s’écriant « Embroché la pucelle » vous comprendrez. Et la cerise sur le gâteau, Corsairs nous gratifie de musiques entraînantes qui collent parfaitement au thème et qui tombe toujours juste. Tout cela fait de Corsairs plus qu’un jeu, c’est avant tout une ambiance dans laquelle on plonge et dont on ressort différent.
Points forts
- Des graphismes qui n’ont pas pris une ride
- Une bande-son parfaite
- Une richesse et un gameplay agréable
- Une très grande durée de vie et une rejouabilité qui n’est pas en reste
- Une communauté toujours présente
Points faibles
- Un jeu malheureusement peu connu qui aurait mérité une suite
- Des problèmes de compatibilité avec les nouveaux OS (mais la communauté est là pour ça)
Microïds, rappelons-le, est une entreprise française qui a créé de véritables jeux cultes tels que Syberia ou Corsairs. Malheureusement, ce dernier est moins connu du grand public. Il s'agit pourtant de l'un des meilleurs, si ce n’est le meilleur jeu de piraterie d’après les joueurs l’ayant eu entre les mains. Corsairs est à inscrire dans les incontournables de la culture du jeu vidéo. Un jeu de niche malgré lui, mais un grand jeu à essayer.