Tout droit sorti des esprits fumants d'une dizaine d'étudiants hollandais, Atum fait partie des nombreuses bonnes surprises vues cette année dans le monde du jeu indépendant. Véritable ovni de par son gameplay qualifié de multicouche, il parvient du haut de sa durée de vie très réduite à nous faire jubiler, et c'est bien là ce qu'on lui demande !
Un projet étudiant accessible et déroutant
Simulant un studio de développement de jeux vidéo à raison d'une journée par semaine durant près de 10 mois, une dizaine d'étudiants de l'Université des Sciences Appliquées de Breda ont pondu un titre, ou plutôt un prototype que l'on peut qualifier d'intense, déroutant, et bigrement impressionnant : Atum. Mélangeant des notions de FPS et de jeu de plates-formes, cette expérience à la croisée des chemins, aussi courte qu'innovante, ouvre les portes d'un genre jusqu'alors peu exploité, celui du jeu dans le jeu. Son accessibilité du fait de sa gratuité en fait un must-try, qui plus est directement jouable sur navigateurs après avoir installé un petit plug-in. On en ressort une grosse demi-heure plus tard en ayant la nette impression d'avoir expérimenté quelque chose de différent et d'inédit. Et si vous, joueur, n'avez jamais joué à un jeu où l'on joue un joueur jouant à un jeu vidéo, vous vous devez carrément d'essayer !
« gameplay multicouche », késako ?
Le concept en lui-même paraît déjà étrange sur le papier : on incarne un gamer s'essayant à un soft un peu particulier, avec lequel il peut directement interagir à travers son écran. C'est d'ailleurs là que le terme « gameplay multicouche » prend tout son sens. Un exemple s'impose afin d'illustrer l'ingéniosité des situations rencontrées. Votre « premier personnage », assis devant son ordinateur, joue à un jeu de plates-formes dans lequel le héros évolue dans des niveaux hostiles. Ce « second personnage » (celui à l'intérieur du jeu de plates-formes) se retrouve bloqué devant une caméra de sécurité impossible à passer sans ruser. C'est alors à vous, à travers les yeux du joueur assis devant son ordinateur, d'observer les alentours de la pièce à la recherche d'un objet pour aider le héros du jeu de plates-formes. Vous repérez sur le bureau une cigarette allumée, en la prenant en main et en la faisant bouger près du moniteur, vous « enfumez » littéralement le couloir dans lequel se trouve la caméra de sécurité et permettez ainsi au personnage du jeu de plates-formes de passer sans être repéré. C'est un exemple parmi tant d'autres de l'usage du fameux « gameplay multicouche », ce dernier vous réservant plusieurs séquences où les objets environnants sont nécessaires pour résoudre les puzzles à l'intérieur du jeu de plates-formes. Cette véritable « mise en abyme », comprenez « une oeuvre à l'intérieur d'une oeuvre », déstabilise quelque peu le joueur, car elle le force à se focaliser sur plusieurs plans alternativement. On en oublie même parfois que l'on joue à un jeu dans le jeu, ne sachant plus quoi faire pour résoudre un puzzle alors que la réponse est tout simplement au premier plan et non au second. Cette dualité constante se traduit également par la jouabilité, proposant des contrôles tantôt à la souris pour le joueur, tantôt au clavier pour le personnage du platformer.
Une esthétique et une ambiance travaillées
D'un point de vue purement technique, Unity 3D, un des moteurs fétiches de la sphère indépendante, brille une fois de plus par son accessibilité pour les quelques irréductibles développeurs encore convaincus que le tape-à-l'oeil ne fait pas tout. Concept audacieux jusqu'au bout des pixels, Atum affiche deux ambiances visuelles bien distinctes. Au premier plan s'offre à vous un style graphique réaliste caractérisant l'univers du joueur devant son PC. Ce premier plan de jeu vous permet d'observer une pièce fournie en détails et dont l'absence générale de textures titillera sûrement certains. Faut-il y voir un manque d'attention de la part des développeurs ? Sans doute que non car il y a fort à parier que ce choix esthétique ait été décidé sciemment afin de créer un décalage avec le second plan. En effet, si la pièce dans laquelle le joueur se trouve est un brin tristounette, le monde du jeu de plates-formes dispose, quant à lui, d'une âme certaine. On y incarne un personnage en surbrillance grisée évoluant dans des niveaux sombres jalonnés de barils explosifs, de mécanismes à activer et de caméras de sécurité. Les environnements en 2.5D y sont d'ailleurs parsemés de tags et autres inscriptions anarchistes, posant alors les bases d'une ambiance oppressante, laquelle est largement soutenue par une bande-son de qualité alliant musiques inquiétantes et sirènes lointaines. Autre point positif renforçant l'interaction entre le jeu et le gamer : le héros du jeu de plates-formes parle et n'hésite pas à donner des conseils au joueur, se plaignant par exemple de l'obscurité pour l'inciter à utiliser un briquet devant l'écran et ainsi éclairer le niveau. L'oeuvre se veux donc déstabilisante tant dans son gameplay que dans son ambiance, et apporte à l'océan indépendant une nouvelle vague dont la fraîcheur nous ravit.
Points forts
- Un régal de gameplay émergeant
- Une réalisation de qualité
- Le plaisir de faire tester le jeu à son entourage
Points faibles
- Peu d'objets
- Trop court
- Quelques soucis de caméra et de déplacements
Au final, le titre, bien qu'étant extrêmement court et ne mettant à la disposition du joueur que 4 objets, réussit son pari et nous étonne du début à la fin. La petite équipe d'étudiants prouve qu'elle a l'étoffe d'un grand studio et offre là une excellente conception avant-gardiste et atypique qui s'avère, en plus, être très jouable. Cerise sur le gâteau, cette très sympathique expérience est gratuite et accessible sur navigateurs, alors pourquoi s'en priver ?