Chaque nouvelle console portable est l'espoir pour de nombreux joueurs de voir de grands opus de la série Tales of portés. Si la PlayStation Portable et la Nintendo 3DS ont déjà eu droit à leurs rééditions respectives, l'attention se porte aujourd'hui sur la PlayStation Vita prête à accueillir son tout premier épisode, un mystérieux Tales of Innocence R...
Surfant sur la même tendance que Tales of Graces chapeauté d'un « f » lors de son passage sur PlayStation 3, Tales of Innocence R n'est pas un simple portage. Ici, comprenez R comme Remake, même si le terme exact employé par Namco Bandai est Re-imagination. L'enjeu est clair : refonder entièrement le moteur graphique et les mécanismes du jeu d'origine – aussi élaborés eussent-ils pu être sur Nintendo DS – pour créer une nouvelle expérience digne de la PlayStation Vita. Autant dire qu'avec un programme pareil, il y a de quoi attiser des intérêts, surtout face à la promesse de pallier le manque de contenu souvent pointé du doigt lors de la sortie initiale en 2007. C'est donc le 26 janvier 2012 que sort Tales of Innocence R dont la cinématique d'introduction a été entièrement recréée pour l'occasion, accompagnée par une nouvelle musique de la chanteuse KOKIA, « New Day, New Life » dont le thème clairement moins hispanique que la précédente (« Follow The Nightingale ») reste néanmoins très en lien avec l'intrigue générale du jeu.
Jeune garçon timide et peureux vivant dans un pays en guerre, Ruca Milda rêve chaque nuit d'un monde imaginaire dans lequel il incarne un puissant chef d'armée nommé Asras dont l'ambition est de créer un avenir meilleur pour son royaume. Loin de se douter que ces rêves sont en réalité des souvenirs de cet être dont il est la réincarnation, Ruca fait la connaissance d'Iria et de Spada, eux-mêmes dotés de ces mémoires ancestrales leur inculquant de lourdes responsabilités. Voyageant en quête de réponses, leur chemin croisera celui de nombreuses autres personnes dans la même situation, amis comme ennemis, et leur donnera un rôle important dans cette guerre actuelle qui semble liée à ce passé commun. Nouveauté de cet opus Vita, deux nouveaux personnages jouables, Kongwai et « QQ », mystérieusement apparus dans cet univers par le biais de portails dimensionnels... Intrigant, d'autant plus que ces portails reflètent des images de décors et éléments tirés des deux autres opus DS Tales of the Tempest et Tales of Hearts...
La modélisation 3D de tous ces personnages a bien sûr été entièrement refaite, leur permettant de jouir d'une palette de mouvements variée (hors combat) ainsi que de plusieurs expressions du visage. Les villes ont intégralement été reconstruites, conservant pour certaines leur plan d'origine ou étant pour d'autres entièrement réorganisées. Les environnements auparavant structurés sur un seul étage à cause des capacités restreintes de la Nintendo DS peuvent ainsi se diversifier et gagnent nettement plus en identité. Les donjons ont également bénéficié des mêmes soins, certains d'entre eux ayant même été repensés pour accueillir des puzzles et, bien que seulement une minorité ne soit concernée, cela ne peut que satisfaire les fans déçus par un Tales of Xillia dans lequel ils n'avaient pas la moindre miette d'énigme à se mettre sous la dent. A cette occasion, Tales of Innocence R adopte le fameux Anneau du Sorcier dont l'utilisation récurrente aux opus de la série permet l'allumage de braseros ou l'activation à distance d'interrupteurs divers et variés.
Bien entendu, la carte du monde aussi a été reprise non seulement graphiquement mais aussi géographiquement, puisque certains continents ont carrément été déplacés à l'instar du désert de Sania qui passe du sud-est au sud-ouest, ou bien de cette nouvelle île recouverte de neige qui fait irruption au nord-ouest du planisphère. Malgré tous ces efforts de rehaussement visuel, le constat est très simple : là où Tales of Innocence faisait honneur à la Nintendo DS, Tales of Innocence R est une véritable honte pour la PlayStation Vita. Certes jolis et colorés, les graphismes font peine à voir lorsqu'ils sont affichés de près, qu'il s'agisse des éléments du décor grossiers ou des textures des personnages pixellisées au possible. On imagine que l'idée était de conserver un minimum le style original, mais quitte à réaliser un véritable remake, autant s'appliquer et ne pas se contenter de graphismes simplistes pour une console capable d'afficher des rendus proches de la HD... Heureusement que de très belles cinématiques animées sont là pour illustrer plusieurs passages de l'histoire.
Ne cessant d'évoluer au fil des épisodes, le système de combat propre à la série Tales of n'a pas été laissé de côté dans cette première mouture Vita. Baptisé DI-LMBS pour Direct Interaction Linear Motion Battle System, il se déroule intégralement sur une aire en 3D et ressemble grandement à ce qui se fait dans Tales of the Abyss ou plus particulièrement Tales of Vesperia. Les héros, disponibles dans la bataille au nombre maximum de quatre, se meuvent en temps réel et attaquent selon leur style de combat propre allant de l'escrime à l'utilisation d'armes à feu, en passant par la magie blanche régénératrice ou encore les sortilèges élémentaires enfin correctement représentés dans Tales of Innocence grâce au personnage de Kongwai. Nouveauté spécifique aux fonctionnalités tactiles de la console de Sony, la possibilité de donner un ordre prédéfini directement à ses alliés en tapotant leur visage au bas de l'écran. En revanche, les quelques bonnes idées de la version DS comme le ramassage des objets gagnés directement au sol n'ont pas été conservées.
Malgré une recette qui marche bien, les combats de Tales of Innocence R manquent quelque peu de saveur, sûrement à cause d'une action qui aurait gagné à être plus nerveuse. Pour pallier ce manque de richesse, les développeurs ont repris la Rave Gage (jauge d'éveil, de frénésie) de l'opus original, qui augmente lorsque l'on porte des coups à l'adversaire et qui diminue dans le cas contraire, et l'ont améliorée de sorte à ce qu'elle puisse atteindre quatre niveaux de puissance. A chaque niveau atteint, un bonus préalablement acheté et assigné se déclenche et apporte son soutien aux personnages, comme l'augmentation de la force de frappe, la consolidation de la défense, de meilleures chances de voler des objets ou encore un gain d'expérience doublé à la fin du combat. Les joueurs les plus méticuleux prêteront donc beaucoup d'attention à cette jauge très utile et indépendante de la traditionnelle jauge d'adrénaline, également présente, qui se remplit au fil des coups pour permettre de déclencher un des deux hiougi disponibles pour chacun des huit héros.
Par ailleurs, l'évolution des personnages s'effectue toujours grâce au système de plusieurs styles à la différence que s'il fallait dans la version Nintendo DS se spécialiser dans un style particulier (attaque, défense, magie...), il est désormais possible de toucher à tous les genres pour équilibrer davantage ses capacités. Chaque héros possède son propre arbre d'évolution qui ressemble à une sorte de grand échiquier dont les cases se remplissent au fur et à mesure que des titres sont gagnés. Pour débloquer une capacité, il suffit d'avoir assez d'Ability Points, à glaner au terme de chaque combat. Au final, même si cet échiquier d'évolution paraît bien plus complexe que la simple liste adoptée par la mouture antérieure du jeu, il reste très facile d'utilisation et permet surtout d'acquérir à terme 100% des capacités quels que soient les styles choisis. On ne peut alors plus vraiment parler de spécialisation et l'on retrouve là la volonté des développeurs de ne pas frustrer les joueurs indécis, de la même manière qu'ils l'avaient fait avec la Liliale Orb de Tales of Xillia.
La dernière grande nouveauté qu'apporte Tales of Innocence R concerne les doublages qui ont été entièrement réenregistrés et concernent cette fois l'intégralité des scènes de conversation. On regrette en revanche que seulement une minorité des saynètes ne soient vocalisées, ce qui est pardonnable quand on voit le nombre faramineux de ces conversations annexes qui mettent souvent en scène les figures ancestrales dont les héros sont la réincarnation. Les doubleurs ont encore réalisé un travail remarquable et offrent à chaque personnage une personnalité propre terriblement attachante, comme QQ qui, ne parlant que très peu la langue du monde dans lequel elle débarque (le japonais), s'exprime d'une manière très enfantine et a une prononciation tout à fait adorable. Cette demoiselle et Kongwai sont d'ailleurs l'objet d'une scène bien mystérieuse au terme du jeu dans laquelle ils parlent d'une rencontre future dans d'autres dimensions, le tout clôturé par le message « A suivre dans les Prochaines Re-imaginations ! »... Vers un Tales of the Tempest R et un Tales of Hearts R ?
- Graphismes10/20
Gros point faible d'un jeu qui aurait sans problème pu tourner sur PlayStation Portable, les graphismes simplistes de Tales of Innocence R font honte à la Vita, même s'ils restent agréables à regarder de loin et en mouvement. Quitte à remodéliser entièrement le contenu d'un jeu, autant s'y impliquer réellement pour fournir un travail de qualité. Une réelle déception visuelle à laquelle Namco Bandai ne nous avait jamais vraiment habitués.
- Jouabilité14/20
Semblable à ce qui se fait de mieux au sein de la série Tales of, le système de combat est certes efficace mais pas pour autant exceptionnel, se satisfaisant de bases solides sans les approfondir véritablement. L'exploration des donjons a grandement gagné en intérêt, notamment grâce aux énigmes qui y sont désormais proposées. Enfin, les joueurs les plus rapides pourront se plaindre d'une navigation un poil trop lente dans les menus.
- Durée de vie17/20
Principale réussite de ce remake Vita, la durée de vie s'allonge considérablement grâce aux deux personnages jouables supplémentaires, aux nombreuses quêtes secondaires rajoutées et à la myriade de contenu annexe à savourer comme il se doit. Les chasseurs de trophées seront ravis d'apprendre que le platine de Tales of Innocence R ressemble bien plus à celui de Tales of Vesperia qu'au farming inintéressant de Tales of Xillia.
- Bande son18/20
Une nouvelle fois, les doublages sont excellents, avec une mention spéciale pour Iria dont le côté gamine arrogante ressort à merveille. Les musiques ont été arrangées et sont toujours aussi efficaces, d'autant plus qu'un paquet de nouveaux thèmes de combat sont de la partie, comme celui propre au personnage de Hasta qui le sublime littéralement, le plaçant au panthéon des boss de la série Tales of aux côtés de Barbatos ou Zagi.
- Scénario16/20
Réellement originale et intéressante, l'histoire de Ruca et de ses compagnons gagne en richesses grâce à l'approfondissement des liens entre chaque personnage, du monde actuel ou de l'époque ancestrale. Cela dit, on retrouve la même mise en scène très statique qui, si elle était auparavant imposée par la 3D de la Nintendo DS, n'a cette fois plus aucune excuse et peine à rendre les différentes scènes d'action captivantes.
Ne nous y trompons pas : Tales of Innocence R est un très bon jeu de rôle, long et complet. S'il est vrai qu'il déçoit beaucoup du point de vue de la réalisation que l'on attendait bien meilleure, il n'en reste pas moins un remake réussi de l'épisode original qui y apporte beaucoup de nouveautés croustillantes. Un joli cadeau de la part de Namco Bandai que ce conte aux saveurs particulières que chacun peut désormais découvrir ou redécouvrir, en attendant d'en savoir plus sur l'éventuelle trilogie « R » qui se dessine déjà à l'horizon...