Year Walk a de quoi surprendre. D'abord, parce qu'il s'agit d'un jeu inspiré par des histoires glauques et inquiétantes du folklore suédois. Ensuite, parce que celui-ci est imaginé par le studio Simogo, généralement habitué à des jeux plus joyeux comme Beat Sneak Bandit ou Bumpy Road.
Selon le folklore suédois, une étrange pratique poussait certains hommes à se lancer dans une marche solitaire d'une durée d'un an. On ignore aujourd'hui le but précis de cet isolement soumis à plusieurs règles strictes, mais l'hypothèse la plus probable est que cette sorte de rituel permettait au marcheur d'entrevoir une vision du futur. Les histoires racontent que les "yearwalkers" pouvaient rencontrer diverses créatures maléfiques durant leur périple, mais là encore, difficile de faire la part des choses entre réalité et légendes. C'est à partir de ces éléments que le studio Simogo a réussi un joli tour de force : celui de nous entraîner dans un jeu qui navigue constamment entre le tangible et le surnaturel.
Une ambiance pesante
Le jeu démarre ainsi dans une forêt enneigée, un environnement que l'on ne quittera pas du début à la fin de l'aventure. On se déplace en balayant l'écran d'un côté ou de l'autre – la caméra suit alors le mouvement de notre doigt, comme si celle-ci était fixée sur un rail le long du décor. Par moments, de petites flèches en haut ou en bas de l'écran signalent qu'il est possible d'avancer ou de reculer dans cette forêt qui prend vite des allures de labyrinthe. A force de tourner au milieu des arbres, le décor devient familier, mais le sentiment d'être perdu ne nous lâche pas. On finit tant bien que mal par trouver un vieux moulin dans lequel nous attend une jeune fille. Elle semble nous connaître, et nous demande de ne pas continuer la marche. Mais le voyage se poursuit, et les éléments surnaturels commencent alors à doucement glisser devant nos yeux. Inscriptions énigmatiques sur les arbres, poupée de bois qui danse dans une cabane isolée, apparitions fantomatiques, et même visions cauchemardesques. Le sentiment de malaise se forge peu à peu, souvent à partir de rien, mais l'ambiance glauque, voire malsaine par moments, est bien là. Au lieu de nous faire suivre un personnage dans sa longue marche, le jeu parvient subtilement à nous placer au cœur du voyage. Cette marche devient la nôtre.
Quelques énigmes parsèment le trajet, mais finalement très peu, et pas vraiment difficiles non plus. A vrai dire, Year Walk est plus un jeu d'ambiance qu'un jeu de réflexion. On progresse dans cette forêt sans bien saisir ce qu'il se passe autour de nous. D'une manière générale, l'esprit du Projet Blair Witch n'est jamais bien loin, avec la certitude d'être observé par quelqu'un, quelque chose... Puis le dénouement arrive, un peu trop vite d'ailleurs puisqu'il ne faut qu'une grosse heure pour terminer sa marche. Bizarre pour un jeu baptisé Year Walk... Pour être franc, cela fait deux jours que je suis arrivé au bout de ma marche. Alors qu'habituellement je me mets à écrire immédiatement pour avoir le jeu bien en tête, il m'a fallu prendre un peu de recul après Year Walk. Et grand bien m'en a pris car entre-temps, j'ai pu découvrir que la fin de Year Walk n'est pas vraiment la fin de l'aventure. J'avais en effet complètement oublié qu'en marge du jeu, Simogo a eu la brillante idée de proposer une application gratuite permettant d'apporter un peu de lumière sur ces fameuses marches d'un an pratiquées jadis en Suède.
une application indispensable
Comme les quelques rares textes présents dans le jeu, l'application annexe est intégralement en anglais. S'il ne faut pas forcément pratiquer la langue pour traverser Year Walk, il le faudra bel et bien pour lire et comprendre la petite encyclopédie qui accompagne l'aventure. La lecture de ces quelques documents apporte en effet les explications nécessaires pour comprendre ce qu'il s'est passé dans le jeu. Libre à vous de les lire en amont ou de vous laisser d'abord emporter par les mystères de l'aventure. Au final, le résultat sera le même et ce que vous aurez vu et vécu dans le jeu prendra alors beaucoup plus de sens. L'application cache aussi toute une partie uniquement accessible aux joueurs ayant terminé une première fois leur marche. Ne comptez pas sur moi pour dévoiler le contenu de cette section, mais sachez qu'elle donne une réelle dimension supplémentaire à Year Walk. Les secrets qu'elle renferme vous pousseront même très probablement à remettre les pieds dans la forêt enneigée, ne serait-ce qu'une fois, pour y résoudre un tout dernier mystère...
Points forts
- Une ambiance pesante et inquiétante
- Une jouabilité innovante
- L'application qui accompagne le jeu
- Le folklore suédois parfaitement intégré
Points faibles
- Moins de 2 heures, c'est court !
- Pas assez d'énigmes
- Maîtrise de l'anglais obligatoire pour tout comprendre
S'il ne fallait noter que le jeu, Year Walk ne dépasserait peut-être pas 13 ou 14/20. L'ambiance est réussie, voire très attractive, mais l'aventure courte et facile dure à peine une heure, tandis que le sujet se montre trop abstrait pour être apprécié à sa juste valeur. Heureusement, l'expérience Year Walk ne s'arrête pas là. Le jeu s'accompagne en effet d'une application gratuite expliquant les racines de cette histoire inspirée du folklore suédois. Celle-ci permet alors de saisir la symbolique de chaque élément de jeu. L'application cache aussi toute une partie secrète donnant une dimension supplémentaire à l'aventure. Du coup, on commence par plonger dans un univers dont on ne comprend pas forcément les règles, ni les enjeux, mais qui parvient pourtant à faire sens, une fois arrivé au terme de cette marche lugubre.