On le sait, l'essor de la scène indépendante pose toujours le même problème : comment s'y retrouver parmi tous les titres, projets et démos, qu'ils soient proposés en Occident ou au Japon ? La question est d'autant plus vraie pour le shoot'em up, où les développeurs indépendants et amateurs s'avèrent beaucoup plus productifs que les studios dits classiques. Alors que certains noms parviennent à se hisser et à nous offrir d'excellentes séries (Team Shanghai Alice bien sûr, mais aussi Siter Skain, Artesneit, etc.), c'est sur un petit shoot gratuit que nous nous penchons aujourd'hui : Vacant Ark !
Vacant Ark est connu comme la première production d'un certain Buster, pseudonyme partagé avec un autre développeur indépendant japonais... Autant dire qu'avec un peu de malchance il est facile de s'y perdre ! Notre Buster officie aujourd'hui en tant que "uturobune" et ne semble plus très actif depuis fin 2011 (sauf sur Twitter...). L'espoir est donc de mise si l'on pense aux suites prévues pour Vacant Ark et pour son second jeu Kitan Iwanaga, très prometteur.
Il était une fois...
D'entrée de jeu, il faut dire que Vacant Ark part avec un excellent capital sympathie : enfin un shoot'em up qui n'est ni dans l'espace, ni en pleine guerre, ni rempli de petites filles aux allures kawai, bref, qui ne s'aligne pas sur les poncifs du genre. Nous incarnons ici une sorte de sirène (en partie mécanique ?), partie pour les profondeurs de l'océan et ses mystères. Ce périple nous plonge au cœur de trois longues zones hadales, pour déboucher sur l'une des trois conclusions possibles selon le mode de difficulté choisi. Ce sont là à vrai dire les seules occasions de comprendre l'histoire du jeu, cachée sous un engrish assez savoureux. On ne vous en dira pas plus, mais le soft peut au moins se targuer d'avoir une mise en scène et une narration un peu plus originales et subtiles que d'habitude ; même si, certes, ceci ne constitue pas vraiment un exploit dans le monde du shoot'em up.
... une sirène armée d'un six coups...
La fraîcheur de Vacant Ark se poursuit également au niveau du gameplay, puisqu'ici il est hors de question de s'endormir sur un quelconque rapid-fire en esquivant les salves adverses. Notre sirène ne peut en effet stocker que six munitions, sans lesquelles elle se retrouve vulnérable, incapable d'utiliser l'un des tirs principaux et réduite à une attaque rapprochée peu puissante. Alors comment s'assurer que le chargeur soit plein ? On peut simplement détruire des ennemis pour libérer quelques cristaux, mais cette méthode reste insuffisante la plupart du temps. Le vrai rythme à prendre consiste à absorber les projectiles grâce à notre module ou à l'attaque Force. Ce module, qui n'apparaît que lorsque notre sirène cesse de tirer, est absolument invincible et fait donc office de bouclier offensif, placé différemment selon le mode d'attaque choisi (devant en mode Cannon, en rotation en mode Riot, derrière en mode Force). L'attaque Force est quant à elle la troisième arme principale du jeu, d'une puissance moyenne et à très courte portée. Lorsqu'on sait que les attaques Cannon (un puissant tir unique) et Riot (une nuée de tirs faibles orientables vers le haut ou le bas) sont les seules armes à distance dans ce shoot'em up, on comprend alors qu'il va falloir choisir. Est-ce que je mise tout sur le mode Force, en jouant au corps-à-corps pour absorber tout ce qui me passe sous la nageoire ? Est-ce que je jongle entre les différents modes pour rester efficace en toute situation ? Les possibilités sont multiples, et le sont d'autant plus si vous souhaitez décrocher les meilleurs scores.
Car si au premier abord le système de scoring paraît simple et classique, l'aspect munition du titre vient changer la donne. Détruisez des ennemis pour augmenter un compteur (une sorte de sous-score, montant à 25.600 maximum), dont la valeur sera ajoutée pour chaque cristal obtenu. La valeur de ce compteur diminuant constamment, il faut l'alimenter le plus possible, bien qu'elle ne disparaisse pas tout à coup comme dans de nombreux manic shooters. Il est aussi possible de doubler cette valeur en ramassant un Double Ratio, bonus spécial qui vient remplacer le Life Up si on le laisse traîner quelques secondes avant de le ramasser (ce Life Up lui-même fonctionnant comme n'importe quel extend dans un shoot'em up : une fois un certain score atteint – deux millions ici pour le premier – ce bonus apparaît en plein jeu). Le dilemme consiste donc à choisir entre détruire le plus d'ennemis, pour faire exploser le compteur, et laisser ces mêmes ennemis en vie un certain temps afin qu'ils attaquent, pour pouvoir ensuite absorber leurs tirs — le tout en dosant ses propres assauts ! Ajoutez à cela la présence de suicide bullets dans les modes de difficulté avancée, et l'on a un système de scoring intéressant, complexe, mais facile à saisir une fois plongé dans le bain. Il est donc particulièrement regrettable que ce système s'effondre lors des nombreux boss, puisque ceux-ci se transforment en séances de milking où il ne s'agit plus que de traire un maximum de points en absorbant des projectiles avant la fin du temps imparti (chrono qui, de plus, n'apparaît pas en jeu). Dans ce cas, on sera tout de même soulagé de pouvoir jouer à Vacant Ark sans penser spécialement au score et en se contentant de modestes Life Up.
... qui, douée d'une grande résistance, affrontait les dangers de la mer...
Ces bonus ne seront pas de trop pour vous sauver la mise pendant les premières parties, mais, là aussi, le soft se montre rafraîchissant. Les munitions, en fait, font également office de chances supplémentaires, comme les anneaux d'un Sonic : se faire toucher une fois vide complètement le stock de munitions, laissant notre sirène et ses trois points de vie désormais vulnérable. La perte de tous les points de vie entraîne un Game Over simple et définitif. Avec l'affichage clair de la hitbox, la faculté de récupérer rapidement des munitions, et la difficulté plutôt sage du titre, ce système de santé confère à Vacant Ark une grande accessibilité, sans tomber dans l'excès inverse. Grâce à cela on peut toujours se permettre de prendre des risques, d'essayer des choses, tout en devant faire attention à ne pas se retrouver avec un maigre point de vie face au boss final ! Parce qu'il faut dire aussi que le jeu évolue considérablement, passant du shoot gentil dans la première zone à un danmaku en règle. Un crescendo remarquablement construit pour les néophytes, mais que les autres salueront en ressentant l'aisance avec laquelle Vacant Ark finit par nous baigner dans la "zone", cette forte impression de présence que nous, joueurs, vivons parfois, entre le zen et la surprise, et où tout semble enfin facile.
... dans l'espoir de lui redonner ses beautés perdues.
Le jeu de Buster a, on le voit, tout d'un grand. Et ce n'est pas la réalisation qui nous fera dire le contraire : la finesse des sprites, la variété et la grande qualité des compositions musicales ne peuvent que susciter l'enthousiasme quand on sait que tout ici provient d'une seule personne. Pourtant, on ne peut s'empêcher d'être déçu face à l'inégalité de la progression au fil des trois zones, certes longues (une trentaine de minutes en tout, la norme pour un shoot'em up amateur ou non), mais dont le rythme s'essouffle de temps à autre. La raison principale en est une certaine lassitude à force d'aligner les vagues ennemies, toujours composées des mêmes quatre ou cinq créatures quelconques, des séries plus propices à faire grimper le score qu'à offrir une véritable opposition. A l'image des arrière-plans souvent monotones, ce bestiaire n'est pas aussi inspiré qu'on aurait pu le souhaiter en découvrant l'univers du jeu. Le résultat mitigé est comme un Darius qui, certes, resterait pour une fois dans l'eau et nous ferait explorer les fonds marins, mais se priverait de toute la diversité de ces fonds quand ils pourraient enrichir l'ambiance. Heureusement, les boss viennent redonner tout le souffle espéré, de plus en plus et de mieux en mieux, pour faire malgré tout de ce Vacant Ark un très bon shoot indépendant.
Points forts
- Enfin un shoot aussi rafraîchissant dans son ambiance que dans son gameplay.
- Une excellente réalisation graphique et sonore pour un doujin.
- Le système de santé d'un ''Sonic'' appliqué au shoot'em up !
- Le soin apporté à la fin du jeu.
- Engrish avancé requis pour essayer de comprendre le scénario, plutôt énigmatique.
Points faibles
- De magnifiques sprites... parfois sans âme... sur des arrière-plans un peu décevants.
- Le sentiment de brièveté dû au découpage du jeu (malgré une durée de vie correcte).
- Un système de scoring intéressant mais très porté sur le milking...
- Le mode de tir Riot reste anecdotique si l'on ne cherche pas à optimiser son score.
- Trop peu de variations entre les trois degrés de difficulté.
Vacant Ark est un shoot'em up très sympathique et très accessible, essentiellement affaibli par un manque étonnant de personnalité au niveau du bestiaire et des décors. On s'ennuie un peu à aligner ces salves de sphères sous-marines quelconques... puis un boss arrive et nous enchante à nouveau ! La dernière zone, qui constitue un tiers du jeu, se révèle toutefois fort réussie et parvient à nous faire oublier ces quelques défauts. Au bout du compte c'est là un très bon doujin de plus pour le shoot'em up, avec en prime une courbe de progression particulièrement bien pensée pour les débutants. Et puisque c'est gratuit, aucune raison de s'en priver !