L'ancien style tactique a presque complètement disparu depuis les reboots des séries Rainbow Six, Ghost Recon ainsi que la fermeture du studio Sierra, responsable de la géniale série des SWAT. Des jeux comme Commandos, et Jagged alliance ont bien tenté avec succès de faire survivre cet aspect très tactique, mais l'âge d'or de ce style semble bel et bien révolu. C'est un fait. Pourtant, dans le monde du jeu indépendant, un petit studio du nom de Killhouse Games a sorti le 3 septembre dernier Door Kickers, un jeu tactique, en 2D, extrêmement exigeant, capable de rappeler aux joueurs des sensations depuis longtemps oubliées.
Door Kickers en deux mots
Alors allons droit au but : Que propose ce titre ? Door Kickers est un jeu dans lequel le joueur doit accomplir différentes missions en guidant une équipe du SWAT sur une carte en vue de dessus. La prise en main est rapide, et la dimension tactique est une donnée omniprésente dans les missions. En effet, dans Door Kickers, tout est question d'angle de tir, de trajectoire de déplacement, de positionnement, et de timing. Le jeu, bien qu'en version alpha, propose un gameplay abouti, 47 missions retorses, un éditeur de niveaux et un générateur de niveaux. A terme, il y aura également un mode Campagne, un éditeur de campagnes, un générateur de campagnes, ainsi que d'autres features in-game.
Choisir sa mission, les préparatifs
Concrètement, le joueur sélectionne sa mission. Il existe en gros 3 types de missions : les éliminations qui se résument à un « nettoyez la zone », les prises d'otages au cours desquelles il faut sauver un ou plusieurs otages, avec parfois une limite de temps, et les désamorçages où il faudra être rapide et efficace. Les missions sont prévues pour une équipe de deux ou de quatre membres. Le joueur dispose d'une douzaine d'équipiers customisables en termes de matériel. On distingue ainsi plusieurs classes : le Stealth et ses armes à silencieux, le Pointman, uniquement équipé d'une arme de poing mais qui se déplacera plus rapidement que les autres classes, le Breacher avec son fusil à pompe très utile dans les couloirs, qui peut aussi littéralement exploser les portes, et enfin l'Assault, fiable et polyvalent avec son fusil automatique. Evidemment, on a le choix des armes, chaque classe (excepté le pointman) pourra emporter une arme principale et une arme de poing auxquelles viendront s'ajouter deux objets tactiques : la grenade flash et / ou la « breaching charge » traduisez « charge d'entrée », pour une entrée réussie et remarquée. Il sera apparemment possible d'avoir un soutien sniper par la suite, et du matériel supplémentaire ; mais l'arsenal disponible est déjà très complet. Une fois l'équipe constituée et équipée, le joueur arrive sur l’écran de préparation. On a ici la map de la zone, sur laquelle il faut positionner son équipe sur les différents points d'entrée prédéfinis. Une fois fait, la partie commence.
C'est parti !
Il faut savoir qu'il n'y a ni sauvegarde, ni checkpoint durant les missions, il faut réussir l'objectif ou le recommencer, ce qui n'est pas très gênant. La map tient toujours sur l'écran, donc n'est jamais très grande dans l'absolu – moins de superficie par niveau qu'un Hotline Miami. Chaque mission peut être terminée en quelques minutes pour les plus longues, ou secondes pour les plus courtes, mais il faudra la plupart du temps autour d'une heure pour y parvenir, parfois même un peu plus.
Visuellement : Pas mal mais work in progress...
Les missions offrent des décors urbains (une maison, un étage de bureaux, un motel et son parking, un avion...) dans un style réaliste qu'on appréciera plus ou moins selon les goûts. L'ensemble est plutôt réussi et participe à l'immersion, même si tout cela manque au final un peu d'identité au niveau artistique. Certains trouveront que c'est joli, d'autres diront que c'est un peu fade, en tout cas, ça reste honorable, et ça regorge de détails et de diversité en ce qui concerne les objets rencontrés. Le brouillard de guerre dynamique (on ne voit que ce qu'on a en vue) vient encore renforcer l'aspect réaliste. Les animations sont convaincantes et de qualité. Mais tout ceci est encore destiné à changer. Par exemple, les sprites et animations des membres du SWAT ont récemment été changés et améliorés. C'était déjà pas mal, et c'est devenu encore mieux. A suivre...
Un éventail de possibilités
Revenons plutôt au jeu lui-même. Durant la partie, le joueur peut mettre le temps en pause à tout instant, se servir de la souris pour ajuster le chemin ou la ligne de mire de chaque homme, prévoir l'utilisation d'un objet, recharger ou changer d'arme... L'enjeu est de couvrir en permanence tous les angles, et de progresser si possible en formation, en réajustant si besoin son angle de vue. Le système est très précis dans la gestion des échanges de tirs, prend en compte les couvertures, donne une vraie impression de réalisme, et se révèle à la fois simple et très fun. Ceci étant dit, il ne pardonne aucune erreur et ne laisse nulle place au hasard. Les actions sont en fait enregistrées les unes à la suite des autres à la manière d'une liste d'attente lors de la pause, et peuvent même faire l'objet de corrections en temps réel en cas d'imprévu. D'autres actions contextuelles se débloquent près des portes : on peut au choix regarder de l'autre côté grâce à une caméra espion, ouvrir la porte, la faire sauter à l'aide d'une charge, la crocheter, ou encore ouvrir et flasher la pièce sous un angle précis. Le level design est réussi et offre de nombreuses possibilités : entre les classes, les points d'entrée et la géométrie des niveaux, chaque mission dispose d'une rejouabilité assez élevée. Malgré tout, on aimerait voir apparaître par la suite plus de matériel tactique comme des bloque portes ou des fumigènes. Il est également dommage de ne pas pouvoir procéder à des arrestations, ce qui pourrait encore enrichir un peu plus le gameplay.
Des ennemis motivés
Les ennemis, eux, sont très efficaces, ils tirent juste, voient sans limite de distance tant qu'il n'y a pas d'obstacle (comme vos SWAT), et réagissent au bruit. Ce qui est ici très important d'une manière générale, car il faudra également parfois se montrer discret : un tir entendu pourra dans certains niveaux attirer l'attention d'un ennemi, ou carrément un petit groupe armé, voire mener à l’exécution d'un otage et donc la fin de la partie. Chaque ennemi doit être pris au sérieux, car il suffit d'un ou deux tirs réussis pour que l'un de vos hommes décède, bien souvent rapidement suivi par le reste de l'équipe... Les ennemis réajustent avec succès leur mire en fonction des bruits alentour, se mettent à couvert, peuvent être alertés par un crochetage s'ils sont près de la porte... L'IA donne l'effet d'affronter des mercenaires entraînés avec un esprit réactif et c'est un point très positif. Mais la richesse de ce système réside dans le fait qu'il permet aussi d’appâter, de faire diversion, et de mettre d'autant plus de stratégies différentes en place. Notez que Door Kickers oblige toujours le joueur à traiter avec une part d'aléatoire, car la position des ennemis peut différer d'une partie à l'autre. Ce qui pousse non pas à chercher une solution au niveau en cours, mais à adopter des routines de déplacement, une tactique de base, avant d'établir une stratégie d'action. C'est là que Door Kickers atteint son but : offrir au joueur une expérience tactique au final très riche, servie par un jeu extrêmement punitif. Le skill devient primordial où rien ne peut être laissé au hasard, on finit même par avoir des théories sur les façons de passer les portes. Mais on finit par trouver ses marques, domestiquer le jeu, et finir une mission est toujours quelque chose de très satisfaisant.
Door Kickers, bien qu'étant encore en alpha, peut à ce jour être considéré comme un jeu bien fun et prometteur à plusieurs égards. Fort d'un gameplay soigné qui a l'avantage d'être à la fois exigeant, sympathique, frais et accessible, on constate dès le premières minutes que les sensations sont bien présentes. Le contenu est déjà conséquent, la réalisation en l'état est honnête mais continue à être peaufinée... Tout porte à croire que Killhouse Games possède une équipe sérieuse et bichonne son bébé avec attention. Le joueur est clairement pris au sérieux : l'aspect tactique est réel et beaucoup d'évolutions sont encore à prévoir. Si le studio conserve son cap, on pourrait bien assister à l'arrivée d'une nouvelle perle sur la scène vidéoludique indépendante. A suivre...