Ayant créé un genre à lui tout seul, Portal compte désormais une famille de plus en plus nombreuse faite de frangins, de neveux et de petits cousins. Si le genre du First Person Puzzler est porteur, il est surtout délicat à maîtriser et peu enclin à pardonner l'approximation qui a vite fait de flinguer un jeu.
Des perles, on en trouve dans le sillage de Portal, de plus en plus... mais il fallait qu'à un moment, les choses dérapent. Magrunner prend pourtant un départ sympathique puisque sur le papier, son idée n'est pas mauvaise : jouer sur le magnétisme pour résoudre des puzzles de progression. L'ennui, c'est que la mise en pratique laisse franchement à désirer, côté gameplay et côté mise en scène. Car Magrunner se veut très scénarisé et tente même un pari risqué, mélanger du Lovecraft avec un puzzle-game. Si, si. Orphelin mais élevé par un génie mutant, le joueur participe ici à une séance d’entraînement / test de ses capacités en vue d'un voyage spatial financé par la compagnie Lifenet, spécialisée dans le business de la vie privée et dirigée par... Kram Gruckezber... Wow, ça balance, ça dénonce et c'est très fin. Bref, vous vous voilà embarqué dans ce grand complexe de test fait de salles épurées (avec quelques couleurs flashy de mauvais goût), séparées par des ascendeurs. Oui, ça ressemble foutrement à Portal jusque dans ce détail. Pas vraiment passionné par le devenir du héros, pourtant (trop) bavard, on découvre subitement que le complexe est, pour une raison qui nous échappe, envahi par des créatures reptiliennes. D'un coup d'un seul, on passe de la SF fluo à l'invasion de Cthulhu avec en prime un passage dans les coulisses du centre de test, ce qui là encore rappelle un certain autre jeu mais on ne dira pas son nom.
Un bon départ
Pour en finir avec la question, on dira simplement que le scénario prête à sourire, que les dialogues sont assez rigolos mais que visiblement, le souci, c'est que ça n'était pas nécessairement prévu. Côté gameplay, le principe est simple. Equipé d'un gant magnétique, le joueur peut charger certains objets d'une polarité positive ou négative, représentés par du vert ou du rouge. Contrairement à la réalité, ici deux charges identiques s'attirent, ainsi un point d'ancrage vert attirera une plate-forme verte, quand un point rouge la repoussera. Résoudre un puzzle revient donc à comprendre où on doit aller, avec quel mode de transport et comment on déplace le bazar. Outre les mécaniques simples comme celle que l'on vient de décrire, on peut ajouter des catapultes improvisées utilisant une caisse chargée en rouge placée sur un tremplin vert (et nous assis dessus), une plate-forme "comprimée" par une polarité verte que l'on détendra comme un ressort en inversant la charge. A citer également, le coup du balancier qui consiste à alterner les polarités pour provoquer un effet balançoire sur une plate-forme qui nous conduira vers de nouvelles hauteurs.
La science à peu près
Plus tard, on obtiendra une nouvelle capacité : le chien magnétique, qui est en vérité un point d'ancrage que l'on peut coller quantiquement n'importe où. On s'en servira par exemple pour déplacer une plate-forme ou encore démultiplier la puissance d'un tremplin magnétique. Ce foutu clébard est également l'occasion de se pencher sur les fameuses approximations du gameplay et la physique pas toujours très nette du jeu. En premier lieu, sachez que le positionnement du chien s'effectue avec les clics gauches et droits, soit exactement comme le tir classique du gant. Conséquence malheureuse, dans certains puzzles nécessitant un peu de dextérité et se résolvant en vitesse, il n'est pas rare de ne pas tirer sur un projecteur magnétique mais juste à côté et donc de placer ce crétin de chien qui va avec son champ magnétique foutre le bordel dans votre installation. A noter également qu'il n'est pas rare lorsque l'on déplace une plate-forme avec son tout, que l'effet de ce dernier varie sans que l'on comprenne vraiment pourquoi, nous laissant bêtement constater qu'au lieu de monter, ben on se casse la gueule. D'une manière générale, la physique est souvent un peu imprévisible et si la plupart du temps on parvient à faire ce que l'on veut, il arrive bien trop souvent que de multiples essais donnent des résultats différents, ce qui peut vite devenir franchement horripilant quand du sommet d'une salle, on se viande à son point de départ parce que pour une raison qui nous échappe le bidule il n'a pas activé le machin ! Ah, et faites gaffe quand vous posez une caisse sur le sol, si vous regardez trop vers le bas, vous allez sauter en arrière et, si vraiment vous n'avez pas de bol, tomber dans un trou. Des aléas pénibles qui gâchent franchement le plaisir, ce qui nous laisse alors tout le temps de déplorer le level design pas vraiment inspiré et la progression finalement pas toujours très intuitive ou certains puzzles au timing à s'arracher les cheveux.
Points forts
- L'idée de départ (le magnétisme)
- Quelques puzzles sympas et tordus
- Le durée de vie honnête pour le prix (10 heures)
Points faibles
- Le scénario risible et complètement déplacé
- Le level design moyen
- L'inspiration Portal bien trop prononcée
- Le gameplay "à peu près"
Magrunner tente de faire avaler sa repompe sauvage de la structure et du look de Portal avec des mécaniques qui lui sont propres et un pari scénaristique audacieux... trop d'ailleurs puisqu'il est bien trop décalé avec le jeu et surtout mis en scène comme une sitcom à petit budget. Restent quelques puzzles sympas et bien tordus ainsi qu'un système de jeu original, malheureusement plombés par trop d'imprécision dans la physique et les commandes. On est loin des autres membres de la famille des cousins de Portal.