Le jeu vidéo est un art. Il nous transpose dans des univers oniriques, parfois monstrueux et repoussants, régulièrement enchanteurs et magiques. Le média vidéoludique nous fait vivre des aventures palpitantes qui marquent à jamais et laissent un souvenir impérissable. De temps en temps, un de ces jeux nous transcende et procure des sensations insoupçonnées. Parfois, un titre particulier utilise des mécanismes ou des concepts qui transforment l’expérience du joueur en quelque chose de très spécial. Bienvenue dans le monde de Don't Starve.
Ne meurs pas de faim ! Cette petite phrase résonne tel un appel désespéré à la survie, au dépassement de soi, au combat permanent contre son environnement pour réussir, à force de volonté et de courage, à être le témoin d'une journée supplémentaire. Ce fameux lendemain qui pourrait bien être le dernier tant l'univers de ce titre est peuplé de dangers et de pièges dont l'issue est toujours létale. Et cette fameuse mort n'est pas qu'un simple élément de gameplay car ici le trépas est définitif. Se débattre des journées entières pour au final voir tous nos efforts réduits en poussière et devoir recommencer une nouvelle fois. Une expérience frustrante ? Assurément. Mais une expérience jouissive car elle nous force à apprendre, recommencer, et au final, à se dépasser pour enfin réussir à voir ce nouveau lever de soleil.
Ton univers impitoyable
Ce jeu atypique surprendra de bien des façons grâce à son monde hostile et effrayant. Œuvre du démon Maxwell qui a transféré grâce à sa malice le jeune scientifique Wilson dans cet univers étrange que nous découvrons en même temps que l'avatar, ce dernier ne semble pas bien comprendre ce qui l'attend. Ainsi, aucune indication n'attend le joueur lors de ce premier jour. Pour simple conseil, celui de Maxwell : "la nuit arrive, tu devrais manger". Et nous nous exécutons. Il faut se mettre à la recherche des matériaux pour faire du feu : les branches et les cailloux sont nécessaires à réaliser une hache qui va permettre quant à elle à couper du bois pour enfin réaliser cette flamme salvatrice et indispensable à la survie. Car dans Don't Starve la nuit est un monde de ténèbres où les créatures les plus sauvages n'hésitent pas à vous découper en morceaux si vous n'êtes pas protégé par la lumière ambiante.
Passé ce premier jour dans ce monde terrifiant, il va falloir penser à se remplir l'estomac. Car Don't Starve porte bien son nom. Une jauge indique en permanence l'état de faim. Une fois vide, cela signifie la mort. Il faut donc se mettre à la recherche de denrées pour se remplir la panse. Carottes, baies, champignons, fleurs, viande, tout est disponible quand on sait où chercher. Néanmoins, le monde dans lequel nous avons échoué est incroyablement hostile. Ici, à peu près tout ce qui bouge semble vouloir notre mort et la nourriture n'échappe pas à cette règle. Il faut ainsi veiller à ne pas la laisser pourrir ou ne pas manger des champignons de la mauvaise couleur, de la viande venant du mauvais animal, etc. Ingurgiter de la nourriture avariée ou de qualité douteuse a pour conséquence de faire baisser la jauge de santé mentale. Arrivé à un niveau dangereusement bas, elle fera subir des hallucinations et nous transposera dans un monde "différent" où les lapins se transforment en monstres, des ombres étranges apparaissent au loin, des yeux menaçants surgissent des ténèbres de la nuit. Un univers assurément glauque mais pas nécessairement inutile puisqu'il permet de récolter certains objets nécessaires pour la fabrication de matériaux qui ne sont pas disponibles dans le monde "normal".
Survival Simulator 2013
Car le craft a un rôle prépondérant dans Don't Starve. Une fois les premiers jours de survie passés, il nous faut alors réfléchir à la suite de notre aventure. Comment progresser ? Comment devenir plus fort pour affronter les épreuves qui guettent avec plus d'entrain ? La solution la plus simple prend souvent la forme d'un camp à placer astucieusement sur la carte immense générée aléatoirement à chaque début de partie (mais où la présence de téléporteurs disséminés ici et là permet de réduire légèrement les distances). Mais attention, l'emplacement de votre base est primordial pour espérer survivre. S'installer près des terriers de lapins fournira pléthore de carottes et de la viande mais peu d'engrais. S'installer près des beefalos, ces créatures puissantes mais pacifiques, garantit la présence de déjections en quantité pour se lancer dans l'agriculture. Enfin, les cochons humanoïdes vous fourniront également leurs excréments à condition de les nourrir de fleurs ou de baies. Ils pourront également devenir alliés à condition de fournir la bonne quantité de viande. Néanmoins, attention ! Ils se transforment en cochon-garou à chaque pleine lune et attaquent à vue. Il faut donc ne pas s'installer trop près de leur résidence. Comme souvent dans Don't Starve, la prise de risque doit être mesurée et calculée pour espérer avoir une chance de survivre. Une fois confortablement installé, il est temps de se mettre à fabriquer des objets pour la progression de l'aventure. Ce sac à dos par exemple, me permettra de transporter plus d'objets que les 15 emplacements de l'inventaire de base. Cette armure me permettra de résister un poil plus longtemps aux attaques des créatures hostiles, ces blocs de pierre me permettront de construire une cloison autour de mon camp, etc. Les possibilités sont énormes et chaque partie peut prendre une tournure différente en fonction de vos envies et motivations, mais également en fonction de la configuration du monde qui change à chaque fois, pour le meilleur et parfois pour le pire. Car cette gestion aléatoire peut devenir terriblement injuste. Que faire par exemple si vous installez votre camp stratégiquement pour réaliser en cours de partie que le chemin pour récolter de la nourriture est long et fastidieux ? Surtout que l'hiver approche...
Winter is coming !
L'hiver, cette saison terrible où le mot "survivre" prend tout son sens. Pendant les périodes de grand froid, la nourriture devient rare et la température glaçante achèvera le personnage si il ne dispose pas des objets nécessaires. Pendant ces longs jours, se retrancher près d'un bon feu avec sa propre agriculture et ses réserves de nourriture récoltées pendant l'été permet d'accueillir cette période meurtrière les bras ouverts. Il est également possible de crafter un outil permettant d'indiquer si l'hiver arrive, pour mieux anticiper cette saison terriblement difficile psychologiquement. Car mal préparer l'arrivée du grand froid signifie une mort cruelle. Cette mort permanente si frustrante qu'il est quelquefois - pas souvent - possible de contourner grâce à plusieurs stratagèmes. Par exemple, plusieurs "sanctuaires" sont disséminés dans la carte, libre à vous d'aller les toucher – ou pas. Une fois activés, ils feront revenir le personnage du monde des morts en laissant toutes les affaires sur le lieu du trépas. Il est également possible de trouver ou de créer plusieurs artefacts pouvant ressusciter le joueur. Mais attention à ne pas en abuser car la jauge de santé mentale pourrait ne pas apprécier.
Si cette mort permanente semble particulièrement cruelle, elle n'est pourtant pas dénuée d'intérêt. En effet, en plus d'avoir une fonction extrêmement éducative (on répète rarement deux fois les mêmes erreurs), les jours de survie fournissent des points d'expérience. Plus la durée de la partie a été élevée, plus ces points sont nombreux. Ils permettent de débloquer d'autres personnages. Ces nouveaux troublions possèdent des caractéristiques qui rendront la progression plus aisée. Par exemple, la pyromane est immunisée au feu et fait des étincelles la nuit ; l'homme fort terrasse ses ennemis avec plus d'aisance et n'est pas autant affecté par la faim que ses comparses ; le robot peut manger de la nourriture avariée sans en subir les conséquences, etc. De plus, deux personnages sont à débloquer dans un mode spécial nommé "Aventure" caché dans le mode Survie (celui de base). Ce mode diffère radicalement du jeu original et donne l'opportunité de partir à la recherche de trésors cachés dans cinq mondes différents. Dans ce mode, la mort n'est pas définitive mais donne l'opportunité au joueur de recommencer sa progression. Un plus non négligeable.
Quelques défauts mais un développeur à l'écoute
Ce monde si riche, si vaste, si prenant n'est pourtant malheureusement pas dénué de quelques petits défauts pouvant gâcher un chouïa l'expérience, mais qui sont heureusement contournables grâce à la présence d'options apparues dans les dernières mises à jour. D'une part, comme précisé un peu plus haut, la configuration du monde est totalement aléatoire et peut vite laisser de la place à l'injustice la plus cruelle. Néanmoins, il est possible de conjurer un peu le destin puisque le jeu laisse le loisir au joueur de décider en quelle quantité il souhaite voir un élément dans le jeu. Peu de monstres ? Beaucoup de nourriture ? Pas de soucis ! Il est également très rapidement rebutant d'avoir à réaliser les mêmes actions encore et encore à chaque début de partie, surtout après une mort stupide qui laisse sur les nerfs. Il est toutefois possible d'accélérer le processus grâce à la présence d'un mode "accéléré" qui fournit dès le premier jour une grande quantité d'accessoires rendant les premières minutes moins monotones. Enfin, l'aspect sonore du titre pèche par la présence des mêmes thèmes s'activant à heures fixes (lever du jour, tombée de la nuit...), tant et si bien qu'on aura vite tendance à désactiver la musique pour se laisser submerger par les bruits d'ambiance qui sont quant à eux plus réussis. Néanmoins et malgré la présence de ces quelques éléments agaçants, les développeurs de Klei Entertainment semblent à l'écoute de la communauté depuis le lancement de la bêta il y a plusieurs mois de cela. Ils ont par ailleurs promis des mises à jour régulières et gratuites jusqu'en octobre 2013. Des updates qui pourraient bien faire passer ce Don't Starve du statut de jeu extrêmement sympathique et addictif à celui de titre exceptionnel si les griefs des joueurs continuent à être écoutés.
Points forts
- Un titre terriblement addictif
- Un monde vivant
- Des possibilités quasi infinies
- Des mises à jour régulières
- Le prix (moins de 14 € pour une infinité d'heures de jeu)
- Des graphismes enchanteurs
- La présence cachée du mode Aventure
- La possibilité de configurer la "difficulté" du jeu selon ses envies
- Des personnages jouables aux caractéristiques variées
- Une progression frustrante mais gratifiante
- Une grosse communauté de moddeurs
Points faibles
- La grande injustice de certaines cartes
- La frustration de devoir réaliser les mêmes actions à chaque début de partie
- La musique répétitive
- Seulement en anglais pour l'instant
- Un jeu qui conviendra mal aux plus impatients
- Assez répétitif par moments
Se lancer dans Don't Starve est une expérience qui ne laisse pas indifférent. Une fois submergé par cet univers merveilleusement terrifiant et horriblement magique, il est alors extrêmement difficile de quitter les yeux de l'écran. Réussir sa meilleure partie, survivre le plus longtemps possible, crafter cet objet qui permettra de vivre quelques jours de plus, il y a toujours une raison pour continuer, quelque chose à faire, à voir, à explorer, à combattre sans aucun autre but que celui de se surprendre soi-même. Malgré quelques défauts agaçants et la nécessité de devoir trop souvent répéter les mêmes gestes, ce Don't Starve n'en demeure pas moins une expérience intense et incroyablement addictive. A 14 €, il serait dommage de s'en priver.