Trois ans après un excellent God of War III, Sony remet le couvert en proposant un ultime épisode d'une de ses plus juteuses franchises avant de passer à la génération PS4. Cerise sur le gâteau, ce segment propose un mode multijoueur en plus d'une aventure solo s'intéressant au passé de Kratos. Vu sous cet angle, God of War : Ascension a plus d'un atout dans sa manche pour prétendre au statut d'indispensable, sauf que dans les faits, ce n'est pas aussi simple.
Bien que God of War ait par certains côtés redéfini le genre du beat'em all, cela ne l'a pas empêché, au fil des ans, de proposer des épisodes à intervalles réguliers, que ce soit sur PS2, PSP ou bien encore PS3. Si ces derniers ne sont pas de qualité équivalente, difficile de remettre en cause la suprématie incontestable de la saga pour ce qui est de la mise en scène notamment. Pourtant, l'aura autour de God of War : Ascension se sera révélée moins importante, peut-être à cause d'une communication beaucoup trop axée sur le multijoueur, composante importante de cet épisode mais au final moyennement attendue par les fans de la première heure. Et c'est bien là que le bât blesse car en parallèle du multi, l'aventure solo se devait d'être au moins aussi bonne que celle de ses aînés. Malheureusement, c'est loin d'être le cas, même si le tout repose sur les acquis de la série.
C'est dans les vieux pots...
Ainsi, tout en nous narrant une histoire se déroulant avant les événements contés dans les précédents opus, God of War : Ascension se borne à reproduire à l'identique la formule de ses aïeuls sans pour autant y injecter ce zeste d'humour et cette once de folie faisant le charme de la saga. En résulte alors un titre possédant d'indéniables qualités, mais ne parvenant jamais à se hisser au niveau du deuxième épisode qui reste, avec God of War III, le meilleur représentant de la série à l'heure actuelle. A quoi est dû cet état de fait ? A plusieurs choses, dont un manque cruel d'originalité et d'ambition. Tout d'abord, ce qui prédomine quand on joue au Solo d'Ascension, c'est un fort sentiment de déjà-vu. Que ce soit au niveau du bestiaire (identique ou à peine modifié par rapport à celui de GoW III), de l'agencement des séquences d'action ou de l'évolution des armes, rien ne change. Frustrant, surtout que le level design se montre clairement moins inspiré que celui du précédent volet. Du coup, on avance comme une âme en peine, on défonce ce qu'il y a à défoncer, on résout quelques énigmes et ce, jusqu'à l'apparition du mot «Fin», au bout de la trentaine de chapitres réclamant moins de neuf heures pour être bouclée. Un peu léger.
Des énigmes mieux intégrées
Au-delà de ce ressenti plutôt négatif, subsistent pourtant de bonnes idées qui sont toutefois surexploitées. On pensera ici aux phases de «glisse» durant lesquelles Kratos devra descendre des pans de décor tout en évitant divers éléments. Marrant la première fois, beaucoup moins au bout de quatre ou cinq glissades. Au rayon des choses qui fâchent, mentionnons également certaines énigmes basées sur la rapidité, malgré un gameplay relativement statique à base de blocs à pousser ou de sauts pas toujours très précis. Pour autant, dans l'ensemble, les puzzles s'avèrent plus nombreux et sympathiques car ils reposent principalement sur deux artefacts : la Pierre du Serment d'Orkos et l'Amulette d'Uroborus. Le premier vous permettra de créer un clone de vous-même qui sera fort utile pour garder un mécanisme enclenché par exemple. Le second artefact servira quant à lui à reconstruire ou à désagréger des éléments du décor afin de pouvoir progresser. Ainsi, au fur et à mesure de votre progression, vous serez amené à combiner ces deux items, ceci nécessitant parfois un peu de jugeote. Rien d'insurmontable et même plutôt rafraîchissant entre deux échauffourées qui manquent un peu de pêche.
Des combats sans panache
Il est ainsi regrettable de constater que la plupart des rixes lambda d'Ascension manquent d'envergure. Trop longs, parfois confus, ces combats ne servent finalement qu'à remplir les blancs entre deux affrontements de boss. Pire, dans la dernière ligne droite, ils deviennent, le temps d'une séquence découpée en trois phases sans checkpoints et orbes de vie, incroyablement pesants. On se rend d'ailleurs compte que les développeurs auraient peut-être dû revoir leur copie en modifiant le système de santé principalement lié à des coffres à dénicher. Rien de nouveau sous le soleil en somme et vous ne serez donc pas étonné d'apprendre qu'il vous faudra une fois de plus récupérer des orbes rouges pour faire grimper le niveau de vos Lames du Chaos afin d'avoir accès à différents combos. Notez tout de même que cette fois, lesdites lames seront uniquement évolutives, l'élément associé (feu, glace, foudre ou ténèbres) venant alors étoffer la panoplie de coups. Cependant, il sera possible de retrouver sur le champ de bataille d'autres armes (épée, lance, masse ou bouclier) une fois occis certains adversaires, l'une remplaçant automatiquement l'autre une fois récupérée. Pourtant, même en y ajoutant quatre pouvoirs élémentaires et un mode Rage éphémère, rien n'y fait, les combats se veulent moins percutants qu'à l'accoutumée. En gros, à l'exception d'un ou deux boss sympathiques, l'aspect «action» de cet Ascension remplit moyennement son office. Dommage, surtout qu'on y trouve encore quelques passages à la mise en scène léchée. Le hic est que le tout est noyé dans un classicisme dont le jeu ne parvient jamais à s'extirper vraiment.
Et le reste ?
Même son de cloche concernant la bande-son, de qualité mais trop prévisible et mettant en avant certains choix de doublage étranges à l'image de l'excellent Eric Legrand (éternel Seiya des Chevaliers du Zodiaque) dont le timbre de voix ne correspond pas au personnage qu'il double. On notera également sur la version reçue à la Rédac quelques bruitages absents, ceci rendant certaines cinématiques beaucoup moins percutantes. Finalement, on aurait aimé que Sony Santa Monica amène de vraies nouveautés d'autant qu'ici, le seul véritable ajout en termes de gameplay reste ces finish moves interactifs nous demandant, une fois quelques QTE réussis, de frapper notre ennemi tout en évitant les ultimes coups de l'adversaire avant son trépas. Anecdotique, à l'image de l'histoire qui se montre moyennement intéressante et parfois confuse à cause d'une construction faisant le jeu de retours en arrière scénaristiques. On ne peut s'empêcher de se dire que les développeurs ont un peu «baclé» le mode Solo afin d'avoir le temps de concevoir un multi qui tienne la route. Pourtant, le résultat n'est pas non plus à la hauteur.
Un multijoueur 1.0
Ainsi, God Of War suit les traces de diverses «séries Solo» en cédant aux sirènes du multijoueur. Si en soi ce n'est pas un souci (Assassin's Creed a prouvé à qui de droit que le tout pouvait fonctionner), le multi d'Ascension est le triste reflet de son aventure principale, en cela qu'il s'embourbe dans un manque flagrant d'originalité. Pourtant, on peut également y trouver des points positifs, à commencer par la création de son personnage. Ainsi, après avoir prêté allégeance à l'un des quatre dieux disponibles afin d'obtenir diverses faveurs (résistance aux dégâts accrue, augmentation de la mobilité...), vous pourrez customiser votre combattant en récupérant différentes armes, armures et autres compétences synonymes de magies, d'objets et de reliques. A ne pas sous-estimer puisque, par exemple, la Relique de Régénération vous rapportera un peu de magie en réussissant une protection ou une utilisation de grappin. Notez également que si les atouts liés à un dieu ne vous conviennent pas, rien ne vous empêche de changer de déité et de switcher de Zeus à Ares en passant par Hadès ou bien encore Poséidon. Si le tout est plutôt complet, c'est quand on lance une partie que ça se gâte. Déjà, notons le faible nombre de maps, quatre, auxquelles on rajoutera deux arènes pour le mode Epreuve des Dieux qui s'apparente à un classique mode Horde, seul ou avec un pote. Toutefois, rendons à César ce qui appartient à César, les maps s'avèrent plutôt bien fichues en renvoyant à des décors d'anciens épisodes et disposent de quelques pièges à actionner et autres armes sur pied comme des lance-flammes ou des arbalètes géantes.
Cependant, les modes sont incroyablement bateau et nous offrent uniquement, en plus de l'Epreuve des Dieux citée au-dessus, la possibilité de profiter d'un Capture the Flag (en 4v4), d'un mode Domination (en 2v2 ou 4v4) et d'un Combat des Champions (pour 4 ou 8 guerriers) dans lequel ce sera chacun pour sa pomme. Frustrant, d'autant que les développeurs ont adapté le gameplay au multi en proposant des mouvements inédits. Malheureusement, malgré la bonne volonté de Sony, le résultat s'avère monstrueusement brouillon dès que plus de quatre combattants se battent en même temps. C'est bien simple, entre les effets spéciaux inondant l'écran et les indications de barres de vie, on peine le plus souvent à savoir où se trouve son personnage. Un peu ennuyeux lorsqu'on réclame de notre part de la rapidité et des réflexes. Au final, la déception est bel et bien là, et si Ascension parvient encore à distiller quelques effluves guerriers, ces derniers se dispersent bien vite dans un maelström de banalités et de nouveautés peu ou pas convaincantes, que ce soit seul ou à plusieurs face à l'adversité.
Points forts
- Kratos porte toujours aussi bien la jupette
- Enigmes plus nombreuses et plus intéressantes
- Toujours au-dessus du lot en termes de mise en scène...
Points faibles
- ... Mais beaucoup moins percutant que les précédents volets
- Visuel moins spectaculaire
- Combats manquant de pêche et souvent trop longs
- Bestiaire peu original
- Un seul boss vraiment marquant
- Enorme sentiment de déjà-vu
- Durée de vie du mode Solo (moins de 9 heures) inférieure à celle de GoW III
- Multi peu original et incroyablement brouillon
Avec une aventure moins inspirée qu'à l'accoutumée et un multi dispensable, God of War : Ascension n'arrive jamais à la hauteur de ses illustres aînés. Trop occupé à réciter la leçon apprise par ses parents, cet opus oublie complètement d'y injecter ce zeste d'originalité, ce soupçon d'audace, cette pincée d'irrévérence qui faisaient tout le charme des autres segments. Si au final il nous reste toujours entre les mains un beat'em all bien meilleur que bon nombre de ses concurrents, il est difficile de lui pardonner ses tares quand on connaît l'excellence des autres épisodes majeurs. Pas de quoi boycotter la bête, sachant qu'il y a encore moyen de s'amuser, mais notre regard est déjà tourné vers l'avenir pour voir comment la saga évoluera sur PS4...