Parce qu'il n'y a pas que le style hollywoodien d'Uncharted qui compte, Naughty Dog démontre sa maîtrise dans le maniement des ficelles de la dramaturgie. Si certaines similitudes avec les aventures de Nathan Drake sautent aux yeux, The Last of Us constitue, par son ambiance, une expérience saisissante.
Pour atteindre le Capitole où les attendent les rebelles Fireflies, Joël, Tess et Ellie n'ont d'autre alternative que traverser un immense building menaçant de s'effondrer. Nous sommes deux heures après le début de l'aventure, et Boston a déjà perdu l'apparence d'une capitale économique d'état. Gangrenée par un virus dévastateur et une jungle galopante, la cité n'abrite plus qu'une poignée de survivants qui luttent contre la famine mais aussi un tout autre danger : les infectés. Ces zombies, transformés par l'épidémie errent dans les rues à la recherche d'une nourriture… bien particulière. Parmi eux, on recense les plus "dociles", rapides et agiles mais peu résistants au combat. Et puis il y a les clickers. Aveugles, ils sont facilement identifiables par leur tête explosée et le bruit qu'ils émettent pour repérer la présence d'un obstacle. Autant l'annoncer, si le trio pense pouvoir tourner cette cécité à leur avantage, il se fourre le doigt… dans l'œil. Au moindre bruit, le clicker foncera sur sa proie pour ne plus la lâcher.
Le décor planté, l'heure est maintenant venue d'avancer dans cette bâtisse, grinçant comme le Titanic peu de temps avant de disparaître. Joël, Tess et Ellie ne croisent pas grand monde dans les méandres de cette épave bétonnée. Se frayant un chemin dans ce lieu inquiétant, ils enchaînent les pièces où gisent des cadavres déchiquetés. Du tissu, du scotch, des ciseaux traînent ici et là. Habituellement, ces fournitures ne représenteraient guère d'intérêt. Mais là, il s'agit de survivre. Grâce à ces objets, Joël peut crafter des armes. Un système qui reprend exactement celui de Dead Island ou Dead Rising, à un détail près : la confection se réalise n'importe où, n'importe quand. Pas besoin d'atelier de montage. En appuyant sur select, il sélectionne l'arme, l'améliore, et le tour est joué. Attention cependant, ces créations faites maison ont un degré d'usure limité, d'où l'importance de les réparer régulièrement et de ne pas snober les pistolets et autres fusils à pompe récupérés sur les corps, pour gonfler l'inventaire.
La rencontre avec les premiers infiltrés le confirme. Même si Joël n'a rien à voir avec Corvo (Dishonored) ou Sam Fisher (Splinter Cell), le barbu (qui ressemble étrangement à Nathan Drake d'ailleurs) va, avant de lancer l'assaut, dévoiler une compétence appréciable : il peut détecter la présence d'ennemis à travers les murs. Une petite pression sur une gâchette et les cibles sont localisées. Comme toute bonne vieille technique d'infiltration, la priorité consiste à s'occuper des ennemis isolés. En avançant silencieusement dans leur dos, il ne reste plus qu'à les étrangler en douceur. En revanche, foncer dans un groupe de face, c'est l'assurance de repartir les pieds devant, d'où la mise en place d'une petite diversion. Planqué derrière un élément de décor, Joël balance une brique contre un mur. Forcément, clickers et autres zombies alertés par le bruit se pointent. Et là, il n'y a pas 36 solutions. Soit on vide le chargeur en priant qu'une fois à court, la batte tiendra le choc ; soit on adopte la technique pyrotechnique en balançant un molotov sur la farandole faisandée en attendant gentiment la fin de cuisson. Si la partie paraît facile, la survie passe avant tout par une bonne gestion de l'inventaire. Avec deux pétards et seulement 14 balles, des armes à usage limité, Joël ne peut prétendre jouer les dégénérés de la gâchette. Car, même si Tess viendra le seconder de temps en temps, elle n'affichera pas une assurance suffisante, paraissant souvent apathique dans les situations brûlantes.
Le hands-on se termine juste à la sortie de l'immeuble. Pas le temps d'atteindre le Capitole, il faut déjà rendre les armes et constater que la touche Naughty Dog dans The Last of Us est flagrante. Par son physique, le héros ne peut nier son lien de parenté avec Drake. Par ses déplacements aussi. Plus lent, certainement miné et affaibli par la famine, Joël marche et grimpe de la même manière que son parent. Côté level design, c'est pareil. On ne peut errer dans Boston sans penser à Uncharted. Mais, même s'il ne s'affiche pas comme le pionnier d'un nouveau genre, The Last of Us a le mérite de prendre aux tripes. Par son ambiance pesante, la moiteur des lieux et les silences inquiétants, par son gameplay simple et efficace, la production de Naughty Dog s'avère une réussite, tout comme une excellente alternative pour les amateurs de survival-horror rebutés par les scénarios trop SF.
Conçu comme un survival-horror classique, The Last of Us emballe par son univers post-apocalyptique saisissant. Portée par une superbe réalisation, la création de Naughty Dog nous emporte dès les premières minutes par son ambiance pesante et ses protagonistes rappelant sans cesse que la vie ne tient qu'à un fil. Et si la parenté avec Uncharted est évidente, The Last of Us en tire certaines qualités qui font de lui une production totalement réussie.