Si mourir est un échec difficile à accepter dans la plupart des jeux, certains titres tournent essentiellement autour de cette mécanique au point de rendre la faillite normale et peu frustrante. C'est le cas de Cloudberry Kingdom, qui se présente comme un Super Meat Boy-like grand public car plus permissif et au design presque naïf. Si vous n'avez jamais osé affronter le jeu de la Team Meat, soyez certain que vous avez les épaules pour défier celui d'Ubisoft. Mais il ne tient qu'à vous de faire de Cloudberry Kingdom le jeu le plus dur du monde. Explications.
Né de l'imagination de deux développeurs indépendants, Cloudberry Kingdom est un projet qui a connu moult péripéties et aurait très bien pu ne jamais voir le jour. Un passage Kickstarter et l'intérêt manifesté par Ubisoft l'ont sauvé de l'enfer et il se présente à nous en tant que petit jeu sympa à tarif abordable (10 € à son lancement) pour notre plus grand plaisir.
Un Super Meat Boy adaptatif
Cloudberry Kingdom, s'il ne le prétend pas officiellement, semble partir du postulat suivant : Super Meat Boy est un jeu trop hardcore. Pourtant, il s'en inspire largement, le principe étant le même, à savoir enchaîner de courts niveaux de plates-formes en 2D dans le plus pur genre du die and retry. Toutefois, il se distingue de son modèle à plusieurs étages. Outre le fait que le scrolling n'est jamais vertical, ce qui rend la progression beaucoup plus fluide et instinctive, Cloudberry Kingdom, selon les modes, génère des niveaux qui s'adaptent au skill du joueur. En soi, l'idée est tout simplement géniale puisqu'elle peut permettre d'éviter tout découragement et garantir une évolution permanente. Mais dans les faits, le mécanisme fonctionne beaucoup trop bien. En effet, si vous échouez à plusieurs reprises sur un tableau, le suivant risque d'être d'une facilité déconcertante, au point d'être totalement incohérent. Les pièges seront ainsi parfois disposés hors trajectoire, et n'auront donc plus aucune incidence ni aucune légitimité. Et lorsque cela arrive, votre ego en prend un sacré coup...
A 90 % jeu de plates-formes, Cloudberry Kingdom possède également un côté jeu de rythme qui a un impact énorme sur le gameplay. Sans aucun rapport avec la très sympathique musique qui vous accompagne, cet aspect transpire dans tout le niveau. Chaque piège, chaque plate-forme, chaque ennemi est disposé et animé de sorte à ce que vous puissiez traverser les difficultés d'une seule et unique traite. Il existe donc une sorte de trajectoire idéale que vous pouvez emprunter sans jamais vous arrêter ou hésiter. Encore faut-il la découvrir. Mais lorsque vous y parvenez, le résultat est franchement jouissif. Cela vaut en tout cas pour le mode Histoire, qui ne génère pas les niveaux aléatoirement, contrairement au mode Arcade, qui exploite la fonction dont je vous ai parlé plus haut dans ce test. Au final, votre ennemi principal dans Cloudberry Kindgom, ce ne sont pas les plates-formes mouvantes ou qui disparaissent, ce ne sont pas non plus les pics, lasers et boules de feu. Non, c'est votre timing. Hésitez et vous chuterez. Et c'est là tout l'intérêt du jeu de Pwnee qui, s'il est joué par un utilisateur averti, peut devenir tout aussi fun à regarder par ceux qui n'osent pas saisir le pad.
Le joueur libre de se faire mal
L'autre gros point fort de Cloudberry Kingdom, c'est son mode Jeu Libre, qui permet purement et simplement de générer des niveaux en choisissant vous-même la quantité et la dangerosité de chaque élément, que ce soit une plate-forme ou un ennemi. Ainsi, d'un jeu relativement accessible, Cloudberry Kingdom peut se muer en titre carrément hardcore, voire impossible, selon votre goût pour la difficulté. De fait, sa durée de vie devient infinie et c'est toute l'architecture du jeu qui est pensée pour que vous y reveniez encore et encore, pour battre des records et obtenir le niveau ultime vous permettant de débloquer tous les tableaux et tous les types de gameplay. Car la physique de Bob, le héros du jeu, change selon sa taille et l'accessoire qu'il peut potentiellement utiliser. On trouve au total une douzaine parmi lesquels un jetpack, un vaisseau spatial ou un chariot, qui nécessitent de revoir le timing sur les sauts et les déplacements. Dans un autre style, la gravité peut être modifiée, ou la physique du héros peut changer selon qu'on incarne P'tit Bob ou Gros Bob. On évite ainsi une certaine répétitivité. Enfin, précisons qu'il est possible de jouer en "coopération", jusqu'à 4. Un mode un peu bancal qui peine à coller au style du jeu. On regrette par exemple que si un joueur saute sur une plate-forme à usage unique, les autres ne puissent le suivre et doivent se contenter de le regarder terminer le niveau. Ce qui contraint à ce que tous les joueurs aient exactement le même timing. Mission impossible.
Points forts
- Difficile mais loin d'être frustrant
- La recherche du timing parfait, jouissif quand il est trouvé
- La physique et le timing qui changent complètement selon l'équipement
- La possibilité de générer des niveaux toujours plus hardcore
- Une bande-son qui donne la pêche
- 10 € pour des dizaines d'heures de jeu en perspective
Points faibles
- L'adaptabilité des niveaux qui fonctionne trop bien
- Le multi, pensé comme le solo
Cloudberry Kingdom est addictif et peut rapidement devenir jouissif. Inspiré de Super Meat Boy et des classiques de plates-formes orientés die and retry, ce jeu indépendant utilise de nouvelles mécaniques qui lui permettent de se distinguer sans mal. La possibilité de progresser d'une traite, tout en rythme avec les éléments et le générateur de niveaux personnalisés apportent par exemple beaucoup. Ce qui est moins le cas du principe de niveaux qui s'adaptent au skill du joueur puisque dans les faits, tout ne fonctionne pas comme prévu. Mais au final, pour 10 €, les amateurs de challenge seront gavés, et c'est bien là l'essentiel.