DUST 514 : sous ce mystérieux nom se cache une œuvre complexe dont vous avez sûrement déjà entendu parler dans nos colonnes depuis son annonce il y a près de 4 ans. Piqûre de rappel pour les troglodytes, DUST 514 se définit comme un MMOFPS free-to-play sur PS3. Comme si ce n'était déjà pas assez pour intriguer, sachez qu'il fait partie d'un projet colossal d'expérience cross-genre et cross-platform puisqu'il est intimement lié à un autre jeu de CCP, le MMORPG spatial sur PC : EVE Online. Alors, ce concept audacieux si bien vendu par les développeurs sait-il tenir ses promesses ?
Rares sont les studios qui sortent uniquement 2 jeux en 15 ans d'activité, pourtant le développeur islandais Crowd Control Productions fait partie de ceux-là. Leur premier titre, EVE Online, dinosaure de l'espace régulièrement piqué à la toxine botulique, fête cette année ses 10 ans d'activité, réunissant désormais 500.000 joueurs abonnés qui se disputent la domination de plus de 5.000 systèmes solaires. D'une incroyable profondeur et arborant un contenu titanesque aux mises à jour régulières, le titre accueille ce mois-ci son petit frère qui sort de sa bêta fermée pour s'ouvrir un peu plus au monde. Point de batailles spatiales ici puisque l'action qui nous intéresse se déroule « au sol ». Vous n'incarnez non pas un capitaine de vaisseau mais un mercenaire œuvrant pour les joueurs d'EVE Online : vous êtes leur fusil sur les planètes contestées, risquant votre vie à la bataille pendant qu'eux sirotent un lait fraise. Autant vous prévenir tout de suite : DUST 514 n'est pas un simple FPS lambda, contrairement à ce que votre esprit pourrait vous suggérer après une ou deux parties.
Prêt à faire mordre la poussière ?
Avec un concept aussi nébuleux qu'étonnant, on s'empresse très vite de rentrer dans notre première partie, après une création de personnage très sommaire et reprenant assez succinctement les bases du background d'EVE. Minmatar, Amarr, Gallente ou Caldari, le choix de faction est le même que sur le MMORPG, permettant aux joueurs PC s'essayant au titre de retrouver leurs repères. Premier choc, les graphismes utilisant le Unreal Engine 3 sont, pour être poli, « désuets ». Pas de comparaison technique possible avec un Battlefield ou un Call of Duty car l'intérêt ici n'est clairement pas dans la réalisation. De ce fait, la grandissante caste de joueurs donnant plus de crédit aux graphismes plutôt qu'au contenu sera très vite déçue. De même, le débutant sera rapidement noyé sous un flot important d'informations à travers des tutoriels présents et efficaces, traduisant l'influence ménagée du grand frère PC, bien connu pour sa phase de découverte longue, complète, mais pouvant s'avérer déroutante. L'ergonomie est ici adaptée au public consoles et lui indique les bases sans toutefois trop rentrer dans les détails.
Le tour du propriétaire :
On en vient vite à se demander si le titre n'est qu'un simple FPS multi ou si quelque chose de plus étoffé se cache derrière ces textures fadasses. Cette question trouve très vite une réponse lorsque l'on se balade dans les menus du jeu. Outre le classique accès direct au champ de bataille, on se retrouve face à un important système de personnalisation de notre mercenaire, intimement lié à un système de montage de combinaison, nous permettant de customiser des classes prédéfinies ou d'en créer de nouvelles. Comme dans tous les free-to-play, on trouve inévitablement le marché, très complet et dont l'importance prendra tout son sens une fois les premières parties achevées. Côté modes de jeu, force est de constater que le panel de batailles proposées reste assez classique. Les Embuscades sont des Team DeathMatch embarquant un système de tickets et les Embuscades OMS sont une évolution du mode susnommé incluant cette fois des tourelles de défense, des dépôts de ravitaillement et autres installations permettant un brin de tactique. On trouve également des Escarmouches, dans lesquelles deux équipes s'affrontent pour la prise de contrôle de canons servant à bombarder les bases de l'adversaire, mode qui trouve également sa variante sous la forme des parties en Domination, dans lesquelles un seul canon puissant sera l'objet de toutes les convoitises. Classiques et efficaces, ces modes représentent la base de vos combats.
Free-to-play ou Pay to Win ?
Le marché in-game, dont nous vous parlions plus haut, voit cohabiter deux monnaies, comme dans la plupart des free-to-play. Outre les ISK qui résultent de votre capacité au combat et dont vous serez grassement rémunéré en fin de partie, on trouve l'AUR (pour Aurom), la monnaie résultant de transactions réelles. La question est évidemment de savoir s'il s'agit d'un modèle bien calibré ou d'un Pay to Win accordant bien trop d'avantages sur le terrain aux joueurs déboursant quelques deniers de leur poche. Rassurons-nous tout de suite, la monnaie réelle ne permet que des avantages relatifs mais pas vraiment décisifs. Au menu : des boosters d'XP que l'on peut monter à son personnage mais aussi des packs d'équipement et l'accès à certaines armes, cela dit il n'existe que très peu d'items que l'on ne puisse pas acquérir moyennant quelques brouettes d'ISK. Au niveau des formules payantes, on remarque qu'il y en a pour toutes les bourses, allant de 2 € à 100 €, octroyant des AUR sur une base non dégressive.
"Est-ce qu'on sent bien la poussière quand on marche ?"
Pour revenir aux sensations de jeu en elles-mêmes, il faut bien l'avouer, jouer à DUST 514 nous ramène souvent quelques années en arrière. Tout comme la réalisation, le gameplay au pad est un peu daté. Les rotations de votre personnage, point essentiel d'un FPS, sont ici relativement lentes et scelleront plus d'une fois votre perte, du moins je vous le souhaite car elles ont scellé la mienne plus d'une fois ! Néanmoins, un point extrêmement positif du jeu est sa compatibilité clavier / souris en USB, très rapide, et permettant "presque" de retrouver les sensations d'un FPS PC sur consoles. Un autre point original du soft est le fait que vous passerez quasiment autant de temps dans les menus, les marchés, les arbres de compétences, la customisation de votre équipement (composant les fameuses combinaisons "dropsuit"), que vous ne passerez de temps à jouer. En effet, l'importance de cette personnalisation très complète et de cette véritable planification de votre évolution en tant que soldat tient ici une part cruciale dans le gameplay, influençant la quasi-totalité des paramètres de votre mercenaire, qu'il s'agisse des armes dont vous pouvez disposer, de la capacité à encaisser les dégâts, de votre régénération de bouclier ou de vos capacités sur le terrain.
"Tu es né poussière et tu redeviendras poussière"
Cette fameuse customisation, vous allez la bosser ardemment pour une seule et bonne raison : si vous mourez sur le champ de bataille avec un équipement customisé, vous le perdez ! Je m'explique : imaginons que vous créez un montage (une dropsuit customisée) embarquant un fusil d'assaut acheté préalablement au marché avec vos ISK (les fameux crédits gagnés après chaque bataille). Vous vous connectez à une partie, vous sélectionnez votre montage, et vous commencez à jouer. Manque de bol, un sniper vous colle une balle entre les deux yeux, vous faisant ainsi perdre littéralement votre équipement. Au respawn, qui a lieu généralement 10 secondes plus tard sur une position possédée par votre équipe, si vous souhaitez bénéficier du même montage d'équipement qu'avant votre duel foireux face au sniper évoqué précédemment, il vous faudra « restocker » les éléments consommables de votre dropsuit. Il peut s'agir du fusil d'assaut si vous n'en aviez acheté qu'une seule unité ou d'éléments tiers : améliorations de combinaison, la combinaison en elle-même, grenades et autres modules. Cet aspect « consommable » de votre équipement colle alors au joueur une véritable pression et induit une réelle nécessité de gestion dans son style de jeu.
Pas de panique, il existe des montages illimités (ceux de base : sniper, médecin, assaut, antichar) sur lesquels vos morts n'auront aucune influence. Ne soyez donc pas trop gourmand en utilisant du stuff coûteux si vous voyez que votre partie se déroule mal et que vous enchaînez les morts, car le coût en "restockage" dépassera probablement vos gains financiers à l'issue de la partie. Cet aspect gestion est d'ailleurs exacerbé par la multitude d'arbres de compétences qu'il vous faudra visiter pour assurer le maniement de vos armes ou pour l'utilisation de pièces d'équipement particulières. Ces mêmes compétences nécessitent au passage des ISK et des SP (Skill Points) pour être déverrouillées puis activées, ce qui impose encore une fois une certaine intelligence dans votre planification stratégique vis-à-vis de la gestion de vos dépenses. Quel type de profil voulez-vous utiliser en priorité ? Voulez-vous vous spécialiser dans un style de classes ou être polyvalent ? Cette nouvelle arme achetée vaut-elle le coup de dépenser autant de SP pour être utilisable ?
Comment ça se passe avec nos amis en vaisseau spatial ?
Pour revenir aux parties en elles-mêmes, cela ressemble assez à ce que l'on peut voir dans un Planetside ou dans un Battlefield, à savoir des grandes maps, de la conquête progressive de territoires et des véhicules livrables dont certains sont accessibles en nombre illimité. Le jeu se voulant à la base multisupport, puis finalement dédié aux machines de Sony, les possesseurs de PS Vita auront le plaisir de retrouver le HUB du jeu, le Neocom, directement sur leur console portable. Ainsi ils pourront préparer leur bataille le temps d'allumer leur PS3. Certains joueurs remarqueront d'ailleurs lors de leur partie que des frappes orbitales viennent parfois terrasser l'ennemi, ou votre camp, de manière inexpliquée. C'est là qu'entrent en jeu les joueurs d'EVE Online, qui depuis leur ordinateur peuvent littéralement intervenir dans les parties consoles.
Nous le disions précédemment, il y a une interaction entre le MMOFPS DUST 514 et le MMORPG EVE Online. Cette interaction, présentée et calibrée pendant des mois lors de la bêta fermée du jeu consoles, est aujourd'hui bien visible malgré le fait qu'elle soit si peu mise en avant. En effet, les joueurs d'EVE Online peuvent proposer aux joueurs consoles de prendre part à la bataille pour le contrôle de zones de certaines planètes : les fameux districts (qui représentent les maps du jeu consoles). Ce rapport de mercenaire à commanditaire est d'ailleurs bien visible pour le joueur consoles qui se voit alors proposer des missions à 32 joueurs sous la forme d'escarmouches dont l'aboutissement aura une réelle influence sur le contrôle factionnel des planètes dans le MMORPG. C'est pour l'instant au niveau des fameuses frappes orbitales que le cross-genre en temps réel se produit. En effet, si un chef d'escouade dans DUST 514 arrive à réunir assez de War Points, (résultants de l'accomplissement d'objectifs, des frags, ou des captures d'installation), il peut demander aux joueurs du MMORPG une frappe orbitale qu'il localisera au sol, assurant ainsi un avantage relatif à son camp. Là encore le statut « en chantier permanent » du jeu consoles, qui bénéficie régulièrement de mises à jour et de calibrage, impose une certaine timidité et un flou informationnel remarqué au niveau de ces interactions. Et si l'on nous promet un réel partage entre les deux jeux, il est pour l'instant relativement faible bien que potentiellement incontournable.
Des réserves quant au futur
Si l'éditeur et développeur islandais prévoit une vision à long terme sur 5 ans lors de ses présentations au public, on ne peut que pointer du doigt le manque d'intensité actuelle de la relation EVE-DUST alors que les deux jeux sont censés fusionner à terme. Si le manque d'informations concernant les ajouts futurs se fait ressentir, on peut toutefois mentionner quelques bonnes idées qui risquent de débarquer dans les mois suivant cette sortie : fusion des marchés permettant aux joueurs d'EVE de fixer des prix avantageux pour les mercenaires qu'ils engagent, batailles en arènes sur lesquelles les joueurs d'EVE peuvent parier, relation entre les districts gagnés par les joueurs de DUST et les ressources amassées par les joueurs d'EVE permettant à ces derniers de livrer des armes à prix cassé à leurs mercenaires préférés...
Calibrer deux jeux substantiellement différents et les faire se rejoindre sur plusieurs points, le tout dans un univers persistant, est un défi à la fois audacieux et requérant beaucoup de temps, nous l'avons bien vu avec l'évolution entre la bêta fermée et la sortie du jeu : les promesses ne sont pas toutes tenues. En pratique, le joueur de DUST 514 sera au début plutôt perdu quant à ses possibilités sur le champ de bataille, le forçant à se renseigner par lui-même auprès d'une communauté déjà bien établie afin de comprendre les divers mécanismes animant le jeu, notamment au niveau des interactions avec les grands patrons spatiaux dont dépendent leurs missions. Néanmoins, nous connaissons la capacité de CCP à fournir des mises à jour régulières sur PC et leur récent accord avec Sony afin d'updater rapidement et efficacement DUST laisse présager un suivi de qualité. On espère donc que dans un avenir proche, le titre bénéficiera d'une plus ample clarté servant un concept fort intéressant. Reste à savoir quand ces améliorations capitales verront le jour et comment elles serviront ce MMOFPS d'apparence simpliste, cachant un potentiel bien réel et encore à peine abordé.
Points forts
- Une expérience free-to-play pour consoles d'une profondeur rare
- La customisation très riche et exigeante
- L'ergonomie adaptée à la console
- Le principe des "dropsuits consommables"
- Les interactions actuelles et surtout futures entre les deux jeux
Points faibles
- Un gameplay et une réalisation datés
- Le flot d'informations à prendre en compte
- Des interactions aujourd'hui encore assez limitées
DUST 514 est un MMO tentaculaire de niche, dont on ne devine le potentiel qu’au bout de plusieurs dizaines d’heures de jeu. Le fait que le MMOFPS soit vivement marqué par ce trait de caractère typique déstabilisera les débutants tout en leur offrant un aperçu du potentiel bien plus vite que son grand frère PC. Malgré les nombreuses qualités actuelles, notamment au niveau de la customisation et du principe de jeu basé sur l'usage d'équipements consommables, on regrette l'absence (pour l'instant) d'interactions réellement décisives entre les deux jeux. Nul doute que ces dernières arriveront dans les mois à venir.