Finalement moins connu que Metal Gear ou Splinter Cell, Hitman est pourtant une référence incontournable de l'infiltration, avec ses codes, son univers bien à lui et son personnage central qui vous marque à jamais. Cette compilation HD permet aux joueurs PS3 et Xbox 360 qui ne le connaîtraient pas de faire la connaissance de l'agent 47.
Au menu de cette compilation, trois titres fleuves vous attendent : Hitman 2 : Silent Assassin (sorti en 2002), sa suite Contracts (2004) et surtout Blood Money (2006). Il ne vous échappera pas que le tout premier volet est absent de la liste, sans doute jugé trop vieux et rouillé. Si certains pourront le regretter, ça n'est pas vraiment un problème dans la mesure où Contracts est partiellement composé d'un remake de niveaux en provenance de cet opus sorti en 2000 sur PC uniquement et qui est de plus assez différent sur le fond du reste de la série. Trois jeux, des dizaines de missions d'assassinats, des kilomètres carrés de surface à explorer. Si Absolution, dernier volet en date, a choisi de redécouper ses zones de jeu, la franchise ne fonctionnait pas comme ça au départ. On vous donne un briefing, on vous décrit une cible, vous choisissez votre matériel et vous arrivez sur place où vous allez devoir vous dépatouiller tout seul comme un grand. Repérer les points clefs, les rondes de gardes ou de civils, les opportunités fournies par la routine des personnages, suivez votre proie, échafaudez un plan, exécutez la ou les cibles et barrez-vous sans éveiller les soupçons. En gros, c'est la formule de base des trois jeux, même si les enfiler à la chaîne permet de voir à quel point la série a su évoluer. Précisons également que comme d'habitude avec les compil' HD, il ne faut pas s'attendre à un remake mais bien à une simple mise à l'échelle réalisée à partir des versions PS2 et Xbox. Les jeux sont de plus livrés en l'état, avec parfois quelques problèmes qui auraient mérité correction.
On commence donc par Silent Assassin, épisode le plus ancien et qui perturbera le plus les nouveaux venus par sa réalisation, des modèles 3D aux animations. Il possède un gameplay assez brut et il faut bien reconnaître que la raideur des commandes trouble un peu quand on a perdu l'habitude. Il n'empêche que son level design est toujours aussi efficace et que les principes de base sont déjà là. A commencer par les costumes, véritable clef de voûte de la série et qui permettent, si on est rigoureux, de s'infiltrer un peu partout, ou l'indicateur de tension qui vous signale le degré de suspicion des personnages. Il faut donc déjà veiller à ce que votre tenue soit complète, à ne pas avoir de comportement suspect, ce qui implique de ne jamais courir et encore moins de sortir une arme qui ne serait pas raccord avec votre tenue. Même la corde à piano est présente, instrument de base qui permet, à elle seule, de boucler son travail sans tirer une seule balle.
Bien sûr, on sent fortement le passage des années en rejouant à Silent Assassin, 47 se déplace vraiment, mais vraiment très lentement, l'IA a parfois des réactions extrêmement vives et surtout, la répartition des contrôles sur le pad aurait clairement mérité d'être revue, mais une fois ces frontières franchies, le frisson Hitman est déjà là. On croise des gardes dans un couloir en voyant l'indicateur grimper et en espérant que ça va passer, on cherche du regard un coin pour aller se mettre hors de vue pour éviter de rester planté devant un personnage qui finira sinon par nous reconnaître et surtout, on a trouvé déjà quantité de façons différentes de réaliser son objectif. Et l'ambiance est particulièrement soignée grâce aux musiques remarquables de Jesper Kyd. Traverser les rues de Saint-Pétersbourg en uniforme au son d'un orchestre, ça claque. Ce sont les composantes principales qui ne vont cesser de s'améliorer dans les deux opus suivants.
Hitman Contracts est comme on l'a dit une sorte de remake du premier volet, en tout cas en partie, 47 se remémorant au seuil de la mort ses anciens contrats. Ce qui est la principale tâche de l'épisode puisqu'on évolue au gré des souvenirs hallucinés de 47, sans briefing et sans choix du matériel. Le gameplay ne change pas fondamentalement ici, en revanche, la réalisation s'améliore un poil. L'IA voit ses comportements s'affiner légèrement et les animations sont un poil (un tout petit poil) plus naturelles. Mais même si les améliorations sont mineures, Contracts passe visuellement mieux que Silent Assassin. En outre, malgré ses airs de remake du premier opus et sa progression décriée à l'époque, le level design de Contracts n'en reste pas moins excellent, offrant là encore quantité d'opportunités d'assassinats au silencieux, à la corde de piano ou au poison glissé dans un verre. Sans parler de la mission culte à l'abattoir. En revanche, c'est également l'occasion de mentionner l'absence de correction de certains bugs des volets originaux, comme le fait que pour une raison étrange la mission du Manoir Beldingford peut parfois basculer en VO. A contrario, la distribution des commandes sur le pad est plus pertinente dans cet opus et elle sera conservée pour Blood Money. Dommage qu'elle ne soit pas appliquée à Silent Assassin.
Blood Money, sans l'ombre d'un doute la pièce de choix de cette compilation. Evidemment, si vous jouez sur Xbox 360, vous l'avez peut-être déjà goûtée. Non content de reprendre les principes de base de la série, Blood Money les affine un par un. L'IA cesse d'agir de façon binaire à vos costumes, on peut planquer les corps dans des containers. 47 devient plus souple, capable de grimper sans pour autant se changer en chimpanzé et en sus des déjà nombreuses possibilités offertes pour mener à bien son contrat, s'ajoute celle de l'accident, de la glissade malencontreuse au décès pour cause de chute de piano. Blood Money introduit en outre d'autres éléments comme le risque de se faire filmer par des caméras de surveillance (et donc de devoir retrouver les bandes) l'impact qu'un témoin peut avoir sur les missions suivantes, le degré de notoriété de 47 pouvant rendre l'infiltration plus délicate. Etant le volet le plus récent, il profite évidemment de la meilleure réalisation, mais gardez en tête qu'il date malgré tout de 2006, et qu'il s'agissait d'un jeu inter-générationnel. Quant aux missions qui vous attendent, elles seront comme d'habitude fort variées et surtout parfois improbables. Vous aurez l'occasion de faire tuer un acteur par un autre en troquant une arme factice par une vraie, de vous faire interner dans une clinique de desintox, d'incarner un clown d'anniversaire ou un agent du FBI dans une petite banlieue à la Desperate Housewives, de vous déguiser en canard géant etc. Et la conclusion magistrale à grand renfort d'Ave Maria vaut à elle seule les heures consacrées à Blood Money.
Avec cette compilation, on s'offre donc 40 niveaux ouverts, bourrés d'opportunités et d'une atmosphère cynique tendance tragicomique devenue la signature de IO Interactive. Un mélange de sérieux, de froideur, d'humour décalé, de personnages caricaturaux, le tout baignant dans les compositions de Jesper Kyd venant souligner les moments épiques de chaque mission. Certes, si vous êtes allergique à la lenteur et qu'une réalisation bien datée vous rebute, vous aurez certainement du mal à passer le cap des deux premiers jeux, mais si vous cherchez un challenge de taille, un frisson garanti et une satisfaction à la hauteur au moment de quitter les lieux du crime, la cravate au vent et le silencieux fumant... Malgré tout, on regrette certains points dans cette réédition, l'absence de correction de certains bugs connus, le HUD envahissant de Blood Money, le mapping discutable de Silent Assassin, le bête lissage de textures sans plus d'effort, etc. Mais si vous êtes passé à côté de la série et que vous n'avez pas de PC, Hitman HD Trilogy offre une sacrée valeur ajoutée à moins de 30 euros.
- Graphismes13/20
Le jeu le plus récent a déjà presque 7 ans, alors forcément, tout le monde a pris un coup de vieux et l'upscale HD est minimaliste. On le ressent très fortement lors des cutscenes anguleuses. Blood Money, déjà en HD s'en sort mieux. Le grand âge de la 3D ne masque en tout cas pas le travail de design et d'architecture des niveaux, on passe d'un bout à l'autre du monde, d'une fête SM dans un abattoir au Grand Opéra de Paris à une maison de banlieue, d'un agent du FBI à un poulet géant.
- Jouabilité17/20
Même s'il a pris de l'âge avec ses commandes un peu raides et son IA capable de détecter une mouche dégazer, Silent Assassin contient toute la richesse de la formule Hitman : liberté, déguisements, suspicion, rythme et variété. La formule s'améliore ensuite d'épisode en épisode, le point commun des trois opus étant leur intransigeance. Si la série est devenue une référence de l'infiltration, ça n'est pas pour rien. En revanche, on se demande pourquoi ne même pas avoir cherché à corriger le mapping des commandes de Silent Assassin.
- Durée de vie18/20
Avec trois titres qui ont comme point commun de vous faire enfiler des niveaux ouverts offrant chacun de multiples méthodes d'accomplissement du contrat, la nécessité d'observer et de planifier ses actes et un droit à l'erreur plus que réduit, cette trilogie vous réserve un sacré gros paquet d'heures de jeu.
- Bande son17/20
Il n'y a pas que la 3D qui a pris de l'âge, les doublages aussi ont drôlement progressé depuis 2002. Le résultat à ce niveau est donc très variable selon les titres, là encore, Blood Money est celui qui s'en tire le mieux. En revanche, la réputation des thèmes musicaux de la série, signés Jesper Kyd, n'est plus à faire et vous met souvent une grosse baffe dans les oreilles.
- Scénario16/20
La narration n'est pas nécessairement le gros point fort de la série. L'ambiance par contre... On change d'environnement régulièrement, on baigne dans le politiquement incorrect, on a droit à tout le panel des péchés capitaux et de l'horreur, à des situations improbables et à un 47 capable d'endosser le plus ridicule des costumes sans se départir de son visage de marbre. La méga classe côtoie le grand burlesque. Hitman a su développer une imagerie assez fascinante.
On le rappelle, comme d'habitude le HD du titre signifie simplement mise à l'échelle et pas remake. On ne peut pas ignorer que les 11 ans écoulés depuis Silent Assassin se font sentir et qu'il aurait été bon de corriger quelques vieux problèmes. Mais si vous êtes prêt à passer outre une réalisation vieillissante et des commandes qui ne se laissent pas apprivoiser facilement, vous profiterez avec cette réédition d'une belle occasion de parfaire votre culture et votre collection ludique avec une des séries phares de l'infiltration qui a su développer son style bien à elle. Avec quelques efforts de plus, on tenait même une compil incontournable.