Développé par une petite équipe de 9 personnes au sein d'Ankama (Dofus, Wakfu), Fly'n est décrit comme "un jeu de plates-formes et de réflexion planant, onirique et loufoque". C'est surtout l'occasion pour le studio de mettre ses compétences au service d'une création originale, qui a le mérite de s'adresser à tous les publics.
Les Arbres-Mondes d'Hélicya sont menacés. Dyer, un sèche-cheveux particulièrement teigneux que l'on a surnommé l'Eboueur cosmique, a décidé de voler leur sève et de les arroser de détritus. Pour se défendre, les Arbres-Mondes donnent la vie à 4 bourgeons : Flyn, Lyft, Ywok et Nyls, qui vont devoir combiner leurs pouvoirs afin de rétablir l'équilibre d'Hélicya – ce sont d'ailleurs leurs initiales respectives qui forment le titre du jeu. Fly'n se présente sous la forme d'un jeu de plates-formes et de réflexion en 2D qui se démarque par son style visuel très marqué. Dès l'intro, on est conquis par ce patchwork de motifs artistiques aux tons pastel, relevés de jolis effets lumineux. Mais la musique se montre sans doute encore plus envoûtante : à de jolies mélodies éthérées, qui renforcent la dimension onirique de l'univers, succèdent régulièrement quelques délicieux thèmes électro. Le travail de Guillaume Pervieux force l'admiration et participe à la magie de l'expérience.
Si Fly'n se passe d'explications écrites (les bases sont enseignées par de petits schémas et les subtilités doivent être découvertes de façon empirique), c'est pour favoriser l'immersion du joueur, mais aussi parce que l'objectif de chaque niveau est aussi simple qu'invariable : parvenir jusqu'à la sortie, matérialisée par un courant d'air ascendant. On remonte en effet des racines jusqu'à la cime de chaque Arbre-Monde à mesure qu'on en franchit les niveaux. Il y a 4 arbres à explorer, constitués chacun d'une dizaine de niveaux. Les jolis environnements qu'on a l'occasion de traverser, constitués d'une série de "plates-formes" (les guillemets s'imposent vu le design tout en rondeurs), sont hélas souillés ça et là d'immondices. Ces dernières représentent un danger mortel pour nos bourgeons, mais elles sont désignées par une couleur rouge vif qui ne laisse aucune ambiguïté. Au-delà de ça, on n'est jamais confronté à aucun ennemi. Ce parti pris, qui évoque celui de Super Meat Boy, a permis aux développeurs de se concentrer sur un level design extrêmement fouillé, qui doit sa réussite à quelques mécanismes ingénieux procurés par les petits êtres que l'on peut contrôler. Au-delà de la fonction de saut (et de double-saut), nos quatre bourgeons disposent tous de deux capacités communes. La première, c'est la faculté de planer, bien pratique quand il s'agit de négocier une trajectoire parfaite pour ramasser les grains de pollen qui parsèment les niveaux. La seconde, c'est de pouvoir basculer à loisir de la vision "innée" à la vision "subtile", une sympathique transition graphique à l'appui. Cette vision alternative permet de voir l'essence des choses, et de révéler de nouveaux éléments de décor, des mécanismes à activer ou encore des courants d'air à emprunter. Il faut parfois switcher très vite entre les deux réalités pour afficher / masquer certains obstacles alors même qu'on est en train de sauter. L'exercice nécessite pas mal de réflexes et de sang-froid.
Mais ce n'est pas tout : outre leurs atouts communs, nos quatre bourgeons disposent de capacités spécifiques, qui confèrent leur thématique aux Arbres-Mondes dont ils sont respectivement issus. Flyn peut chanter pour restaurer la nature d'Hélicya ou bien pour activer des mécanismes en utilisant les boules d'énergie ramassées. La consistance visqueuse de Lyft lui permet de coller aux parois et d'évoluer la tête en bas. Sous sa forme de boule, Ywok peut rebondir partout, y compris sur les immondices puisqu'elle le rend invulnérable. Enfin, Nyls est capable d'effectuer plusieurs dashs aériens consécutifs pour atteindre des plates-formes inaccessibles. Si on ne contrôle que Flyn dans le premier Arbre-Monde, on débloque ensuite l'accès aux autres bourgeons, ce qui permet au gameplay de se renouveler agréablement avant de laisser s'installer une quelconque lassitude. Toutefois, on ne peut pas passer librement d'un bourgeon à l'autre : il faut pour cela se glisser dans des espèces de "lanceurs", qui offrent la possibilité de ressortir avec le personnage voulu et qui font aussi office de checkpoints. Ce système procure au jeu une bonne dose de réflexion, sachant qu'il faut exploiter la complémentarité des bourgeons pour accéder à certains endroits, surmonter tel piège ou obstacle, ou encore découvrir les zones secrètes les mieux cachées, ne serait-ce que pour ramasser tous les grains de pollen d'un niveau. Dommage que la sensibilité des contrôles, un tantinet trop prononcée, rende l'expérience parfois frustrante : on pense à l'inertie de Lyft quand il se décroche d'une paroi, ou encore à la difficulté à manœuvrer Ywok sous sa forme de boule. Du coup, il arrive qu'on ait un peu de mal à réaliser les enchaînements les plus techniques et à négocier les passages délicats. Dans tous les cas, privilégiez dans la mesure du possible la manette au combo clavier / souris ; elle vous procurera un meilleur confort de jeu et une réactivité accrue.
L'un des atouts de Fly'n réside pourtant dans sa capacité à s'adresser à tous les publics. S'il est possible de parcourir le jeu de façon superficielle, en se limitant à rallier la fin des niveaux (ce qui n'est pas toujours facile dans les derniers Arbres-Mondes, la difficulté étant progressive), c'est une tout autre dimension qui s'ouvre à l'amateur de scoring. Le score obtenu à l'issue de chaque niveau provient d'un savant calcul prenant en compte le chronomètre, les grains de pollen ramassés, les orbes d'énergie récupérés, les éléments de nature restaurés et le nombre d'échecs. Concilier tout ça n'est pas simple, mais on est facilement motivé par le leaderboard qui situe notre performance à l'échelle mondiale. Le challenge offert par Fly'n ne s'arrête pas là. En dehors des séquences de boss qui closent chaque Arbre-Monde, on doit régulièrement s'acquitter de phases de fuite, qui consistent à s'extraire d'un niveau vertical avant que la masse d'immondices qui monte peu à peu ne nous engloutisse. Au sommet se trouve un Hélicyéen qu'on ne peut sauver des griffes de Dyer qu'en ne mourant pas une seule fois. Ces niveaux peuvent donc être parcourus sans se soucier du PNJ et des retours aux checkpoints, ou en visant la pleine réussite, au prix d'un stress éprouvant. Heureusement, la récompense est à la hauteur ! Il faut aller la chercher dans le cocon, le petit havre de paix où notre bourgeon a la possibilité de se reposer entre deux phases de jeu. On peut y acheter des artworks avec les boules d'énergie, y rejouer un ancien niveau... ou encore prendre part aux niveaux bonus débloqués lors de ces fameuses phases de fuite ! Ces séquences bonus variées, originales et parfois même déjantées, proposent un challenge non négligeable et évoquent là encore un certain Super Meat Boy. S'il n'a pas l'envergure et l'aura de ce dernier, Fly'n n'en constitue pas moins, pour 10 euros, une acquisition incontournable, quel que soit votre profil de joueur.
- Graphismes17/20
La direction artistique de Fly'n, somptueuse, témoigne une fois plus du savoir-faire d'Ankama en la matière. Difficile de ne pas être émerveillé par la beauté des décors et la poésie des animations, sans parler des effets de transition très réussis lors du passage d'une réalité à l'autre.
- Jouabilité16/20
Le gameplay, qui repose sur quelques commandes simples, n'en dispose pas moins de nombreuses subtilités et se voit agréablement renouvelé par chaque nouveau bourgeon débloqué. On déplore en revanche des contrôles un peu trop sensibles quand il s'agit de négocier un passage difficile.
- Durée de vie15/20
En comptant les séquences bonus à débloquer, Fly'n offre une cinquantaine de niveaux, qu'il est possible de parcourir plus ou moins vite selon que l'on est un joueur occasionnel ou un mordu de leaderboards. Dans tous les cas, la durée de vie reste très honnête eu égard au prix de vente.
- Bande son18/20
Guillaume Pervieux a réalisé un travail exceptionnel sur la bande-son. Qu'elles se fassent mélodies éthérées ou thèmes électro, ses compositions ne se limitent pas à essayer de coller à l'univers poétique du jeu, mais s'avèrent juste magnifiques. Et les bruitages ne sont pas en reste.
- Scénario/
Fly'n est un de ces titres pleins d'idées, de savoir-faire et de passion, qui prouve qu'Ankama est capable de toucher d'autres genres avec la même réussite. Ce jeu de plates-formes et de réflexion peut être survolé avec légèreté, en se bornant à effleurer sa richesse tout en s’enivrant de sa direction artistique somptueuse et de sa bande-son envoûtante. Mais l'amateur de scoring et de leaderboards trouvera lui aussi de quoi sustenter son appétit, tant Fly'n est susceptible de combler les joueurs en quête de challenge. Voilà donc une expérience aussi universelle que profondément poétique, à conseiller à tous les amateurs du genre.