Qui ne voudrait pas en savoir en peu plus sur un mélange de Kirby et de R-Type avec une jolie fille et un vaisseau spatial sur la boîte du jeu ? Gaiares, perdu par une campagne publicitaire complètement ratée et presque culte, est resté confidentiel au sein d'un genre devenu lui-même confidentiel. Sorti au Japon seulement cinq jours après Musha Aleste, le meilleur shoot'em up vertical de la Mega Drive, Gaiares s'avance dans la foulée comme un prétendant sérieux au titre de meilleur shoot horizontal de la console. Rien que ça !
Gaiares s'ouvre sur une longue introduction où nous apprenons le pourquoi du comment derrière ce sauvetage (rescue) de la planète Terre (Gaia). L'effort est honnête, techniquement c'est très réussi, mais le scénario demeure trop bancal et niais pour nous accrocher. On passe donc sur les conflits entre l'empire Leezaluth, la race humaine au bord de l'extinction, et le groupe terroriste Gulfer mené par la reine Zz Badnusty, pour entrer dans le vif du sujet. Après une séquence de décollage bien nerveuse nous sommes soudain jetés dans l'espace intersidéral et les choses sérieuses commencent sans temps mort. Les premières salves d'ennemis nous laissent tout juste assez tranquilles pour découvrir les bases du gameplay : changement de vitesse (bouton A), feu à volonté (bouton B), envoi du module TOZ (bouton C). On remarque bientôt la présence de power-up classiques, comme le bouclier ou la destruction des ennemis à l'écran, mais aucune arme. C'est tout simplement qu'en fait, il va falloir les voler à l'ennemi, ces armes.
Le module TOZ est une technologie avancée offerte par l'empire Leezaluth. Il fonctionne comme un drone plus ou moins éloigné du vaisseau selon les déplacements de celui-ci, et peut encaisser certains tirs ennemis. Il fournit une puissance de feu supplémentaire en utilisant la même arme que le vaisseau, mais il est surtout le seul moyen d'obtenir l'une de ces armes. En appuyant sur le bouton C, on peut ainsi envoyer le module s'accrocher à un ennemi pour copier son armement ! Un adversaire envoie des missiles autoguidés ? A mon tour ! Un autre me sort des rayons laser monstrueux ? A mon tour ! Mais attention : envoyer le module signifie aussi perdre quelques instants la possibilité de tirer et de se protéger grâce à lui... Un système jouissif mais pas abusif donc, qui nécessite aussi bien audace et réflexes que technique et réflexion. Pas question ici de rester planqué derrière son module ou d'attendre que l'arme ultime se pointe toute seule. Avec une maniabilité impeccable exempte de ralentissements ou de problèmes de collision, Gaiares se permet de nous proposer un gameplay original aussi jubilatoire qu'exigeant. Chaque nouvelle arme copiée peut ensuite être améliorée jusqu'à la pleine puissance, en sachant qu'une arme montée à 100% le restera même si une autre arme est acquise entre-temps. Ce système facilite le passage d'une arme à une autre sans en imposer complètement la prise de risque. Libre à chacun ensuite de choisir son style parmi la dizaine d'armes disponibles ! Il existe même encore quatre autres armes, secrètes et surpuissantes, que vous risquez fort d'acquérir au hasard de vos premières parties...
Et quel plaisir de démolir en un éclair ce fichu boss rencontré pour la vingtième fois ! Le surgissement d'une de ces armes apparaîtra en effet comme une lueur d'espoir, tant le soft peut sembler immonde de difficulté. Gaiares tranche dans le vif, obligeant le joueur à recommencer une partie du niveau à la moindre vie perdue, poussant au par cœur sans permettre la récitation pure et simple. Mode “Normal” ou “Very Hard”, rien d'autre ne nous est proposé dans le menu d'options, quand, au bout du énième Game Over, le Game Over de trop, on finit par hésiter à réduire le niveau pour le rendre supportable. L'apprentissage des différentes armes se fait aussi bien dans la joie de la découverte que dans la douleur. Cette difficulté parfois cruelle en rebutera certains, mais elle a le mérite de maintenir la pression sur le joueur sans le contraindre à suivre une façon de jouer tracée à l'avance, grâce à l'ingéniosité du gameplay et à la variété des situations. Tous les persévérants et les audacieux, bourrins ou techniques, nerveux ou malins, finiront par y trouver leur compte en dégotant leur arme fétiche, ou celle qu'ils estimeront la plus adaptée à telle ou telle difficulté. Alors on retrousse ses manches pour repartir à l'assaut, et découvrir, encore, que le jeu nuance ses propres règles, nous surprend, nous défie. Game Over. Cinq vies. Quatre continues. Point barre.
On continue ? On abandonne ? Embarqué sur l'une des premières cartouches 8 Méga de la console, le titre nous offre au moins de quoi nourrir ce désir d'aller plus loin. Les graphismes assurent, les rares temps de chargement sont cachés, l'animation tient bon. Il arrive que le bouclier du vaisseau clignote, voire n'apparaisse plus, mais cette gêne reste occasionnelle (dans ce cas, mettre le jeu en pause permet souvent de vérifier). Gaiares se permet même d'anticiper sur le grand Thunder Force IV avec une aire de déplacement en haut et en bas de l'écran, jusqu'à proposer de véritables chemins alternatifs dans certains niveaux. L'effort se paye cependant par une relative imprécision lors de la Mission 2, où le recadrage de l'écran décale en même temps les ennemis et leurs tirs. Mais on lui pardonne tout dès la Mission 3, à la fois incohérente et superbe, où l'entrée dans l'hyper-espace débouche sur un couloir de trous noirs avant de se terminer dans un château truffé de pièges... Le jeu semble ainsi souvent hésiter entre des décors purement graphiques mais réussis (les arrières-plans baignés d'aurores boréales de la Mission 2 par exemple), et des moments surprenants principalement construits par une idée de gameplay (les changements de gravité des trous noirs affectent tout, y compris les tirs ennemis !). Ce shoot'em up n'échappe pas aux classiques champs d'astéroïdes et autres bases spatiales, il connaît certes ses pertes d'inspiration, mais assure jusqu'au bout selon cette générosité qui perd en cohérence ce qu'elle gagne en originalité. A cet égard nous vous laissons découvrir les différents boss, rencontres étonnantes qui mèneront certainement à quelques moments d'anthologie !
Et ce d'autant plus que la partie sonore du titre ne dépareille pas, bien au contraire. Si les effets et autres bruitages jouent leur rôle sans impressionner particulièrement, les musiques de Gaiares arrivent souvent à nous scotcher dès les premières secondes, malgré les nombreuses répétitions. C'est simple, recommencer au début d'un niveau accompagné par la musique suffit parfois à nous remettre dans la course et à nous pousser dans nos retranchements. Il arrive que certains morceaux deviennent agaçants à force (le début de la Mission 2 notamment, pourvu d'un rythme plus lent et déjà répétitif), mais c'est déjà là un bel exploit que réalise la bande musicale du soft. La partition se rafraîchit également lors de certains passages, teintés de désespoir et renvoyant au scénario, comme la Mission 4 qui se déroule aux abords de ruines spatiales et autres bâtiments étonnamment terrestres, tout simplement humains. En fait le seul véritable reproche que l'on puisse faire aux choix musicaux réside encore dans ce déséquilibre entre cohérence et originalité ou effet de surprise, qui, ici, penche parfois du mauvais côté. Grâce à la répartition des musiques réservées aux boss, celles-ci débordent parfois sur une partie plus ou moins grande du niveau. Cela empêche d'installer une routine bien lourde dans le déroulement des missions, mais le problème reste que ces musiques sont peut-être trop joyeuses, trop entraînantes, en rupture avec l'ambiance du jeu. Elles ne brisent pas toute l'intensité de l'action mais ne semblent pas y participer, voire l'affaiblissent à l'occasion. C'est là sans doute le seul gros défaut que l'on puisse regretter parmi les qualités indéniables de Gaiares, qui, encore une fois, se rattrape par le thème accompagnant le boss final — déterminé et fou, comme tous nos efforts pour parvenir jusqu'à lui.
- Graphismes17/20
Effets de distorsion, aire de déplacement, fluidité, le soft impressionne sur le plan technique au point de rivaliser sans problème avec les meilleurs shoot 'em up du support. ''Gaiares'' nous offre dans l'ensemble des décors réussis voire exceptionnels, de par leur originalité et leur implication dans le gameplay. Il reste malheureusement quelques poncifs du genre, comme les bases spatiales en fin de jeu, qui se révèlent trop pauvres pour nous éblouir de bout en bout. Ces pertes d'inspiration s'effacent toutefois bien vite devant l'immensité des boss, le niveau de détails les rendant tout simplement majestueux et vivants, malgré les limites techniques de l'époque. Certains ennemis de base bénéficient même de ce souci du détail : à bien y regarder, on peut les voir préparer perfidement leur boulette avant de nous la cracher en plein vol !
- Jouabilité18/20
Le point fort du titre. Aucun souci de maniabilité. Des boss variés et inventifs. Quelques power-up simples et judicieusement placés. Le système d'armes à copier parvient à être original sans devenir envahissant et obligatoire. A chacun de voir s'il préfère se débrouiller avec une ou deux armes quitte à rencontrer plus de difficultés, ou risquer quelques lancers en plus pour négocier chaque situation avec l'arme adaptée. On en viendrait parfois à regretter que ce système n'ait pas été étendu aux éléments environnants (armes de lave, glace, trous noirs...) mais, du vulcan de base au laser fin et puissant, des missiles autoguidés à l'arme de corps-à-corps pouvant être lancée à distance, l'équipement disponible devrait ravir tous les styles. Les développeurs ont même inclus une astuce extrême : en réussissant à changer et améliorer votre arme le plus souvent possible, vous finirez vers la fin du jeu par avoir l'arme secrète absolument ultime !
- Durée de vie16/20
Les amateurs de challenge seront aux anges dans cet enfer perpétuel. Aucun effort ne sera épargné au joueur, qui devra à la fois apprendre par cœur chaque séquence et aiguiser ses réflexes au maximum. Observer attentivement certains boss risque également d'être nécessaire tant ceux-ci sont travaillés, prêts à vous massacrer tant que vous ne vous serez pas surpassé. Le mode “Very Hard” réservé aux fous n'est malheureusement pas très différent du mode classique, mais le seul fait d'accélérer les tirs ennemis devrait déjà leur suffire ! Le plaisir de la découverte participe lui aussi de cette durée de vie, grâce aux différentes armes et captures.
- Bande son17/20
Avec une difficulté aussi éprouvante, la partie sonore du soft se devait de tenir la route : contrat rempli ! Les différents bruitages participent à l'action sans envahir des musiques souvent accrocheuses qui nous relancent à chaque instant au lieu de nous agacer. L'ensemble n'est pas parfait, notamment du côté des boss et de certaines sections (dotés de thèmes trop décalés et surprenants pour pousser plus loin encore l'intensité du jeu), mais participe assez souvent au rythme frénétique voire désespéré de notre mission...
- Scénario12/20
L'effort est là. Un véritable scénario est proposé avec près de dix minutes d'images animées et de dialogues, chose assez exceptionnelle pour un shoot'em up à l'époque. Mais l'histoire se perd vite dans des complications pour délivrer sa morale écologiste, tout en nous jetant dessus une histoire d'amour inintéressante et expédiée.
Dispersé mais généreux, Gaiares mérite l'attention du joueur pour son gameplay original et exige cette attention pour sa grande difficulté. Est-il le meilleur shoot'em up à scrolling horizontal de la console ? Thunder Force IV, Gley Lancer, Gynoug et bien d'autres continueront d'alimenter les débats des spécialistes, quand il faut simplement retenir que Gaiares est un excellent jeu, avec ses influences et son style propre. Alors si le bon vieux challenge des shoots de la Mega Drive ne vous rend pas allergique, foncez défier cette merveille !