C'est avec toujours autant de plaisir que l'on s'attaque à un jeu d'aventure de Daedalic Entertainment (Deponia, Sadwick…). Les Allemands spécialistes du point and click nous proposent cette fois un titre centré autour d'un jeune garçon apprenti magicien et de son mentor léporidé. Mais attention, derrière ses apparences de conte pour enfants, The Night of the Rabbit s'adresse avant tout à des joueurs chevronnés ayant déjà traîné leur souris dans les classiques du genre.
Plus ça va, et plus Deadalic Entertainment peut faire penser au LucasArts des années 90. Evidemment, le rapprochement est facile puisque tous deux basent leur renommée sur des jeux d'aventure en point and click, mais la comparaison ne s'arrête pas là. En effet, si Deadalic possède bien une patte, le studio a aussi l'intelligence de confier ses projets à différents directeurs pour varier l'écriture, le ton, l'ambiance et le design de chaque production. Aussi différent qu'un Full Throttle peut être d'un Monkey Island ou d'un Grim Fandango, The Night of the Rabbit diffère donc de Deponia, Sadwick, Satinav, quelques-uns des précédents jeux Deadalic.
Quand le scénario nous pose un lapin
Devenir un vrai magicien n'est pas aussi simple que de sortir diplômé de la Sylvain Mirouf Academy. C'est ce que découvre malgré lui le jeune Jerry Hazelnut. Deux jours avant la rentrée scolaire, le garçon met la main sur le matériel du grand Zaroff et se retrouve presque instantanément réduit à la taille d'une pomme pour explorer un monde peuplé de souris, de hérissons ou d'écureuils. Avec pour guide le Marquis de Hoto, certainement le lapin le plus classe du monde, Jerry apprend petit à petit à se servir de son nouvel attirail. Mais alors que l'apprenti sorcier accumule quelques sorts pour sa baguette (parler aux rochers, faire pousser les plantes, etc.), une histoire bien plus complexe se met en place autour de lui et autant le dire tout de suite, le scénario est certainement l'élément le plus problématique de The Night of the Rabbit.
Durant une bonne partie de l'aventure, le jeune Jerry passe son temps à aider les habitants du village dans lequel il a atterri en apportant par exemple du café à un garde ou en aidant un explorateur à bâtir un sous-marin. Des tâches pas forcément passionnantes, mais qui ont surtout le défaut de ne pas s'inscrire dans la vraie histoire, celle qui nous tombe ultimement dessus dans la toute dernière partie de l'aventure. Quelques indices sur la suite des événements sont bien révélés durant le jeu, mais ils sont assez maladroitement amenés et finalement l'aventure laisse un constant goût d'incompréhension dans la bouche du joueur. On sent que quelque chose se trame dans le fond, mais on reste aussi perdu que le pauvre Jerry qui ne pipe pas grand-chose à ce qui lui arrive. Toutes les clés du mystère sont finalement données à la fin du jeu. Et alors que les explications sont enfin livrées, on se dit que l'histoire de The Night of the Rabbit est inutilement compliquée, ou mal racontée, au choix.
Nuits blanches en perspective
La complexité des énigmes proposées n'aide pas forcément à s'immiscer dans ce monde décidément bien tordu. La difficulté est à ce point mal dosée que l'on cède régulièrement à la tentation de recourir à une solution pour mettre fin à des heures d'errance et de réflexion infructueuse. A bien y réfléchir, cela faisait bien longtemps qu'un jeu d'aventure en point and click ne s'était pas montré aussi retors, ce qui le réserve forcément aux joueurs les plus patients et persévérants. Le fait que la traduction française des sous-titres soit complètement ratée destine aussi principalement le jeu aux joueurs anglophones. La durée de vie s'en retrouve forcément accentuée, et dépasse largement la quinzaine d'heures pour un joueur prêt à s'investir et à soigneusement éviter toute aide extérieure. Elle peut même largement atteindre la vingtaine d'heures grâce à plusieurs bonus à collectionner ou à débloquer. Des histoires imagées peuvent ainsi être trouvées, de même que des autocollants ou des perles de rosée à déceler dans le décor. Le joueur est aussi amené à disputer des parties de cartes avec à peu près tous les personnages croisés.
Une vraie patte artistique
Au-delà du scénario malmené, The Night of the Rabbit réussit à dégager une atmosphère envoûtante que l'on doit autant à la direction artistique qu'à la sublime partition qui accompagne l'aventure. Fidèle à ses habitudes, Deadalic Entertainment présente un univers dessiné, peint, et animé à la main, ce qui lui confère un charme fou, malgré des animations encore un peu arides. Les influences et la galerie de personnages semblent partir un peu dans tous les sens, c'est vrai, mais l'ensemble fonctionne brillamment. On se retrouve par exemple à côtoyer des hérissons en salopettes puis de jolis petits écureuils tout mignons, avant de tomber nez à nez avec un magicien hippie aux jambes poilues et portant des chaussettes sous ses sandales, sans que cela ne choque outre mesure. La beauté des graphismes est portée par des musiques de grande qualité. Le thème principal est à lui seul une petite pépite qui dégage une réelle mélancolie grâce à son air joué au violon. Le doublage est également réussi bien que quelques problèmes de mixage soient à noter faisant que l'on n'entend pas toutes les voix correctement.
Points forts
- Une direction artistique sublime
- Des musiques enchanteresses
- Du point and click traditionnel
- De multiples bonus à trouver
Points faibles
- L'histoire inutilement compliquée et mal racontée
- La difficulté extrême de certaines énigmes
- Les sous-titres français complètement ratés
The Night of the Rabbit possède des qualités indéniables. En premier lieu sa réalisation globale qui lui confère le charme d'un dessin animé fait avec amour par une équipe inspirée et passionnée. La direction artistique dépeint ainsi un monde onirique qui parvient à mêler de multiples influences (celtiques, asiatiques) au son de musiques qui resteront probablement longtemps gravées dans votre mémoire. En contrepartie, le point and click pèche par ses énigmes mal équilibrées et globalement trop difficiles, sa traduction française à côté de la plaque et surtout son scénario confus et mal conté.