Disponible depuis quelques mois sur le marché japonais, le jeu de rôle old-school Crimson Shroud est désormais téléchargeable en version anglaise sur l'eShop. Voilà l'occasion ou jamais de découvrir ce titre hors normes développé par l'immense Yasumi Matsuno (Tactics Ogre, FF Tactics, Vagrant Story...).
Le célèbre éditeur Level 5 a récemment prouvé qu'il n'avait pas froid aux yeux en donnant carte blanche à divers game designers pour concevoir les jeux qu'ils souhaitaient sans aucune forme de contraintes. Outre le génial Suda 51 (No more Heroes, Killer 7...) ou Yoot Saito (Seaman), Yasumi Matsuno, mondialement connu pour FF Tactics et Vagrant Story, a ainsi eu le privilège d'imaginer librement le RPG téléchargeable de ses rêves. Et le moins que l'on puisse dire, c'est que le bougre s'est fait plaisir puisque Crimson Shroud ne ressemble tout simplement à aucun titre du genre sur 3DS.
Résolument old-school, Crimson Shroud se présente en fait comme un divertissement interactif à mi-chemin entre le "livre dont vous êtes le héros" et le jeu de rôle papier. Basé sur une intrigue heroïc fantasy infiniment plus complexe qu'elle n'en a l'air au premier abord, le scénario nous est donc exposé à grand renfort de textes et de dialogues en anglais à peine illustrés par quelques plans fixes. A la tête d'un groupe de trois mercenaires à la recherche d'une puissante relique dans des ruines abandonnées, le joueur doit explorer de sombres donjons, faire des choix régulièrement sanctionnés par des lancés de dés et prendre part à des combats de figurines tout ce qu'il y a de plus vintage. Ici, pas question de mises en scène spectaculaires ou de combats en temps réel. Bien au contraire, que ce soit au niveau de la réalisation ou des mécanismes de jeu, Yasumi Matsuno a fait en sorte que l'on ait véritablement l'impression de se retrouver 20 ans en arrière. Les décors sont invariablement statiques, les combats au tour par tour sont aussi longs qu'austères et l'essentiel de l'histoire repose sur des pages d'anglais parfaitement indigestes pour n'importe quel joueur ne comprenant pas suffisamment la langue de Shakespeare. Dans ces conditions, il apparaîtra clairement que Crimson Shroud s'adresse exclusivement à un public bien précis de nostalgiques des jeux de rôle à l'ancienne. Certes, il y a là de quoi rebuter l'essentiel de nos lecteurs, mais si vous avez la chance de faire partie de ces rescapés d'une autre époque, alors Crimson Shroud est définitivement fait pour vous.
La première chose qui réveillera les plus beaux souvenirs des rôlistes des années 80 ou 90 dans Crimson Shroud, c'est sans aucun doute l'utilisation fréquente mais toujours judicieuse qui est faite des divers types de dés que l'on a jadis serrés dans nos petites mains. D4, D6, D8, D10, D12, D20... Ils sont tous là et leur modélisation en 3D stéréoscopique pourrait bien faire perler quelques larmes au coin des yeux de ceux qui se languissent aujourd'hui de les voir à nouveau rouler sur une table encombrée de feuilles de personnages, crayons et autres pizzas. Que ce soit pour définir les effets d'une attaque surprise, la réussite d'une technique, l'efficacité d'une potion ou le bonus de dégâts infligés à un ennemi, ces lancers de dés s'effectuent au choix au stylet ou à l'aide de contrôles plus classiques. Influant sensiblement sur le déroulement de l'aventure, ils sont heureusement moins fréquents et surtout moins déterminants que ce que l'on pouvait craindre de prime abord. Ainsi, l'issue des combats se joue rarement sur un simple coup de dés et une bonne stratégie est souvent plus payante que la chance pure et simple.
Attaques surprises, attaques à distance, embûches, les combats qui se déclenchent régulièrement en évoluant sur la carte globale des donjons explorés se suivent et ne se ressemblent pas toujours. En fonction des conditions de la rencontre, nos trois personnages pourront souffrir de divers malus (brouillard de guerre, tours d'inactivité...) ou au contraire jouir de quelques bonus appréciables. Agissant en fonction de sa rapidité, chacun d'eux peut au choix attaquer au corps-à-corps, tirer une flèche, jeter un sort ou utiliser un objet. Il peut également se servir d'une technique aussi bien avant qu'après avoir effectué son action principale. Sachant que l'élément (il en existe 8 en tout) de la première action entreprise est comptabilisé dans une chaîne de combos pouvant octroyer des dés supplémentaires pour augmenter les dommages ou les chances de toucher, la dimension tactique des affrontements saute aux yeux. Par ailleurs, il va sans dire que les membres de notre équipe ont leurs forces et leurs faiblesses propres. Giauque est par exemple fort au combat rapproché tandis que Lippi est spécialisé dans le combat à distance et que Frea maîtrise bien la magie. Au final, on obtient un système de combats certes un peu sec et assez long mais tout de même diablement passionnant pour tout fan des jeux de rôle papier.
Sans être particulièrement originale, la gestion de notre équipement se montre également assez intéressante. En dépit d'une interface un peu rigide, on prend ainsi plaisir à choisir les meilleures armes, armures, etc. pour nos combattants et à fusionner divers objets pour les rendre plus puissants. Chaque pièce d'équipement confère non seulement des bonus mais aussi des sorts et des techniques à nos personnages qui, chose rare, ne gagnent pas d'expérience et ne montent pas de niveau au fil de la progression. Seul notre matériel nous permet donc de croître en puissance et d'affronter des adversaires de plus en plus dangereux. Trouvés à l'occasion dans quelques coffres disséminés çà et là dans les donjons, l'essentiel des objets sera récupéré à la fin des combats. Encore faudra-t-il briller sur le champ de bataille puisque le butin que le joueur pourra emporter est limité par un capital de points basé sur ses performances. Plutôt long (comptez une dizaine d'heures pour l'aventure principale et autant pour le mode New Game+), Crimson Shroud est donc un soft particulièrement séduisant pour les rôlistes de la première heure et les nostalgiques des jeux papier. Les jeunes joueurs et les amateurs d'action en revanche peuvent passer leur chemin sans l'ombre d'une hésitation.
- Graphismes12/20
Les décors comme les personnages en 3D sont essentiellement statiques et la mise en scène des affrontements au tour par tour évoque des combats de figurines interactifs. Les dizaines de lignes qui se succèdent à l'écran peuvent parfois paraître indigestes.
- Jouabilité14/20
C'est bien simple, soit on adhère pleinement aux mécanismes des jeux de rôle papier et des "livres dont vous êtres le héros" qui faisaient fureur dans les années 80/90 et on prend son pied, soit on déteste. Les lancers de dés ne sont pas trop envahissants, la gestion de l'équipement est efficace malgré la lourdeur de l'interface et et les combats, quoi qu'un peu longs, sont très tactiques.
- Durée de vie14/20
Comptez une dizaine d'heures pour boucler l'aventure mais un bonne New Game + est disponible et la rejouabilité est vraiment bonne.
- Bande son17/20
Il ne faut pas plus de 3 minutes pour deviner que la bande-son a été réalisée par le compositeur de Vagrant Story : Hitoshi Sakimoto. Autant dire qu'on s’arrêtera souvent de jouer pour écouter la musique envoûtante de Crimson Shroud...
- Scénario13/20
Simpliste au premier abord, le scénario se révèle vite suffisamment complexe pour que le joueur qui ne maîtrise pas l'anglais se retrouve totalement perdu. La traduction du japonais est bonne, certes, mais une version française n'aurait vraiment pas été du luxe pour permettre au plus grand nombre de profiter du jeu.
Clairement destiné à un public de passionnés de jeux de rôle à l'ancienne lisant couramment l'anglais, Crimson Shroud n'est pas un soft à télécharger à la légère. Toutefois, si vous avez la chance de faire partie des nostalgiques susceptibles d'en apprécier l'atmosphère, les mécanismes et le contenu, alors, soyez assuré que vos 7,99 euros ne seront pas dépensés en vain. Bien au contraire.