Il semblerait que l'open world ait le vent en poupe dans le jeu vidéo ces 10 dernières années... Autrefois quasi réservé à la licence GTA, le genre s'est peu à peu démocratisé et a accueilli des softs de qualité comme Infamous, Sleeping Dogs, Prototype ou Just Cause, pour ne citer qu'eux. Saints Row, saga en monde ouvert partageant à l'origine beaucoup de points communs avec l'emblématique série de Rockstar, revient cette année avec une formule assez surprenante. Faisons un test : si je vous dis super-pouvoirs et invasion extraterrestre, vous me dites évidemment : Saints Row IV ! Non ?
L’événement du début de l'année 2013 dans le milieu vidéoludique est bien sûr la faillite de THQ, qui a entraîné une dilapidation massive des licences ayant appartenu à la firme californienne. Dans le cas de la saga Saints Row, c'est Koch Media, sous son label Deep Silver, qui a récupéré la série suite au rachat du studio Volition. Qui dit nouveaux tauliers dit parfois nouveaux plannings de production et, en l’occurrence, Saints Row IV s'est étonnamment trouvé une date de sortie quelques semaines après le rachat de la licence. Plus curieux encore, la sortie du titre est fixée à moins d'un mois de celle du rouleau compresseur nommé GTA 5. L'enjeu du développement pour les équipes de Volition a donc été de produire un soft complet, se démarquant assez de l'optique originelle de la série, tout en respectant très scrupuleusement les délais (ce qui conduit souvent à des problèmes de finitions). Alors, le contrat est-il honoré ?
Back to Basics, ou pas !
Un point est clair lorsqu'on s'attaque à ce 4ème Saints Row : les choses ont bien changé... Fini la guerre des gangs dans les quartiers, fini les braquages, cette fois-ci la ville de Steelport (la même que dans Saints Row III) est configurée à la manière d'un Infamous ou d'un Prototype : ouverte mais pas forcément très vivante. On y délaisse totalement, ou presque, l’accession progressive au succès, à l’argent et à une foule de joyeusetés, pour passer à un univers plus statique et relativement sombre car baigné dans une nuit noire perpétuelle. Se voulant comme la suite du 3ème épisode, c'est donc plutôt logique que la dimension « exploration et découverte » de cet épisode soit passée à la trappe, au grand dam des nouveaux arrivants. Rassurez-vous, ces aspects sont ici remplacés par une foule de séquences à références et de libertés scénaristiques qui, à coup sûr, plairont aux amoureux de SF bon marché comme aux amateurs de culture vidéoludique et d’univers dystopiques.
Côté scénario, ce 4ème épisode vous met dans la peau du président des Etats-Unis aux prises avec les Zins, une race d’aliens belliqueux venus conquérir la planète, et qui en profitent pour jouer avec l’esprit des humains en les enfermant dans une simulation virtuelle de leur propre vie. Pas besoin ici de nommer la source de cette inspiration, qui permet à SR4 de s'offrir à la fois toutes les fantaisies, mais aussi toutes les facilités. Votre tâche durant l'aventure sera donc de « réveiller » la plupart des membres de votre gang, en allant les chercher au plus profond de leurs angoisses, dans des cauchemars virtuels. Vous imaginez la suite : constituer une équipe, déstabiliser la matrice, devenir de plus en plus puissant, et réduire les aliens en miettes ! La trame n'a pas grand-chose d'original, mais c'est dans sa mise en scène et sur la variété des références utilisées que le jeu se démarque nettement. Mais d'ailleurs, ça fait quoi d'être un super-président ?
Refonte d’un gameplay pourtant bien établi
Par un heureux hasard, et avec la complicité de votre amie Kinzie, vous réussissez à vous extraire progressivement de l'emprise des Zins. Cela implique que vous pouvez désormais vous déplacer plus ou moins librement dans la simulation, et jouissez peu à peu de capacités surhumaines. Toutefois, si l’on acquiert au fur et à mesure des pouvoirs améliorables que l’on prend plaisir à coupler à l’efficacité de nos armes, il faut bien dire que l’implémentation d’un tel gameplay ne semble malheureusement pas totalement maîtrisée par Volition. La maniabilité de votre personnage à l'intérieur de la simulation (là où il peut utiliser ses pouvoirs) demandera un petit temps d’adaptation avant que vous ne puissiez vous mouvoir dans les airs et sur terre de manière optimale. Le problème devient même relativement épineux lorsqu’il s’agit de gérer des gunfights à 1 contre 20 dans des endroits exigus.
Parfois, caméra et super-pouvoirs ne font pas bon ménage étant donné que votre sprint de super-héros remplace votre sprint d’humain dans la Steelport virtuelle. Sur console surtout, du fait du mapping des touches, une navigation rapide couplée à une gestion de la caméra sur stick s'avère très difficile d'accès. Il se peut que vous ayez parfois du mal à gérer des combats demandant un peu de placement et de stratégie au sol, car vous ne disposez « que » d'un super-saut de plusieurs mètres et d'un super-sprint qui terrasserait Usain Bolt. Ces atouts de super-héros sont donc un vrai régal pour se déplacer à grande échelle, avec une verticalité jamais atteinte auparavant dans la série, mais deviennent relativement contraignants dans certaines séquences de combat. On aurait idéalement apprécié une touche pour désactiver ces deux pouvoirs le temps d'un gunfight important.
Un arsenal riche et intégralement customisable
Il vous sera néanmoins possible de récupérer des balises de soin sur chaque ennemi tué afin de regagner un peu de vie, ce qui donne une certaine tolérance vis-à-vis de cet aspect brouillon dans la gestion des combats. L'important est de tuer, et de tuer vite. Pour ce faire, vous disposerez d'un arsenal fourni, regroupant des armes humaines et extraterrestres qu'il sera possible d'améliorer, avec un upgrade ultime rendant l'arme redoutable. Au rang des nouveautés loufoques de votre panel d'armes, on retrouve le désormais célèbre Dubstep Gun qui fait danser les ennemis en les neutralisant à petit feu, mais aussi le Rapto-Matic qui crée un rayon tracteur, le générateur de trous noirs ou encore le Violator : une tentacule extraterrestre qui fait des ravages au corps-à-corps.
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Il faut ajouter à ces armes la présence des pouvoirs actifs et passifs customisables, basés sur le feu, la glace, le contrôle de la pensée, la télékinésie, l'écrasement, ainsi qu'un buff élémentaire pour vos armes. L'augmentation de vos pouvoirs et de vos armes peut se faire en dépensant de l'argent gagné lors des missions, éliminations et objectifs, mais aussi en ramassant des clusters répartis sur toute la map. On apprécie certaines missions annexes permettant de débloquer des améliorations supplémentaires ou de nouveaux joujoux pour votre guerre d'indépendance contre les Zins. Dans le même genre, 32 activités, 79 cibles variées et 34 magasins peuplent la map de Steelport : de quoi offrir au final pas mal de rejouabilité et d'objectifs annexes pour qui voudrait prendre son temps.
La voiture, de toute façon, c'est très surfait
Une des principales questions lorsque le public a vu Saints Row IV fut formulée autour des véhicules : à quoi bon prendre une voiture lorsqu'on peut voler ? Il est vrai que ce passage au « tout vertical » et aux combats nerveux, visuels et quelque peu brouillons annihile en partie le plaisir de la conduite de véhicules. Toutefois, si l'envie vous prend, durant une partie solo ou en coop, de prendre une voiture, un hélico ou un avion pour effectuer une petite virée armée, vous pourrez toujours compter sur des garages de customisation de véhicules, offrant un éventail de possibilités de tuning aussi large que dans les épisodes précédents. Toujours dans la catégorie customisation, on retrouve les boutiques de fringues, mais aussi les chirurgiens esthétiques et les tatoueurs afin de peaufiner le look de votre super-président.
Une bande-son du tonnerre
D'ailleurs, si l'une des voix possibles pour notre personnage de Saints Row III était celle d'un zombie (déblatérant avec un phrasé incompréhensible), on remarque pour ce 4ème épisode l'arrivée du doubleur Nolan North, qui incarne une foule de personnages vidéoludiques dont Desmond Miles et Nathan Drake. Toujours au rang des caméos : le personnage de Keith David, joué par... Keith David himself, un acteur (visible notamment dans Cloud Atlas) habitué de la série et qui double cette fois-ci son propre personnage. C'est toute cette dimension de références et de clins d’œil qui fait le charme de SR4. Prenez la bande-son, élément clé des open world de type GTA-like : outre le fait qu'elle soit ici directement accessible même à pied, elle réunit de grands classiques de la musique kitsch et permet de titiller la mémoire collective en passant par exemple « What is love » d'Haddaway dans une séquence en véhicule spatial. Dès lors, on se sent obligé de sourire et même d'imprimer le mouvement cultissime de Jim Carrey et de sa bande. Autre référence, cette fois-ci faite à Armageddon, lorsque votre personnage se sacrifie pour son équipe en s'embarquant sur un missile nucléaire tel Bruce Willis terminant sa mission pour sauver la Terre, vous aurez la musique de circonstance, les dialogues larmoyants et les hommages en série. Pas de doute, les développeurs savent y faire.
Une foule de clins d’œil
Au rang des références moins subtiles mais tout aussi efficaces, on remarque la très large liberté prise concernant les cauchemars que l'on explore afin de libérer nos membres du gang. Les développeurs ont pris un malin plaisir à parodier les grands standards du jeu vidéo, tels que Street of Rage avec une version revisitée du scroller 2D nommé pour l'occasion « Saints of Rage ». Plus loufoque encore, le joueur sera amené à explorer un univers très typé Tron, avec ses néons, ses étendues de vide et ses courses de moto. Poussant le vice jusqu'au bout, Volition nous fait assister à un hack du cauchemar en direct, changeant en temps réel la caméra de la partie ou le spawn des ennemis. Sans être une pépite pour autant, cet enchaînement de séquences clins d’œil tout au long de l'histoire fait extrêmement plaisir et offre un gameplay plus classique le temps d'une mission. Et encore, nous n'évoquerons pas ici les séquences en robot géant, la parodie de Metal Gear ou le jeu de rôle texte, histoire que vous ayez deux ou trois belles surprises.
Un bug dans la matrice ?
Loin d'être une réussite graphique complète, le titre se veut plus joli que son grand frère qui commence à prendre quelques rides. Les effets y sont travaillés et plaisants et l'on apprécie de planer sur les hauteurs de la ville, sautant de toit en toit à la recherche d'une prochaine cible alien. Il est tout de même dommage que le jeu se déroule à 90 % de nuit, tant les qualités graphiques sont plus flagrantes le jour. On déplore également, sur la version testée, une bonne quantité de bugs (de collision, de caméra, d'animations et quelques crashs), et avons été avisés par Koch Media que ces problèmes devraient être réglés pour la sortie du jeu. Soyez prévenu : il se peut que le jeu souffre de bugs, en attendant un patch day-one ou ultérieur à la sortie du jeu.
Points forts
- Se déplacer comme un super-héros, avec classe et fracas.
- La flopée de références et clins d’œil.
- L'arsenal de pouvoirs et armes customisables.
- La coop toujours aussi poilante.
- Bande-son de qualité.
Points faibles
- Manque évident de finitions (animations, bugs, IA, calibrage de gameplay).
- Des soucis de caméra et une action parfois confuse.
- L'utilité très réduite des véhicules.
Ce Saints Row IV s'inscrit comme un épisode à part, suite spirituelle du III zappant de ce fait la découverte narrative de Steelport, point de rupture vis-à-vis du gameplay originel pour dériver vers un TPS dopé aux super-pouvoirs : on ne sait pas vraiment sur quel pied danser, ni dans quelle catégorie le ranger. Toutefois, l'expérience s'avère concluante et plaisante, car renforcée par un contenu de qualité (10-12 heures pour la quête principale sans compter les quêtes annexes) et une profondeur de jeu toujours aussi appréciable. Seul ou en coop à deux, les missions s’enchaînent à coups de super-pouvoirs pour notre plus grand plaisir, même si le manque de finitions se fait parfois un peu trop ressentir.