La simple évocation du studio Compile Heart ne fait baver qu'un petit nombre de gamers, comparé à l'immensité vidéoludique. Si leurs jeux parviennent tant bien que mal en Europe, leurs concepts nippons jusqu'à la moelle n'est pas au goût de tous. Bonne ou mauvaise nouvelle, à vous de juger, mais Mugen Souls n'a certainement pas pour ambition de changer la donne en s'ouvrant au reste du monde. Preuve en est son intro dans laquelle on retrouve deux jeunes demoiselles chantant de la J-Pop, avec les couleurs pastel et les effets scintillants super kawaii de bon aloi. Pourtant, la plus grosse erreur que vous pourriez faire est de croire que nous sommes devant un titre neuneu blindé de grands sentiments et de clichés pathétiques, car le prochain paragraphe pourrait bien vous surprendre.

Tout d'abord, il ne faut pas plus d'une minute pour avoir deux gros plans sur des petits culottes et un plotage de seins en règle, ce qui remet légèrement en doute le côté mignon tout plein. Cela est d'autant plus drôle que la scène suivante voit les deux "chanteuses", Chou-Chou et Altis, se frotter lascivement dans une source chaude. Et si cet aspect un peu pervers fait aussi (parfois) partie de l'univers du jeu vidéo japonais, tout part en vrille quand un troisième larron, le timide Ryuto, pète un plomb magistral quand il est invité à rejoindre les demoiselles, dans une scène qui nous parle de façon très imagée d'éjaculation précoce. Oula, mais où sommes-nous tombés ? Ouvrez donc votre esprit, car Mugen Souls est en vérité une vraie parodie de tout ce qu'on peut trouver dans les RPG nippons, le tout géré avec un humour hardcore bourré d'ironie.

Ainsi, vous découvrez vite que vous incarnez les méchants de l'histoire. En effet, le petit minois de Chou-Chou cache en fait une ambition démesurée : mettre l'univers tout entier à sa merci ! Pour cela, elle profite d'un pouvoir étonnant qui est d'inciter quiconque croise son chemin à devenir son esclave pour l'éternité. Rien que ça. Elle est accompagné de Altis, une demoiselle sadique qui ne pense qu'à faire le mal autour d'elle. Manque de bol, à chaque fois qu'elle essaie de causer des désastres pour annihiler des villages entiers, elle finit par sauver des gens bien malgré elle, comme une sorte d'effet papillon. Outrage ultime, à force de faire le bien sans le vouloir, elle est passée du statut de démon à celui d'ange, et son doux visage l'empêche totalement d'être crédible dans ses ambitions de tortionnaire. Enfin, Ryuto est un masochiste pervers qui ne pense qu'à reluquer des filles dévêtues et à assouvir tous les désirs de Chou-Chou. En sachant que de nombreux personnages annexes charismatiques viendront graviter autour de ce trio, on a déjà un bon aperçu de l'univers complètement barré de Mugen Souls.

Car c'est tout le gameplay qui est directement impacté par ce pitch invraisemblable. Lors de votre traversée de chacun des sept mondes qui s'offrent à vous, votre ambition première est soumettre tout être vivant sous votre joug, à commencer par le "Héros" et le "Demon Lord". Là encore, le but est de jouer avec les ficelles du RPG japonais classique. Pour idée, lors de votre rencontre avec le héros du premier monde, les protagonistes sont persuadés d'avoir affaire à un brigand, ce dernier n'hésitant pas à casser tous les vases à sa portée et à fouiller chez les gens sans permission, un concept inhérent au genre. Et quitte à continuer de faire voler les clichés en éclats, que dire de la jeune princesse qu'il est censé sauver, qui ressemble à la perfection à la demoiselle en détresse bateau jusqu'au moment où l'on parvient à lire son journal intime dans une scène hilarante. Vous l'aurez compris, le cadre global de Mugen Souls nous a plu, mais encore faut-il que le gameplay suive.

Ainsi, on se retrouve dans de grandes zones d'exploration où pullulent les monstres. Si aller d'un point A à un point B est souvent votre but, vous disposez aussi d'une jauge qui indique votre pourcentage de contrôle du continent sur lequel vous vous situez. Sur chacun de ces continents, dix "Master" (Mugen Souls n'est pas localisé en français) sont plus ou moins cachés, et vous devez vous aider d'indices pour les trouver et les charmer. Une fois ceci fait, les choses se compliquent puisqu'ils ont chacun des goûts assez précis. Certains préfèrent les filles joyeuses, d'autres aiment être châtiés (oui oui) et c'est ici que Chou-Chou peut dévoiler un autre pouvoir surprenant, la possibilité de changer d'apparence à volonté ! Ainsi, elle peut tenir huit rôles différents (bipolaire, écervelée, sadique, égotiste, masochiste, laconique, hyperactive et gracieuse) afin de s'adapter aux préférences de ses futures victimes et ainsi les séduire. Pour cela, il faut choisir trois attitudes différentes parmi les choix proposés et espérer une bonne réaction, sans quoi il faudra affronter de vilains monstres. Un concept qui peut sembler simple, mais qui prend une toute autre dimension en combat.

Car vos charmes font aussi effet sur les créatures adverses. Ainsi, grâce à la capacité Moe Kill de Chou-Chou, vous pouvez tenter d'assouvir n'importe quel ennemi en prenant la bonne personnalité et en trouvant les bons mots, les monstres ayant leur propre caractère, mais aussi leur humeur. En cas de réussite, vous pouvez les transformer en objet, voir en Shampurus, des bestioles qui fonctionnent comme une "unité d'esclave". Toutefois, en cas d'échec, le monstre récupère toute sa vie et voit ses statistiques de combat boostées ! Il va donc falloir faire des choix, d'autant que dans des petits périmètres, vous serez parfois obligé de "discuter" avec plusieurs monstres à la fois, chacun réagissant de manière différente. Mais si vous aimez la faire à l'ancienne, rien ne vous empêche de botter le derrière de tout ce beau monde avec vos armes et vos compétences. Si là encore, la personnalité de chaque personnage et ennemi rentre en compte (les personnalités fonctionnant un peu comme les "éléments" des RPG classiques), c'est dans la capacité "Blast Off" que le système de combats prend toute son ampleur. Il vous est en effet possible de repousser les ennemis en utilisant vos compétences. Ainsi, vous pouvez jouer à la pétanque en faisant rebondir les monstres contre les murs ou leurs congénères, ce qui à pour effet de retarder leur tour d'attaque, mais aussi de changer leur position sur le champ de bataille.

Outre le fait que les ennemis doivent être proches de vous pour vous attaquer, on comprend l'importance de ce jeu de ricochet quand on comprend le système de cristaux. En effet, des petits cristaux sont disséminés un peu partout sur le terrain, chacun ayant un effet dans une petite zone autour d'eux. Si certains sont bénéfiques, d'autres empêchent les ennemis ou alliés de bouger, ou encore diminuent les caractéristiques. Ainsi, il faudra constamment veiller à vos déplacements et à ceux de vos adversaires. Cela est d'autant plus drôle que ces cristaux disposent de points de vie. Une fois à zéro, ils explosent, causant un effet dans leur zone comme des dégâts, ou autres joyeusetés. Cela dit, vous ne pouvez pas les attaquer directement et ne pouvez les atteindre que via rebond. Mais le must reste la possibilité de... charmer le cristal ! En cas de réussite, tous les ennemis de sa zone d'effet subissent le même sort (transformés en objets, shampurus, ou au contraire, rendus plus forts !). Toutefois, le plus important reste le cristal géant situé au milieu du champ de bataille. En effet, si vous parvenez à charmer ce dernier, c'est carrément tous les monstres de la zone de combat que vous charmerez en une seule fois ! Et mieux encore, le faire exploser vous fait rentrer en Fever Mode, ce qui fait apparaître quatre gros bumper dans les airs. Si vous arrivez à utiliser un Blast Off envoyer un ennemi sur ces bumpers, c'est le jackpot et l'argent coulera à flot !

Si le concept peut paraître confus, c'est avant tout parce qu'il est extrêmement dense. Gérer à la fois les personnalités, le positionnement de chaque individu, la jauge de Blast Off et les ricochets peut s'avérer une galère sans nom. Il faudra forcément faire un choix selon ce qui nous intéresse le plus, entre l'argent, l'expérience, les objets ou encore les shampurus. Etant donné que tout à une importance, on est parfois un peu perdu devant un jeu qui tente de nous proposer tant de choses et si rapidement. Quand on sait qu'il est possible de créer soi-même des péons (voire de les fusionner) pour combattre à nos côtés, ou encore de booster notre équipement pratiquement à l'infini, on se dit qu'on est parti pour des heures et des heures de leveling intensif. Pourtant, nous ne faisons qu'effleurer le coeur de Mugen Souls tant que nous ne mettons pas les pieds dans le titanesque Mugen Field : une sorte de donjon de 100 étages dans lequel vous pouvez améliorer vos personnages de façon impressionnante !

Divisé par étapes de 10 niveaux, le Mugen Field est une succession de combats dans lesquels vous affronterez des ennemis de plus en plus coriaces. En pariant des Mugen Points, vous pouvez gagner de l'expérience de façon astronomique, tout en augmentant la difficulté. Le hic, c'est qu'une mort de l'équipe vous ramène directement au rez-de-chaussée ! A n'importe quel moment, des boss peuvent apparaître pour corser le tout, tout en offrant des bonus supplémentaires en cas de victoires. A chaque palier de 10 niveaux, vous découvrez une zone dans laquelle vous pouvez acheter des compétences supplémentaires pour vos personnages, voire améliorer celles déjà existantes. Comme pratiquement aucune limite ne vous est imposée (vos personnages peuvent monter au niveau 9999, par exemple), autant dire que les férus de grinding risquent de perdre leur vie dans Mugen Souls. Si enchaîner les combats peut paraître répétitif, quiconque qui accroche le concept ne pourra que s'extasier devant le contenu offert par le titre de Compile Heart.

Mine de rien, nous arrivons au bout de ce test, et nous nous rendons compte des nombreuses choses que nous n'avons même pas pu signaler, comme les batailles de G-Castle qui sont une sorte de Pierre-Papier-Ciseau géant. Si cet article ne peut pas être totalement exhaustif faute de place, il faut tout de même résumer Mugen Souls en quelques mots. Voilà un titre parodique particulièrement fun qui rit volontiers des codes du genre tout en proposant un gameplay complexe fort accrocheur. S'il faudra sûrement être un adepte de RPG tactique pour en comprendre tout l'intérêt, nous sommes devant un soft chronophage qui mérite largement le coup d'oeil pour qui aime le genre.