Six mois sans nouvelles sonnent souvent comme l’arrivée d’un vent mauvais. Après une première rencontre en mai dernier, Wolfenstein avait effectivement disparu des écrans radars sans raison apparente, et l’on se demandait bien si B.J. Blazkowicz allait partir en guerre contre l’empire nazi. Mais un nouveau rendez-vous avec le père fondateur du FPS a confirmé que l’offensive aura bel et bien lieu au printemps.
La première rencontre avec ce mythe que représente Wolfenstein nous avait laissés sur notre faim. The New Order n’était pas un mauvais jeu, loin de là, mais rien de ce qu’il nous proposait, laissait suggérer que nous nous trouvions devant un opus sortant des sentiers battus, encore moins que nous étions devant une nouvelle itération d’un des mythes du FPS. S'il est aujourd’hui visiblement difficile, voire impossible (?) pour les développeurs d’accoucher de scénarios originaux, on s’attendait certainement à autre chose de la part de MachineGames. Même s'il est vrai que, la licence ayant construit sa notoriété autour du conflit nazi, il était bien compliqué pour le studio d’accoucher d’un scénario incroyable, Return to Castle Wolfenstein ayant déjà consommé l’option zombie. Du coup, sans chercher bien loin, The New Order a choisi de nous parachuter dans un univers post-apocalyptique où l’Allemagne a gagné la Seconde Guerre mondiale grâce aux avancées technologiques d’une machine de guerre appartenant au général Strasse, également connu sous le sobriquet « Deathshead » (le Boucher). Il faut dire que ce type n’a rien d’un enfant de chœur, s’amusant à jouer les chirurgiens pas vraiment diplômé, dépeçant les prisonniers pour en faire des machines. Après avoir séjourné plusieurs années dans le coma, B.J. Blazkowicz se réveille et découvre cette horreur et un spectacle de désolation qui va le décider à prendre le taureau par les cornes.
Graphiquement suranné
La première séquence se déroule dans un avion qui prend la direction du château dans lequel se réfugie Strasse. Une mise en bouche qui va servir de tutorial et rapidement virer à une bataille aérienne et inciter notre ami à prendre place au poste de tir. Quelques minutes suffiront à dézinguer les assaillants, quelques cinématiques interviendront pour résumer le contenu de ce qui nous attend, bref jusque-là, rien de bien folichon. Du déjà-vu et revu, une partie de gameplay sans grand intérêt et surtout un détail frappant qui ne manquera pas de gêner tout au long de ce hands on. Nous jouons sur PS4 et rien de ce que l’on voit à l’écran ne peut le laisser supposer. Nous n’irons pas jusqu’à affirmer que le jeu est laid, cela paraîtrait un peu trop sévère, mais sincèrement, on s’attendait à autre chose qu’une direction artistique bien en deçà des attentes. Textures ternes, scintillements et visages anguleux, autant de détails qui nous renvoient plus aux prémices de la PS3 qu’à cette nouvelle ère dans laquelle nous venons de rentrer. Une mise en bouche délicate, qui aurait pu sonner le glas de Wolfenstein si ce qui suit n’avait pas rehaussé le niveau d’un FPS pour le moment cantonné à rester dans la catégorie des « bons mais sans plus ».
Du combat classique
La dernière fois que nous avions touché à The New Order, l’impression de succession de couloirs, de murs invisibles, de cette liberté de mouvements cadenassée par une limite technique trop affichée, avait assez déçu. Combien de jeux se sont ainsi cassé les dents, en offrant ni plus ni moins qu’un long couloir à suivre du début à la fin. A la suite de la première prise en main, cette sensation arrivait largement en tête des griefs que l’on pouvait retenir. Mais comme par enchantement, cette brimade a disparu dès notre arrivée dans le château. Même si on ne parlera jamais d’open world, même s'il n’existe qu’une seule sortie vers le prochain checkpoint, les passages pour y arriver se conjuguent au pluriel. Du coup, on arpente les travées de l’enceinte, on récupère des munitions ici et là, et forcément, on tombe sur des gardes. Aucun problème de visée, aucun souci au niveau d’une IA bien décidée à ne pas attendre de se faire descendre sans rien faire, les échanges de feux nourris offrent du rythme et un peu de challenge bienvenu. D’ailleurs, pour diversifier les techniques d’approche et les styles de combats que chacun affectionne, un arbre de talents est accessible pour façonner le soldat B.J. Furtivité, Tactique, Attaque, Démolition : quatre branches dans lesquelles le joueur attribuera ses points d’xp chèrement gagnés en fonction de ses affinités (grenades explosant au contact des ennemis, chargeur augmenté pour les armes de poing, augmentation des munitions récupérées…). Cet arsenal et ses compétences s’avéreront largement suffisants pour venir à bout des dangers qui se dresseront devant vous, même si, pour certains robots, un peu plus de dextérité sera nécessaire. En effet, là encore principe déjà vu maintes fois, pour désosser les monstres d’acier, il faudra se concentrer sur leur seul défaut et en abuser, la plupart du temps, il s’agira de leur œil.
Surfer sur le mythe
Evidemment, à la lecture d’un tel aperçu, on peut légitimement penser que Wolfenstein : The New Order n’est pas un bon jeu. Effectivement, la qualité intrinsèque du titre est discutable. Visuellement daté, mécanismes de gameplay sans génie, séquences de jeu prévisibles, le titre n’affiche pas le cachet d’antan de la licence et semble rentrer dans le rang. Pourtant, ce qui porte à en découvrir plus, ce qui incite à vouloir avancer dans ce château, c’est cette éternelle haine que l’on éprouve (du moins pour ceux qui ont déjà joué à Wolfenstein) vis-à-vis de ces nazis qui nous en ont tant fait baver auparavant. Bien sûr, on ne verse ici que dans la germanophobie vidéoludique et cette soif de voir enfin ce Strasse disparaître pour toujours. Car cette ambiance, si sombre soit-elle en dépit d’une touche artistique en deçà, transporte. A sa manière. Que les Allemands aient mis au point une technologie incroyable, qu’elle ait gagné la guerre, finalement là n’est pas l’intérêt fondamental de The New Order. Ce qui pousse l’envie d’en découdre, c’est simplement le fait de se dire que nous sommes au cœur d’un mythe du jeu vidéo. Bien sûr, il n’est pas parfait, loin de là, bien sûr on aurait certainement préféré y plonger différemment. Mais puisque nous y sommes, puisque l’occasion de se frotter à ces nazis si chers à nos manettes se présente, il serait dommage de passer à côté. Et ce, même si une fois terminée, cette escapade en terre ennemie ne restera pas dans les mémoires.
L’hésitation et la réflexion furent longues. The New Order mérite-t-il un « moyen » ou un « bon ». Dans l’absolu, si « moyen + » existait, il aurait certainement mieux collé aux sentiments qui animent après une session passée en compagnie de Blazkowicz. Sans réelle surprise mais sans être une tannée non plus, ce Wolfenstein n’affiche pas les prétentions que l’on est en droit d’attendre pour un jeu en 2014. Le travail orchestré par les développeurs est satisfaisant pour ceux qui ne seraient pas trop regardants sur la performance technique. Pour les autres, en revanche, la lassitude pointera le bout de son nez rapidement tant le titre reprend trop de mécanismes éprouvés par le genre depuis de nombreuses années.