La simple évocation de titres comme « Chrono Trigger », « Final Fantasy VII » ou « Golden Sun » suffit à faire apparaître de larges filets de bave aux coins des lèvres et à faire briller les yeux des plus nostalgiques d'entre nous. Alors quand un projet amateur, dénommé Lumen, a pour ambition de rendre hommage à ces piliers du monde vidéoludique, on est partagé entre l'espoir de redécouvrir ce style de RPG mythique et la peur de voir le genre défiguré.
Lumen fait partie des jeux développés à l'aide du logiciel RPG Maker. Et, il faut le reconnaître, si ce logiciel a permis à de nombreuses personnes de laisser éclater leur créativité de par sa facilité de prise en main, le prix à payer est lourd : il devient très difficile pour un projet de s'attirer les feux des projecteurs. Tâchant de sortir de l'ombre, Lumen nous offre un concept inhabituel : un jeu découpé en chapitres, sortant séparément, permettant donc aux plus impatients de commencer l'aventure tout en offrant la possibilité aux concepteurs de prendre en compte les avis des premiers joueurs pour apporter des améliorations. Reste à savoir ce que ce premier chapitre vaut !
Premiers pas
Premier chapitre oblige, nous avons le droit à un bref résumé de l'histoire du monde de Lumen. Cela fait maintenant quinze ans que les deux principaux continents, Amesial et Piastol, s'affrontent dans une guerre sans merci. La raison de tout ceci ? La découverte d'une relique surpuissante : le Lumen, trouvée par hasard dans les sous-sols de la ville frontière, Laranae (et oui, sinon ça ne serait pas marrant !). Observant tout cela avec un certain recul, le troisième continent, Jolianoras, attend le moment opportun pour, lui aussi, prendre part à cette guerre et s'emparer de la relique. C'est dans cette bien sombre situation que nous découvrons nos deux héros principaux : Bemko, épéiste fougueux et Djirou, jeune mage émotif et froussard. Leur rêve ? Rejoindre le S'ion, les soldats de Piastol les plus réputés, et ainsi pouvoir aller en découdre avec Amesial. Nos héros seront au cours de leur aventure rejoints par divers compagnons, chacun ayant son style de combat propre (6 personnages jouables différents dans ce chapitre). Ce premier chapitre est donc consacré aux épreuves que les jeunes aspirants au S'ion doivent passer pour espérer rejoindre le groupe de guerriers. Alliant à une aventure sans temps morts des situations et des objectifs variés, Lumen réussit le pari de nous offrir un scénario agréable, que l'on suivra avec plaisir. On pourra cependant reprocher à celui-ci d'être très classique : que ce soit pour la trame principale, pour le caractère de nos héros ou encore pour les quelques retournements de situations prévisibles, nous avons quelque chose de presque un peu cliché qui pourra en frustrer plus d'un.
Passé cette introduction (et ces remarques sur le scénario), il faut bien nous pencher sur une chose : le jeu ! Et, première constatation, c'est beau. Mais on peut même aller plus loin que ça. Les cartes sont bien conçues, cohérentes entre elles, et possèdent toutes une ambiance bien particulière. En effet, chaque zone est accompagnée d'une musique correspondant parfaitement au lieu, des bruitages de pas ont été incorporés au jeu lorsque l'on marche sur des touffes d'herbes ou sur un sol boueux, et des oiseaux et autres volatiles à plumes passent parfois majestueusement au-dessus de vous. Bref, tout ça mis bout-à-bout rend les cartes extrêmement agréables, et se balader dans le monde de Lumen sera un vrai plaisir.
Une myriade de bonnes idées
A coté de cela, Lumen nous propose une multitude de bonnes idées. La première, et probablement la plus importante, est le fait de suivre deux groupes de héros. En effet, en parallèle de l'aventure de Bemko et Djirou, vous aurez aussi la possibilité d'incarner Ezechiel, personnage plus fort, mais aussi plus sombre, à travers les contrées gelées de Jolianoras. Bien que l'on joue finalement assez peu avec ce personnage comparé aux deux autres (ce qui est fort dommage !), cela nous permet de suivre les intrigues des trois continents, renforçant ainsi l'immersion du joueur dans l'univers de Lumen. Dans un tout autre ordre d'idées, le jeu nous propose aussi d'endosser le rôle d'encyclopédie à monstres tout au long de notre périple. En effet, grâce à des poudres de divers éléments, vous serez en mesure de vous synchroniser avec des créatures ennemies pour connaître leurs forces, leurs faiblesses, et obtenir un petit texte explicatif sur le monstre. Le problème est qu'il est a priori impossible, en se fiant uniquement à l'apparence du monstre, de savoir quelle poudre utiliser. A vous de bien observer quel est l'élément affilié à la créature, en attendant par exemple que celle-ci lance un sort, pour pouvoir utiliser la poudre adéquate. Le système peut se révéler alors très stratégique, notamment au cours de combats ardus : pourrez-vous survivre 3-4 tours (le temps que la poudre soit utilisée, et fasse effet) aux assauts répétés des créatures les plus féroces pour obtenir gloire et récompenses ?
Enfin, il nous faut également aborder un autre point fort du jeu : les situations variées. Car, s'il est question de tabasser du monstre (nous voilà rassurés !), procéder plus finement est indispensable pour mener à bien la quête. Si l'on n'échappe pas aux traditionnelles énigmes, relativement faciles et classiques d'ailleurs, il faudra également prendre en compte des phases de négociation ou de recherche d'informations des plus prenantes, permettant de modifier intelligemment le rythme de l'aventure. Bien amenées et diablement passionnantes, on regrette presque qu'elles ne soient que si peu présentes dans l'aventure !
Les bases du RPG : Des combats et des quêtes !
Qui dit RPG, dit bien sûr combats, et Lumen nous offre ici un concept sympathique. En effet, la base du combat repose sur du tour par tour assez basique, avec diverses options pour chaque personnage (attaque, magie, défendre, objet). Cependant, pour toute action que vous souhaiterez réaliser, vous devrez effectuer un enchaînement de QTE plus ou moins long, selon la complexité de l'acte. Ainsi, si utiliser une potion ne vous demandera que d'appuyer sur une touche, les attaques les plus puissantes vous demanderont d'enchaîner une combinaison de trois touches pour pouvoir fonctionner. Si le temps laissé pour effectuer ces QTE est en général suffisant, il permet d'éviter un travers présent dans beaucoup de RPG au tour par tour : le martèlement bête et méchant de la touche « espace » pour effectuer vos actions. Ce système permet donc de rester « actif » lors des combats, en nous demandant systématiquement une combinaison de touche à effectuer pour la moindre action. On ne peut que saluer un tel choix de gameplay.
Un autre système qui mérite d'être abordé est le système d'expérience. Ici, pas de niveaux et de points d'expérience traditionnels. Pour chaque combat effectué, le joueur reçoit des perles, qu'il est ensuite libre de dépenser pour, au choix, débloquer de nouvelles compétences, ou pour augmenter les points de vie ou de mana de son personnage. Mais attention, car dans Lumen, les monstres ne réapparaissent pas, et vous ne pourrez pas vous refaire une infinité de fois le même monstre pour obtenir toujours plus de perles ! On comprend vite alors que la liberté accordée est le choix entre : souhaitez-vous privilégier le grand nombre de compétences pour palier à toutes les situations, ou préférez-vous avoir un personnage avec beaucoup de points de vie et de mana ? Le système fonctionne à la perfection et laisse le champ libre pour améliorer ses personnages comme on le souhaite, d'autant qu'il vous sera impossible de tout débloquer à la fin de ce chapitre ... à vous de faire les bons choix !
Pour finir, il faut bien avouer qu'au niveau des quêtes secondaires, on reste sur sa faim, car il y en a pour le moment très peu, ce qui est fort dommage. Relativisons en nous rappelant que nous ne sommes qu'en présence du premier chapitre du jeu, ce qui pourrait en partie expliquer la chose. Néanmoins, ajouter des petites quêtes secondaires, même très classiques (aller apporter des confitures à Mme Johnsson, ramener dix peaux de cochons sauvages pour en faire une tunique ou que sais-je encore !), aurait été vraiment agréable, ne serait-ce que pour rappeler au joueur que, même s'il n'est qu'au tout début du jeu, il peut déjà profiter un peu et chercher quelques bonus. Néanmoins, les rares quêtes secondaires disponibles sont d'une qualité indéniable, notamment pour celles se focalisant sur le passé de nos héros. Ces quêtes ne mettent pas l'accent sur les combats, mais plutôt sur la découverte de l'univers de Lumen, et sur certains pans de l'histoire de nos personnages. Elles seront effectuées avec plaisir, d'autant qu'elles nous permettront de nous essayer, par exemple, à un mini-jeu de tir à l'arc ou à un jeu d'infiltration pendant quelques minutes ! Bref, du bonheur.
Points forts
- Un système de combat et d'expérience bien foutu
- Des musiques variées et qui collent à la situation
- Un bon rapport temps de jeu / prix
- Des cartes bien construites
Points faibles
- Un scénario très classique
- Trop peu de quêtes annexes pour le moment
Il est un peu difficile de juger ce RPG, étant donné que nous n'avons ici que la première partie du jeu. Néanmoins, il faut admettre qu'entre ces cartes bien construites, son système de combat bien pensé et dynamique et sa bande-son agréable, Lumen a toutes les qualités pour s'affirmer comme un hommage soigné aux RPG d'antan. A ce stade, les seuls reproches qu'on peut lui faire portent sur son scénario tout de même un peu trop classique et sur les quêtes annexes qui sont pour le moment trop peu nombreuses. Cependant, avec un rapport temps de jeu / prix tout à fait honnête (5 heures de jeu pour 3 €), il serait dommage de passer à coté de ce petit jeu indépendant fort sympathique !