Il était une fois, sur les revers d'une colline d'émeraude, un garçon qui souhaitait dévoiler sa flamme à sa belle. Le rêveur, gorgé d'amour et de passion, traînait la lune décrochée au bout d'un fil. Le temps était venu de chanter ses sentiments à l'être aimé. Soudain, au gré du vent, un ange passa. Quelle beauté ! L'amoureux, déterminé, suivit sa dulcinée à la trace. Quand il la rattrapa, à bout de souffle, la désillusion fut grande : elle lui refusa son amour passionné. Ô malheur ! Ô désespoir ! Son cœur était déjà pris. Comment ? Et qui était donc le prétendant de sa dame ? Une gazelle. Une gazelle...
Les femmes sont-elles capricieuses ? Question délicate. Boy Loves Girl prend pourtant le pari d'y répondre en puisant sa source dans le mythe de la dame capricieuse. Un garçon fougueux, avide de félicité amoureuse, est en quête chevaleresque de sa belle. Quand il la croise, elle prend la fuite ; chose qui n'est pas sans rappeler le célèbre « fuis-moi, je te suis ». Le romantique prend alors le pari fou de la poursuivre. Le point de départ du jeu est tracé : courir après cette mignonne échappée. Comment venir à bout de cette douce rêverie ? Regarder le garçon faire sa petite trotte. Mais surtout, contrôler la petite lune traînée en boulet du bout du doigt, en proie à de vils nuages dont il faut se défaire. Dans quel dessein ? Récolter de jolis sourires et de jolis cœurs. Se lier d'amitié avec des animaux. Fonder un troupeau et les offrir gracieusement à sa dame. Ceci pour enfin la conquérir et mériter tout son amour. Et pourtant ! Si tout était aussi simple... A genoux devant l'être aimé, les animaux à sa merci, la belle revient inlassablement sur ses paroles. Elle dit tout haut son amour pour de nouvelles bêtes et s'enfuit vers d'autres cieux. Sans raison aucune. Une fois de plus. Le pauvre garçon, laissé pour seul, rumine alors la non-réciprocité de cette relation à tirer les pétales d'une marguerite... Hélas ! On ne badine pas avec l'amour.
Tellement je t'aime, passionnément, à la folie
Malgré les déboires du garçon relatés au clair de lune, le gameplay ne se concentre pas sur ce dernier. La lune est la véritable protagoniste de ce titre. Elle progresse sans effort, le long d'un tableau à scrolling horizontal automatique, guidée avec grâce par le garçon vaqué à son rôle de figurant. Depuis les cieux, il suffit donc de faire glisser la lune de haut en bas, du bout du doigt, afin d'éviter et se défaire des nuages belliqueux. Mais que sont ces nuages ? A la fois des obstacles et des ennemis. Si la lune les percute, c'en est fini d'elle. Si les nuages attaquent la lune, fin de partie. Aussi, il faudra faire preuve de dextérité pour ne pas finir en mille morceaux. Ces nuages possèdent de multiples visages et des mouvements propres pour venir à bout de la lune. Le nuage endormi, par exemple, sème de petits « z » au gré de ses échappées oniriques. Ces « z » volent alors haut vers le ciel ; si la lune vient à les percuter, la partie est terminée. Il en est de même si les nuages roquettes lui foncent dessus, si la lune passe sous le torrent de larmes des nuages pleureurs, et ainsi de suite. Pour lui faciliter la tâche, il vous faut donc interagir avec ces nuages. Appuyer sur le nuage endormi, entre autres, le réveillera, et ce dernier cessera de vous abreuver de ses « z ». Le concept bien en main, la faiblesse des nuages acquise, les tableaux s'enchaîneront assez vite et défaire ces nuages sera un véritable jeu d'enfant.
Une odyssée laborieusement idéalisée
Ce gameplay, relativement accessible au demeurant, est toutefois gâché par une difficulté mal dosée. La faute aux objectifs imposés par les différents tableaux. Il ne suffit pas, en effet, de monter ou de descendre la lune pour arriver au terme d'un tableau. Un tableau est l'occasion d'apprivoiser un animal, sinon de poursuivre la dame. Pour ce faire, il s'agit de mener des objectifs à bien, comme récolter des sourires, lancer des étoiles filantes ou bien éliminer un certain nombre de nuages donné. Si vous ne parvenez pas à remplir un des objectifs avant le temps imparti : fin de partie. Il vous faut recommencer le tableau. Si le début du jeu ne posera peu, si ce n'est pas de difficulté, la suite ne sera pas toujours une partie de plaisir. Plus encore, si vous souhaitez décrocher un score parfait. Chose qui se révélera de toute façon nécessaire. Car, arrivé à la forêt de l'amour, le pire est peut-être à venir : ce monde conclusif vous imposera d'obtenir un score parfait dans la quasi-totalité des tableaux pour découvrir le fin mot de l'histoire. Autant dire que jamais courir après les rayons de lune ne vous aura semblé aussi passablement laborieux. Et plus encore face à la rigidité des objectifs à remplir. Du début jusqu'à la fin, le titre vous quémandera de répéter un processus sempiternel : récolter des sourires et éliminer un tel nuage puis récolter d'autres sourires, éliminer un autre nuage, parfois lancer une étoile filante dans le ciel. Jamais l'expérience ne se renouvelle, les objectifs se voient à peine modifiés, et ce au grand dam du joueur désabusé d'appliquer une même formule de façon bête et méchante.
De la poésie ornithologique au service d'un amour courtois
Boy Loves Girl met malgré tout en scène cette amourette avec poésie. La musique d'écran titre enjouée, déjà, nous plonge avec allégresse dans cette douce rêverie. Le ton se fait en revanche plus calme la partie lancée. Le silence mièvre, saupoudré de cris d'oiseaux ô combien lyriques, règne alors en maître – la confusion avec un zoo ne serait pas si futile. Ce serait omettre la présence des bruitages incessamment agaçants que produisent les notifications des objectifs, les nuages, la lune et les pas du garçon. Et ce serait également passer aux oubliettes les voix curieusement macabres qui achèvent les tableaux sur fond de marguerite à décortiquer... Au nom d'une certaine poésie, l'ambiance sonore se fait donc assez faible, sinon paresseuse, et lasse au fil des tableaux. Tableaux heureusement colorés, divers et variés, qui entraînent la lune et son maître jusqu'au bout du monde. De la belle plaine au désert pharaonique, jusqu'à la divine forêt de l'amour, le titre s'offre le luxe d'un dépaysement constant dont il serait vain de se plaindre. Plus encore lorsque ces fresques sont servies d'un style graphique fait main aguicheur, parfois grossier et enfantin, souvent bien animé, mais hélas dénué de toute vie – si ce n'est cette foule d'animaux qui se pavane sans cesse autour du garçon. L'ensemble se révèle ainsi assez morne et seul le doux murmure du vent saura, au mieux, combler cette solitude jamais satisfaite par la femme aimée.
Points forts
- L'effet poétique à coups d'oiselets...
- Un gameplay sympathique et intuitif au premier abord
- L'animation rigolote des animaux
Points faibles
- ... qui nous plonge au coeur d'un parc ornithologique
- La redondance des objectifs
- Une exigence de jeu déconcertante pour en venir à bout
Courir après les rayons de lune n'est pas chose aisée. Boy Loves Girl, malgré un pitch séduisant, est un titre qui aura tôt fait d'être redondant. Faute d'un concept qui s'use au fil d'une progression saccadée par une exigence de jeu déconcertante. Si jouer le petit prince ou l'ami Pierrot la tête dans les nuages vous sied, l'expérience est à tenter. Dans le cas contraire, passez votre chemin ; sa seule poésie ne parviendra probablement pas à vous satisfaire.