Habitué à voir tous les grands Tales of 2D portés successivement sur PSP, le public japonais ne fut pas surpris d'accueillir en mars 2008 cette version portable de Tales of Rebirth. L'occasion idéale pour Namco Bandai de remettre sur le devant de la scène ce conte magnifique au style bien particulier.
Si le succès des Tales of au Japon n'a jamais été remis en question, il faut bien avouer que personne ne s'attendait au véritable envol dont a fait preuve la série au début des années 2000. Destiny 2 en 2002, Symphonia en 2003, et maintenant Rebirth en 2004 ; mais quel est donc le secret que cache Namco pour être aussi productif ? La solution est très simple, on dénombre à ce jour deux studios principaux travaillant sur des projets différents estampillés Tales of. Ainsi, l'équipe qui s'est donnée corps et âme pour le développement de Tales of Symphonia n'est pas la même que celle qui a œuvré sur Tales of Rebirth, et le moins que l'on puisse dire est que ça se sent car ce tout dernier opus ne suit pas du tout le passage à la 3D précédemment instauré et préfère garder le style 2D fièrement arboré par les aînés de la série. Autant vous prévenir de suite, les points communs avec Tales of Destiny 2 sont très nombreux, ce qui n'est pas pour nous déplaire ! On retrouve donc avec plaisir l'inépuisable Mutsumi Inomata au poste de character design.
Parmi les nombreuses innovations que revendique Tales of Rebirth, le style des personnages ainsi que l'ambiance générale ont une place importante. Puisqu'il s'agit avant tout d'un conte (« tale » en anglais), l'aspect manga pourtant récurrent dans la série a été mis de côté pour se concentrer sur un rendu plus poétique et qui rappelle sans aucun mal les histoires fantastiques de princesses telles qu'on peut les lire dans les romans. Ainsi, pas de gamines aux cheveux roses qui piaillent à tout bout de champ, mais de grandes demoiselles, fines, délicates, aux longs cheveux et aux yeux emplis de beauté. Le changement passe aussi et surtout par le héros principal, Veigue Lungberg, taciturne et adulte, dont l'unique raison de vivre est de protéger Claire, l'amie d'enfance à laquelle il semble intimement attaché. On est bien loin du caractère immature et niais de Kyle et de Lloyd, les protagonistes des deux précédents volets. Le cadre est alors idéal pour peindre une histoire bien plus sérieuse que les précédentes, mais également plus sombre.
Namco nous plonge dans le royaume de Kalegia, où la population est composée de deux races, les Humas (humains) et les Gajumas, ces êtres à l'apparence anthropomorphique et à tête d'animal (canidés, félins ou encore bétail). Si les premiers excellent par leur intelligence, les seconds sont plus doués pour la force physique, une différence qui leur a toujours permis de coexister en symbiose. Malheureusement, c'est suite au tragique décès du roi Ladras que semble s'être abattue une malédiction divisant petit à petit les deux peuples, les vouant à la dispute, au mépris et à la haine. Par la même occasion, de nombreux individus sentirent naître en eux un pouvoir étrange, la « Force », leur permettant d'interagir ou même de contrôler l'élément naturel avec lequel ils se retrouvent liés. A l'instar des contes de Perrault, Tales of Rebirth se veut donc cathartique, puisqu'il met en relief la question de différence, de tolérance ainsi que de mélange racial, un sujet déjà abordé dans la série Tales of et qui reste toujours d'actualité sur l'archipel japonais.
Alors que de mystérieux guerriers agissant au nom de la princesse Agarte kidnappent à travers tout le pays les plus belles humaines de chaque village, le joueur suit le chemin de Veigue et de ses compagnons, lancés à la rescousse de Claire dont le sort reste entièrement incertain. L'aventure se déroule de manière traditionnelle par l'exploration de nombreuses villes accessibles depuis une carte du monde sommairement modélisée en 3D. De nombreux donjons sont également à traverser ainsi qu'à admirer, puisqu'encore une fois, on retrouve pour tout décor de somptueux tableaux en 2D dans lesquels la nature se meut au gré des ruisseaux ou des caresses du vent. Afin de progresser dans ces environnements, l'utilisation de la Force propre à chaque protagoniste sur la nature est indispensable. Ainsi, il faut utiliser le pouvoir du feu pour faire brûler des branchages encombrants, le pouvoir de la glace pour créer des blocs utilisables comme plates-formes, ou bien le pouvoir de la végétation pour tisser des lianes afin d'accéder à des sommets trop élevés.
Véritable marque de fabrique de la série, le système de combat Linear Motion Battle System évolue une nouvelle fois encore pour donner naissance à un style inédit dont le principe repose sur trois lignes vues de côté. Baptisé 3L-LMBS, il oppose en temps réel le groupe de quatre héros à de nombreux ennemis qui, en plus de se déplacer traditionnellement de gauche à droite, peuvent désormais changer de rail afin de se concentrer sur d'autres cibles. Bien plus qu'un simple ajout accordant plus de liberté aux mouvements des personnages, cette innovation permet l'établissement de tactiques redoutables. Par exemple, se rabattre rapidement derrière un adversaire et l'encercler avec un coéquipier est une manœuvre fort utile pour prendre l'avantage, en veillant toutefois à ne pas tomber soi-même dans un traquenard tendu par l'adversaire. Chaque combattant a également la possibilité de gérer son attitude au combat selon la situation à appréhender via une jauge à orienter en haut ou en bas afin de concentrer toute son énergie sur l'attaque ou bien sur la défense.
Assurément, les célèbres attaques destructrices appelées hiougi sont toujours au rendez-vous, mais n'ont pas dérogé à la volonté de refonte de tous les systèmes de jeu. En effet, ils unissent désormais deux héros qui, ensemble, déversent toute leur puissance dans une véritable pluie d'effets spéciaux. Par ailleurs, il n'est plus possible de les réaliser que lorsque la fin du combat est imminente, ce qui permet de donner à certains boss des coups de grâce particulièrement jouissifs. Après chaque affrontement, le joueur a en outre la possibilité de dépenser des points d'Enhance glanés au fil des victoires. Utilisables sur les armes ainsi que sur les armures de chaque protagoniste, ils permettent d'améliorer petit à petit les statistiques liées à l'attaque, la défense ou encore au nombre de points de vie. Ainsi, l'obsolescence des multiples équipements est sans cesse retardée, ce qui permet d'être toujours à la « pointe de la technologie » au cours d'un donjon. Une idée discrète mais qui donne un bon coup de main et témoigne du vent de fraîcheur apporté par Tales of Rebirth.
Puisqu'il est désormais habituel de se pencher longuement sur les voix de la série, cet opus atteste toujours du professionnalisme avec lequel sont doublés absolument tous les dialogues du jeu. On retrouve les fameuses saynètes qui mettent en scène des conversations diverses et variées liées de près ou de loin aux récents évènements scénaristiques. Ceci dit, les fans encore sous le charme de la voix de Zélos dans Tales of Symphonia seront un peu déçus de constater qu'ici, aucun personnage ne se démarque particulièrement du lot. Les musiques composées par Motoi Sakuraba et Shinji Tamura réussissent toujours aussi bien à retranscrire le calme de certains lieux tout comme l'agitation ou le caractère épique de certains combats. En conclusion, ce portage de Tales of Rebirth permet de redécouvrir un titre doublement excellent. Premièrement, parce qu'il s'agit comme pour ses aînés d'un jeu de rôle de très grande qualité, et secondement car le pari de retourner au style 2D tout en innovant sur de nombreux points est parfaitement réussi. Tout simplement incontournable pour tous les possesseurs d'une PlayStation Portable.
- Graphismes18/20
Reprenant grosso modo le même moteur graphique introduit par Tales of Destiny 2, Tales of Rebirth confère une grande importance aux décors tant leur beauté permet de renforcer la poésie omniprésente durant l'aventure. Les combats ne sont pas en reste puisqu'ils regorgent d'effets spéciaux particulièrement soignés. Enfin, les nombreuses cinématiques animées sont tout simplement magnifiques.
- Jouabilité18/20
Encore une fois, le système de combat propre à la série évolue intelligemment et sans la moindre faute. La prise en main est instinctive et la souplesse des personnages durant les affrontements permet de prendre beaucoup de plaisir dès les premières heures de jeu. Les plus pessimistes pourront toutefois râler contre la modélisation des environnements dont la perspective fausse parfois les déplacements.
- Durée de vie18/20
Longue et passionnante, l'épopée de Veigue se déguste étape par étape, d'autant plus qu'il est possible à tout moment de se séparer de la trame principale pour faire un peu d'exploration dans son coin. Cette version portable rajoute une myriade de contenu supplémentaire, tel que le colisée ou bien un recueil à compléter présentant les plus belles illustrations de Mutsumi Inomata.
- Bande son17/20
Chaque nouveau Tales of semble proposer davantage de contenu doublé, ce qui est encore une fois le cas pour Tales of Rebirth qui jouit d'un travail vocal de très grande qualité. Même la voix timide et renfermée de Veigue est délicieuse. Les thèmes musicaux accompagnent harmonieusement l'histoire qui nous est contée, parmi lesquels certaines perles resteront assurément dans les mémoires.
- Scénario17/20
C'est là tout le charme de Tales of Rebirth. Toute la modestie d'un scénario calme, simple et humble, qui par sa poésie et par les différents personnages qu'il met en avant réussit à réveiller des sentiments forts dans le cœur du joueur. Le conte touchant d'un homme vivant dans le seul but de rendre la fille chère à son cœur heureuse, sur un fond de tensions raciales dans un royaume orphelin de son roi.
Difficile de déterminer ce qui du royaume maudit empreint de beauté ou du nouveau système de combat terriblement efficace fait de Tales of Rebirth ce RPG tout simplement excellent qui se savoure comme on lit une histoire fantastique ; c'est sûrement l'habile mélange des deux. Début 2008, c'est avec brio que Namco nous rappelle l'efficacité d'un jeu en 2D correctement soigné, grâce à cet opus qui se place à l'opposé même du grand changement 3D instauré par Tales of Symphonia. Est-ce d'ailleurs un hasard si en japonais, les mots anglais « rebirth » et « reverse » se prononcent de la même manière ?