Après deux premiers épisodes plus que prometteurs, la série des Ys continue son petit bonhomme de chemin en élargissant son rayon d'action. Déjà présents sur micro-ordinateurs, NES ou encore Megadrive, Ys III fait à présent ses premiers pas sur Super NES ! Mais contrairement à d'autres séries phare qui ont su se renouveler et évoluer avec le temps, ce troisième épisode des Ys s'est quelque peu perdu en cours de route.
Trois années se sont écoulées depuis les évènements relatés dans Ys et Ys II. Adol voyage à présent aux côtés de son ami Dogi, personnage maintenant emblématique de la série et déjà rencontré dans les épisodes précédents. Durant une escapade en ville, Dogi se fait prédire son avenir auprès d'une diseuse de bonne aventure. Malheureusement, la boule de cristal éclate en morceaux après que la ville natale de Dogi ait été mentionnée par la jeune femme. A la fois intrigué et soucieux, Dogi décide de se rassurer et revient dans sa patrie de Redmont en compagnie de son fidèle comparse Adol. Sur place et après avoir été attaqué par un étrange chat sauvage, le duo apprend que la ville est menacée par un château voisin. Adol entre alors en scène afin de régler le problème...
Ce qui frappe sans doute immédiatement face à un tel prologue, c'est la banalité et le classicisme du speech d'introduction. L'univers d'Ys est soudainement délaissé, son background mis de côté, vous voilà dans une toute nouvelle aventure où Adol est presque relégué au second plan. Avec un peu de recul, on peut se dire que le monde d'Ys n'a plus rien à offrir après les évènements des deux premiers épisodes. Ce troisième opus serait donc un tout nouveau chapitre à écrire. On peut poursuivre dans l'idée en imaginant qu'avec Dogi et sa ville natale, nous allons en apprendre un peu plus sur ce personnage et découvrir de lourds secrets autour de lui. Le background général de la série s'en verrait alors élargi et toujours plus consistant à chaque nouvel épisode. Malheureusement, le joueur se rend très vite compte d'une réalité prévisible mais assez déroutante : que Dogi soit présent ou non, cela ne change absolument rien au fond du jeu. Il en va de même pour sa ville qui ne demeure finalement qu'un endroit à sauver des mains d'un vilain tyran lui-même contrôlé par une entité souhaitant dominer le monde. En soi, Ys III reprend ce que n'importe quel jeu de rôle lambda propose depuis toujours. La palme en revient sûrement à notre pauvre Adol, à qui les villageois incombent la lourde tâche de sauver le royaume alors que personne ne le connaît et qu'il n'était à la base là que pour accompagner son ami. La logique voudrait que Dogi sauve sa propre ville, mais Dogi est occupé à... on ne sait pas en fait, bien qu'on le croise par moments.
La ville de Redmont reste tout de même le point d'ancrage du jeu, puisqu'à chaque objectif atteint vous revenez vers celle-ci. Autant dire que pour une ville, vous n'avez accès qu'à cinq ou six habitations maximum. Deux sont d'ailleurs réservées pour les achats d'équipements et d'objets diverses. Une fois en dehors de Redmont, Ys III reste d'une linéarité ahurissante. Votre but ? Aller à tel endroit de la carte, y déloger un Boss et récupérer un objet clé utile pour la fin du jeu. Il suffit ensuite de revenir en ville afin de découvrir la prochaine étape de votre palpitant voyage. Il ne faut pas non plus trop espérer niveau quêtes annexes, bien que l'on passe souvent notre temps à dénicher des objets qui semblent finalement n'avoir aucun rôle dans le jeu. Un peu d'exploration pour sauver la mise ? Que nenni, il ne faut plus compter dessus puisque maintenant vous allez d'un endroit à un autre simplement en le sélectionnant sur la mappemonde. Cette dernière s'ouvre dès que vous quittez le lieu où vous vous trouvez. Voyager était parfois laborieux dans les épisodes précédents, mais cela avait le mérite de rendre le tout immersif et cohérent. Ici, vous endossez simplement le rôle du parfait mouton.
Concernant le gameplay, autant dire qu'il a subi de gros et brusques changements. Ys est considéré à la base comme un action-RPG. Caméra en vue de haut, vous fonciez auparavant sur vos ennemis dans des environnements plus ou moins étendus. A présent, la traversée de Redmont ou des donjons ne se fait plus en vue de haut mais... en scrolling horizontal. Plus qu'étonnant au premier abord, ce choix possède ses avantages et ses inconvénients selon le profil de chaque joueur. En termes d'immersion, le scrolling permet une perspective plus importante et renforce l'identité de chaque lieu traversé. Ce n'est pas flagrant mais cela se ressent tout de même, les environnements étant plutôt diversifiés. Du côté d'Adol, vous maniez maintenant votre épée par vous-même via une touche d'attaque, avec en prime la possibilité de sauter ou de ramper. Plus généralement, on s'éloigne nettement de l'action-RPG pur pour une approche plus orientée plates-formes voire hack'n slash. Outre les sauts à réaliser pour atteindre certains endroits en hauteur ou en contrebas, l'avancée dans un donjon se fait à la manière d'un rush. Vous foncez droit sur vos ennemis avec la touche d'attaque enfoncée et vous priez pour bien encaisser les dégâts. L'idée est dans le fond très semblable aux premiers Ys, si ce n'est la notion de stratégie en moins. Si vous n'êtes pas de ceux trouvant leur bonheur dans le gameplay d'un Castlevania ou d'un Metroid, alors passez doublement votre chemin. Ys III est du même genre, mais en moins réfléchi.
Autre point important car inhérent à la série, le côté hardcore. Ys III ne déroge toujours pas à cette règle mais il le fait de manière bien plus irrégulière. Il faut tout d'abord savoir qu'avant chaque donjon, un écran de transition permet de récupérer toute sa vie. Il n'est donc pas rare de faire un peu de leveling sur le premier tableau d'un donjon, revenir sur l'écran précédent afin de se soigner puis réitérer le processus. Le souci, c'est que très tôt dans le jeu, le joueur a accès à un endroit permettant d'engranger sans peine énormément d'expérience et d'or. On peut même aisément aller au niveau maximum et posséder le meilleur équipement disponible en ville. Résultat des comptes, les donjons sont une véritable promenade de santé où vous ne vous souciez même plus des ennemis ni de votre jauge de vie. Vous foncez juste sans réfléchir, et les Boss ne représentent pas non plus un quelconque défi puisque vous avez en votre possession différents anneaux magiques. Disons de manière simple que sans anneaux, un Boss nécessite une stratégie spécifique pour être vaincu. Vous devez mourir en boucle avant de comprendre son point faible. Mais avec les anneaux, notamment celui boostant la force, il suffit de foncer sur ledit Boss pour le voir mourir en à peine quelques coups. Système donc complètement caduc qui rend à son tour le jeu d'une simplicité enfantine. Ces anneaux possèdent différents pouvoirs, boostant donc la force ou la défense par exemple. Vous ne pouvez en équiper qu'un seul à la fois, et cela consomme ensuite continuellement une réserve de magie. Il faut donc tout de même les utiliser à bon escient, même si comme précisé auparavant seuls les Boss sont à même de poser un souci. Au pire, ces anneaux se rechargent en ville contre quelques pièces d'or. Seul le premier donjon et la dernière ligne droite du jeu apporte un peu de défi et de réflexion.
Et c'est ici que chacun y trouvera son compte ou non. D'un côté, il y a ceux qui pensent que l'intérêt du jeu est considérablement réduit par ce leveling ultra facile, ce gameplay sans réflexion et le fameux système d'anneaux. De l'autre, vous avez ceux qui considèrent ce côté bourrin plus que jouissif, la bande-son rythmée rendant bien souvent la traversée d'un donjon frénétique. Quoi qu'il arrive, Ys III est à l'image d'un god mode. C'est amusant au début, ça dépote pas mal au milieu et puis finalement l'effervescence retombe au bout de quelques heures. Ensuite, l'amer constat : « A quoi suis-je en train de jouer ? Un ersatz de jeu de rôle à tendance hack'n slash, linéaire et sans fond ? Non, moi je voulais être immergé dans une aventure onirique et être surpris. Moi, je voulais simplement jouer à un Ys. »
- Graphismes14/20
C'est logiquement plus beau que les précédents opus sur NES, et les animations sont beaucoup plus convaincantes. De même, le scrolling permet une toute nouvelle approche de l'univers nous entourant. Mais en comparaison de tous les autres supports, autant dire que cette version Super NES fait pâle figure. A cela s'ajoutent quelques ralentissements par moment, et des environnements d'une qualité inégale.
- Jouabilité12/20
Avec ses composantes plates-formes et hack'n slash, Ys III aurait pu être à la croisée d'un mélange détonant. Malheureusement, cet opus se perd totalement entre sa difficulté corsée par moment et une simplicité enfantine le reste du temps. Le jeu manque tout simplement d'équilibre et de cohérence entre tous ces genres. Il n'en reste pas moins un bon défouloir si on met de côté le fait que l'on joue à un Ys.
- Durée de vie12/20
Du fait d'un leveling bien trop rapide et de quelques idées discutables, le jeu se boucle ultra rapidement. Comptez environ 5h, sachant que l'aventure se résume principalement à traverser des donjons très courts gardés par des Boss.
- Bande son15/20
La bande-son reste inégale, certains thèmes sont tout juste bons lorsque d'autres accentuent considérablement le rythme du jeu. De plus, et à l'image des graphismes, les musiques sont de moindre qualité comparé aux autres supports.
- Scénario12/20
Après le scénario des épisodes précédents, il était assurément difficile de surenchérir ou de recommencer un chapitre à part entière. Résultat, Ys III s'enlise dans une banalité sans nom. Un tyran contrôlé par une entité malfaisante, un monde à sauver, c'est du vu et revu. A ceci s'ajoutent très peu de dialogues et une morale finale tellement clichée qu'elle en devient indigeste.
Il est difficile de noter convenablement Ys III pour la simple raison qu'il peut être perçu de deux façons différentes. Pour quelqu'un qui s'attend à une digne suite, le manque de profondeur du scénario, le remaniement total du gameplay et l'abandon du background de la série sonne comme un sacrilège. A côté, le jeu offre quelques instants intenses où la réflexion n'est plus de mise, vous foncez simplement dans le tas et vous anéantissez tout sur votre passage sans vous poser de questions. A vous de voir si vous voulez débrancher votre cerveau ou non. Ys III reste quoi qu'il arrive beaucoup moins convaincant que ses prédécesseurs.