L'an dernier, notre premier aperçu du prochain Divinity se concluait en ces termes : «il nous tarde de pouvoir goûter nous-mêmes à ce péché originel». Voilà qui est chose faite, puisque nous avons pu nous adonner à une longue session coopérative dans les locaux de Larian. Mais au lieu d'apaiser notre désir, cet essai n'a fait qu'attiser notre impatience...
Avec ses combats en tour par tour, son système de dialogues coopératifs et son scénario en forme de prélude à la saga Divinity, Original Sin nous avait déjà bien tapé dans l'œil en 2012. Depuis cette présentation, la petite équipe de Larian a travaillé sans relâche pour concrétiser la vision de Swen Vincke, le patron de Larian, et de son acolyte David Walgrave, le producer du jeu. Et bien qu'il reste de longs mois de développement avant la sortie prévue fin 2013, le studio a déjà accouché d'une version jouable sur laquelle nous avons pu jeter nos mains avides. Voici le récit de cette session.
Notre aventure a débuté sur une plage. J'étais dans la peau du protagoniste féminin, tandis qu'un confrère contrôlait son mâle compagnon. Rappelons que si le jeu impose ce duo de personnages, nous restons libres de décider de leur orientation en piochant dans les compétences de notre choix (pas de classe prédéfinie, comme d'habitude chez Larian). Notre fine équipe a opté pour la complémentarité : archerie et magie de l'eau pour moi, armes de mêlée et sorts de feu pour lui. Un petit tour dans la feuille de personnage nous a aussi permis de distribuer quelques points de caractéristique. Il y en a six, au lieu des quatre que nous avions vues précédemment. Outre les classiques Force, Dextérité, Intelligence et Constitution, il faut désormais ajouter la Vitesse et la Perception. La première détermine le nombre de points d'action (PA) disponibles, la seconde influe sur les chances de toucher et l'initiative. Le jeu ne donne qu'un point de caractéristique et un point de compétence par niveau, il faudra donc veiller à les répartir correctement ; les développeurs estiment qu'un personnage sera environ de niveau 20 à la fin de l'aventure. Il sera néanmoins possible monter davantage une compétence, en dégotant un précieux parchemin par exemple. Pour clore ce chapitre dédié aux mécaniques de jeu, signalons qu'il existe aussi des "social stats", telles que Foi / Scepticisme, Compassion / Mépris, etc. Elles évoluent en arrière-plan en fonction des décisions. Ce sont elles qui déterminent qui l'emporte en cas de désaccord entre les joueurs.
Car des désaccords, il va y en avoir ; c'est ce qui fait tout le sel de ce nouveau Divinity ! Revenons à notre plage. Notre duo tombe sur un coquillage doué de parole... Coincé dans les rochers, il demande à être rejeté dans les flots. Le dialogue s'engage : je veux garder le coquillage pour le vendre ou le consommer, mon compère veut accéder à la requête de l'infortuné mollusque. Ce système inédit est un des points forts du jeu. Alors que les RPG coopératifs reposent habituellement sur un chef de groupe qui prend les décisions tout seul, Original Sin donne voix à chacun. Après discussion, mon compagnon finit par obtenir gain de cause et rejette le coquillage à la mer, ce qui nous vaut une belle récompense ! On retrouve là "l'esprit Larian", bien connu des amateurs de la saga Divinity. Le reste est à l'avenant. Ainsi, nous trouvons un cadavre au pied de la falaise ; une note indique que le bougre a sauté car une statue lui a dit qu'il pouvait voler... Sur le port, une orque s'est amourachée d'un garde sous l'effet d'un philtre... Dans l'auberge, un chat nous demande d'intercéder auprès de sa douce, etc. Oui, vous pouvez parler aux animaux, c'est le privilège des "source hunters", cette caste qui traque les utilisateurs de la magie source, interdite car trop dangereuse pour l'équilibre du monde. Nos héros en possèdent toutefois un peu en eux, ce qui leur vaut d'être chargés d'une mission par Xandalor : ils doivent trouver une solution pour dégeler le Conseil, l'instance gouvernante globale de Rivellon.
Nous ne sommes évidemment pas allés jusque-là, mais cette session nous a néanmoins permis de découvrir quelques aspects supplémentaires du gameplay. La dernière fois, nous évoquions la grande interactivité du monde, où presque tout peut être ramassé, transformé, etc. Voici d'autres exemples. Vous pouvez prendre une branche et y planter des clous pour en faire une masse à vil prix. Vous pouvez tailler un bout de bois et l'enchanter avec la poudre adéquate pour en faire une poupée vaudou. Vous pouvez faire pleuvoir sur un bateau en flammes pour éteindre l'incendie. Quant aux PNJ, ils réagissent aux différents événements sans aucun script ; ils ne font qu'obéir aux diverses règles qui régissent le monde. Dans cette version démo, cela a donné lieu à quelques situations ubuesques... Mais on préfère largement ce côté bac à sable, où tout repose sur le principe d'action – réaction, plutôt qu'un univers figé où les personnages suivent un comportement prédéfini quoi qu'il se passe autour d'eux. Les développeurs eux-mêmes étaient parfois surpris par les conséquences de nos actions. Il se produisait des choses qu'ils n'avaient pas forcément envisagées, mais les divers éléments du jeu ne faisaient qu'agir selon les règles ! Tant que lesdites règles sont bien construites, cela nous promet un monde à la fois dynamique et cohérent.
Notre exploration ne s'est évidemment pas cantonnée à cela, car l'appel des armes s'est rapidement fait sentir ! Notre duo a donc fini par s'aventurer hors du village, dans des contrées hostiles. Les monstres –des morts-vivants– y étaient d'ailleurs plus forts que nous, mais qu'à cela ne tienne : en adoptant la bonne tactique, il était quand même possible de s'en débarrasser. Car le système de combat en tour par tour d'Original Sin est éminemment tactique. Il faut veiller à dépenser chaque PA judicieusement. Il faut changer d'arme selon les ennemis, certains étant plus sensibles aux dégâts perçants, d'autres aux dégâts écrasants. Il faut combiner les magies élémentaires, en lançant un éclair dans une flaque d'eau par exemple, tout en évitant le friendly fire... La notion de flanking est importante, car elle permet d'abaisser la défense d'un adversaire entouré par votre équipe, qui peut compter jusqu'à six membres (les deux héros, deux mercenaires et deux créatures invoquées). Tout cela nous a semblé très efficace. C'était peut-être un poil répétitif à la longue, mais cette version ne proposait qu'un nombre assez restreint de compétences à utiliser. Le jeu final devrait en compter suffisamment pour varier les possibilités –et le plaisir de jeu– à l'infini.
Enfin, Larian nous réservait une petite surprise : le dévoilement d'une campagne Kickstarter ! Eh oui, vous avez bien lu : Original Sin va faire appel au financement participatif. Une annonce étonnante étant donnée l'avancée du projet ; ce choix mérite donc quelques éclaircissements. N'ayez crainte, le projet n'a pas un besoin vital d'argent : son budget actuel permettra aux développeurs de le sortir quoi qu'il arrive, même s'il ne glane pas le moindre dollar supplémentaire. Mais le studio aimerait encore améliorer son bébé, avec trois grands axes de développement en tête. Premièrement, densifier le monde, en ajoutant des quêtes, des PNJ, etc. De l'aveu même de Swen Vincke, ses jeux sont généralement de moins en moins denses au fil de la progression. Il voudrait éviter cet écueil. Deuxièmement, il s'agirait d'ajouter une histoire et une personnalité aux mercenaires qui peuvent être recrutés, au lieu de les laisser dans l'anonymat qui est actuellement le leur. Enfin, Larian souhaiterait intégrer certaines idées issues de sa communauté. Tout cela sans retarder le jeu, autrement dit en embauchant quelques bras en plus. D'après Swen, ce surcroît de budget pourrait faire toute la différence, en transformant Divinity : Original Sin en un jeu de légende au lieu d'un RPG "juste bon". Espérons que son voeu soit exaucé !
Il ne tient qu'à vous, joueurs, de transformer ce «très bon» en «excellent» en donnant à Larian les moyens de ses ambitions. En l'état, le projet a déjà tout d'un grand jeu de rôle. Mais s'il possédait d'un bout à l'autre la même densité que le morceau essayé par nos soins, il serait encore meilleur. Divinity : Original Sin pourrait même devenir le jeu le plus abouti du studio, et faire partie des quelques RPG dont on parle encore dix ans après. C'est en tout cas le vœu de son papa, et c'est aussi le nôtre.